PARIS : Avec son plan de relance de 100 milliards d'euros sur deux ans présenté jeudi, le gouvernement entend préparer la France de 2030 et aller au-delà du seul rebond de l'économie durement frappée par la crise provoquée par la pandémie de Covid-19, même si sa priorité reste l'emploi.
"La France a tenu mais elle est incontestablement affaiblie", a souligné le Premier ministre lors de la présentation à Paris de ce plan d'une "ambition et d'une ampleur historique".
Baptisé "France relance", le plan, qui devrait avoir un "effet d'entraînement sur le reste de l'économie", "produira des effets concrets et perceptibles pour le plus grand nombre", a promis Jean Castex. Avec une "priorité absolue": l'emploi, alors que 800.000 suppressions sont attendues en 2020, et un objectif "ambitieux mais à notre portée": retrouver en 2022 le "niveau de richesse d'avant la crise".
M. Castex avait fixé jeudi matin sur RTL l'objectif de créer 160.000 emplois en 2021.
Devant la presse, le Premier ministre en a appelé "au sens des responsabilités de tous les acteurs pour que les entreprises embauchent, à commencer par les jeunes, pour que les partenaires sociaux dialoguent et trouvent des accords, pour que les collectivités investissent aux côtés de l'État (...) et pour que les ménages investissent et consomment au lieu d'épargner".
Au total, 100 milliards d'euros sur deux ans seront injectés dans l'économie, qui devrait se contracter de 11% cette année à cause de l'épidémie de Covid-19 et du confinement décidé au printemps.
L'exécutif promet une exécution rapide, à moins de deux ans de l'élection présidentielle, avec un comité de pilotage, présidé par le Premier ministre.
Après les 460 milliards d'euros de soutien d'urgence mobilisés depuis le début de la crise, le plan de relance est un plan d'investissement sur le moyen terme, autour de trois priorités : la transition écologique, la compétitivité des entreprises et la cohésion sociale, défend Matignon.
Trente milliards d'euros seront ainsi consacrés au verdissement de l'économie, "un pas de géant", a vanté la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Mais les ONG dénoncent l'absence de conditions fermes aux aides versées aux entreprises.
Le transport bénéficiera notamment de 11 milliards d'euros, dont 4,7 milliards pour la SNCF afin de financer le fret ferroviaire, les petites lignes et le train de nuit. Mais le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a prévenu qu'elle devra envisager de céder des filiales pour retrouver sa trajectoire financière.
Près de 7 milliards seront aussi alloués à la rénovation énergétique des bâtiments, serpent de mer des politiques écologiques, dont 4 milliards pour le parc public (écoles, universités, etc.) et 2 milliards dédiés aux ménages.
Dans l'après-midi, M. Castex s'est rendu dans les Vosges pour montrer des effets concrets du plan lors d'une visite de l'usine Pavatex. "On va encourager ce que nous voyons ici, à savoir des matériaux biosourcés, issus du bois ou du recyclage", a-t-il affirmé.
Pour réindustrialiser les territoires, le plan mise sur l'amélioration de la compétitivité des entreprises, avec 35 milliards d'euros mobilisés, dont 20 milliards pour baisser les impôts de production payés par les entreprises, malgré les protestations des maires qui en sont les principaux bénéficiaires.
Le reste de l'enveloppe soutiendra les fonds propres des entreprises que la crise a mis à mal, ou encore subventionnera la relocalisation d'activités et l'innovation dans des secteurs d'avenir, comme l'intelligence artificielle ou le calcul quantique.
Mais dans l'opposition, les patrons de LR Christian Jacob et du PS Olivier Faure regrettent que ce plan arrive "tard", près de quatre mois après la fin du confinement.
Le Medef, en revanche, a "salué les choix du plan de relance". Pour la CGT, Philippe Martinez a regretté l'absence de contreparties pour les entreprises bénéficiaires.
Résorber la dette
Face à cette débauche de moyens pour les entreprises, le gouvernement veut montrer qu'il n'a pas oublié les plus modestes et tous ceux menacés de perdre ou ne pas trouver d'emploi.
Si toute mesure de relance de la consommation est écartée car les revenus des ménages ont été préservés par le chômage partiel, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a indiqué que ce dernier serait prolongé après la fin de l'année si cela était nécessaire, même si "pour l'instant ce n'est pas prévu".
Et dans le plan de relance, 35 milliards d'euros sont dédiés à la cohésion sociale et territoriale, incluant 15 milliards pour l'emploi, dont 6,7 milliards déjà annoncés cet été pour les jeunes ou encore 6,6 milliards pour le dispositif d'activité partielle de longue durée.
S'y ajoutent les 6 milliards d'investissement dans l'hôpital, ou encore la revalorisation de l'allocation de rentrée scolaire et les aides aux collectivités.
Sur l'ensemble du plan, 80 milliards pèseront directement sur le budget de l'Etat et viendront alourdir à court terme la dette publique, attendue déjà à près de 121% du PIB cette année.
L'impact du plan sur cette dette sera "presque entièrement résorbé à partir de 2025" s'il atteint son objectif de réactivation de l'activité, a fait valoir M. Castex, en confirmant qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôts.
La moitié des 80 milliards sera toutefois financée par les subventions issues du plan de relance européen et, à l'exception de la baisse des impôts de production, les dépenses engagées ne seront pas pérennes, tempère-t-on au gouvernement, même si on assume cette stratégie dépensière.