Il existe apparemment un avantage au fait d’être qualifié d'«organisation terroriste»: celui de ne pas être tenu responsable d’un leadership immoral.
Si seulement le président de l'Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, avait ce problème, il ne serait pas la cible de tant de critiques de la part de la communauté militante. Il n'est pas surprenant que les militants n'aiment pas Abbas, car c’est le chef du mouvement politique dominant qui a signé les accords de paix ratés avec le gouvernement israélien.
Abbas a du pain sur la planche lorsqu’il succède à Yasser Arafat, ce héros palestinien constamment diabolisé par les partisans d'Israël. Arafat fait la paix avec Israël, mais les fanatiques, des deux côtés, font tout leur possible pour saper cette paix: ils assassinent son partenaire israélien, le Premier ministre Yitzhak Rabin, et envoient des kamikazes pour cibler des civils.
Cependant, les terroristes n'ont pas à être tenus responsables de la même manière que les gouvernements. Le Hamas, par exemple, est le fer de lance d'un mouvement antipaix radical qui comprend des alliés tels que le Hezbollah au Liban ainsi que les mollahs extrémistes d'Iran. Les dirigeants du Hamas ont utilisé leur base dans la bande de Gaza pour concentrer leur opposition à Israël. À Gaza, quiconque défie leur poigne de fer en paie le prix: il est harcelé et expulsé, ou mystérieusement éliminé.
Les journalistes de Gaza qui ont dénoncé la corruption du Hamas ont été vilipendés, intimidés et réduits au silence. Oser défier le Hamas à Gaza et parfois même en Cisjordanie, c’est se mettre en danger.
Contrairement à Abbas, critiqué pour sa politique qui préconise de travailler avec Israël et de surveiller un mouvement politique souvent trop zélé, violant les droits humains fondamentaux de ses citoyens, le Hamas est qualifié d'«organisation terroriste». Par conséquent, personne ne perd vraiment son temps à rendre compte des brimades et du harcèlement qui ont lieu à Gaza depuis des années.
Je suis allé à Gaza à deux reprises: en 2000 et en 2007. À chaque fois, j’y ai rencontré des journalistes palestiniens. Je sais qu'ils ont peur de parler de l'oppression du Hamas, mais peuvent évoquer librement la politique oppressive et violente d'Israël.
Pourquoi les militants critiquent-ils donc Abbas et l'AP alors que, de fait, ils restent silencieux lorsqu'il s'agit du Hamas? Amnesty International indique clairement que les autorités de Cisjordanie et de Gaza d’une part, l’AP et le Hamas d’autre part, se sont respectivement engagées dans des politiques qui répriment la dissidence, arrêtant des manifestants, des opposants, des détracteurs, des journalistes et des militants des droits humains. Pourquoi alors choisir l'Autorité palestinienne et Abbas et garder le silence sur le Hamas?
La principale raison réside dans le fait que l'Autorité palestinienne a été établie à travers un processus de paix auquel les militants s'opposent. Il existe une autre explication: lorsque Abbas gouverne, dans une situation pratiquement impossible, son gouvernement ne s’apparente absolument pas à une véritable autorité, mais plutôt à un gouvernement construit par un système déficient contrôlé par Israël – un État d'apartheid, qui discrimine les personnes sur la base de la religion, de l’ethnie et de l’identité nationale.
Personne ne perd vraiment son temps à rendre compte des brimades et du harcèlement qui ont lieu à Gaza depuis des années.
Ray Hanania
L’assassinat, le mois dernier, du militant anti-Abbas Nizar Banat, qui était détenu par l'Autorité palestinienne, est évidemment inquiétant. Ce n'est pas ainsi que les gouvernements devraient fonctionner et des comptes doivent être rendus. Mais il était facile pour les militants d’être indignés par l’élimination de Banat, alors que cela l’est moins pour eux quand il s’agit des attentats du Hamas.
Les militants déplorent que l'Autorité palestinienne utilise la force pour restreindre les manifestations dirigées contre les bureaux d'Abbas. Il est clair que tout gouvernement réprime les manifestations contre le bureau du président; cela se produit partout. Pour autant, vous ne verrez pas de manifestations à Gaza contre le Hamas. Pire encore, vous n’entendrez pas les militants se plaindre de l'oppression et des abus du Hamas, car cela saperait leur propre feuille de route partisane.
Certains militants soutiennent le Hamas parce qu'il s'oppose avec plus de force à la paix avec Israël que l'Autorité palestinienne; ils le soutiennent parce qu'il est aligné avec les mêmes groupes qui financent les militants radicaux, du Hezbollah à l'Iran et leurs alliés. Ils gardent donc le silence sur le Hamas et critiquent Abbas parce que cela sert leurs intérêts politiques.
Ainsi, lorsque l'AP dépassent les bornes en matière de droits de l'homme – et je ne dis pas qu'Abbas ne devrait pas être fustigé dans de telles circonstances –, les critiques sont retentissantes; mais, lorsqu’il s’agit du Hamas, les militants demeurent silencieux ou, du moins, se font discrets.
Cette hypocrisie affichée dans la façon dont les militants ciblent l'AP et Abbas tout en fermant les yeux sur des abus similaires et parfois bien pires du Hamas affaiblit la campagne palestinienne pour l'autonomisation nationale et l'indépendance.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être contacté sur son site personnel à l'adresse www.Hanania.com.
Twitter: @RayHanania
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com