TUNIS: Deux députés tunisiens du mouvement islamo-nationaliste Al Karama, qui s'est opposé au coup de force du président Kais Saied et à la suspension du Parlement, ont été arrêtés, a annoncé dimanche le chef de leur parti.
Ces deux parlementaires, Maher Zid et Mohamed Affes, sont en détention provisoire dans le cadre d'une « enquête de la justice militaire », a expliqué sur Facebook Seifeddine Makhlouf, le chef de cette formation alliée d'Ennahdha, le premier parti de l'Assemblée, également d'inspiration islamiste.
Selon M. Makhlouf, avocat très hostile au président Saied, les deux députés et lui-même sont poursuivis dans une affaire liée à une altercation survenue en mars à l'aéroport de Tunis.
Ils sont soupçonnés d'avoir insulté des agents de la police aux frontières qui avaient interdit à une femme de voyager.
Contacté par l'AFP, le parquet était injoignable. Aucune précision de la justice militaire n'a été publiée.
La femme de M. Affes a confirmé, tard samedi soir, l'arrestation du député, ancien imam ultraconservateur, dans une vidéo sur les réseaux sociaux.
Ex-journaliste d'investigation et blogueur, M. Zid avait lui déjà été condamné à deux ans de prison pour offense envers l'ancien président tunisien, Béji Caïd Essebsi.
Le 25 juillet, le président Saied a invoqué la Constitution pour s'octroyer les pleins pouvoirs et suspendre le Parlement, dans une Tunisie paralysée par des mois de blocages politiques et meurtrie par un rebond catastrophique de l'épidémie de Covid-19. Il a également levé l'immunité parlementaire des députés.
Ces mesures ont été dénoncées comme un « coup d'Etat » par le mouvement Al Karama.
Vendredi, un député indépendant, Yassine Ayari, qui dénonçait aussi un « coup d'Etat militaire », a été arrêté en application d'une condamnation à deux mois de prison, prononcée fin 2018, pour avoir critiqué l'armée, selon la justice militaire tunisienne.
Cette arrestation a suscité l'inquiétude d'ONG. Human Rights Watch y a notamment vu une confirmation des « craintes selon lesquelles le président Saied risque d'utiliser ses pouvoirs extraordinaires contre ses opposants. »
Face aux inquiétudes de la communauté internationale de voir la Tunisie, berceau des printemps arabes, régresser vers l'autoritarisme, le président Saied a assuré vendredi « détester la dictature ». Il n'y a « pas de peur » à avoir concernant les libertés et les droits en Tunisie, a-t-il affirmé.
Selon lui, les arrestations ne concernent que des personnes déjà poursuivies par la justice.
Samedi, les Etats-Unis ont exhorté la Tunisie à rapidement reprendre « la voie de la démocratie ».