LE CAIRE : L'Égypte et le Soudan ont fait part de leur colère après que l'Éthiopie leur ait annoncé la reprise des opérations de remplissage du grand barrage de la Renaissance (GERD) pour une deuxième année consécutive.
Le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Shoukri a rencontré lundi son homologue soudanaise, Mariam Al-Sadiq Al-Mahdi, à New York. Les deux hauts responsables ont émis une déclaration qui décrit le remplissage de la deuxième phase du barrage du Nil comme une «escalade dangereuse».
L'annonce de l'Éthiopie soulève des tensions avant la session du Conseil de sécurité de l'ONU, prévue le 8 juillet a à la demande du Caire et de Khartoum, pour tenter de résoudre le différend.
Shoukri et Al-Sadiq ont appelé à des consultations urgentes entre les États membres du Conseil de sécurité sur le GERD.
Une fois achevé, il sera le plus grand projet hydro-électrique d'Afrique.
Le barrage a causé une impasse diplomatique de dix ans entre l'Éthiopie et les pays en aval, l'Égypte et le Soudan.
Le Caire et Khartoum tentent d'obtenir un accord juridiquement contraignant sur le remplissage et l'exploitation du barrage, et qui préserve les droits des deux pays sur l'eau du Nil.
L'Éthiopie affirme que le barrage sur le Nil Bleu est crucial pour son développement économique, ainsi que pour fournir de l'électricité à sa population.
Toutefois, l'Égypte le considère comme une menace majeure pour l'approvisionnement vital en eau, alors que le Soudan exprime sa préoccupation quant à sa sécurité et son impact sur ses propres barrages et stations d'eau.
Le rythme de remplissage du barrage dépendra des précipitations saisonnières en Éthiopie, a révélé le porte-parole du ministère égyptien de l'Irrigation Mohamed Ghanim à une chaîne de télévision locale, selon Reuters.
«Nous ne verrons aucun effet immédiat sur le Nil. Nous avons un mois ou même six semaines devant nous», a-t-il expliqué.
L'Égypte et le Soudan ont tous deux mené une campagne diplomatique pour un accord sur l'exploitation du barrage, mais les pourparlers ont été retardés à plusieurs reprises.
Le ministère égyptien des Affaires étrangères a souligné que la dernière décision de l'Éthiopie viole les lois et les normes internationales qui régissent l'exploitation des ressources fluviales.
«Cette étape est une escalade dangereuse qui révèle la volonté de l'Éthiopie d'imposer un fait accompli aux deux pays en aval, l’Égypte et le Soudan, et son indifférence aux effets négatifs et aux dommages que ces deux pays pourraient subir en raison du remplissage unilatéral du barrage», indique le communiqué.
Shoukry a tenu plusieurs réunions à New York avec des émissaires d’autres pays avant la session du Conseil de sécurité.
Pour sa part, l'Éthiopie affirme qu'elle ne fait qu’exercer ses droits sur les eaux du Nil, longtemps contrôlées par ses voisins en aval.
Son ambassadeur au Soudan a signalé dimanche que la question n'est pas une question de paix et de sécurité, et ne devrait pas être portée devant le Conseil de sécurité.
Nicolas de Rivière, ambassadeur de France auprès de l'ONU, a déclaré la semaine dernière que le conseil ne peut faire grand-chose à part rassembler les parties concernées.
«Nous pouvons ouvrir la porte, inviter les trois pays à la table et les encourager à reprendre les négociations afin de trouver une solution», soutient-il.
L'Égypte, qui dépend du Nil pour environ 97% de son irrigation et de son eau potable, considère le barrage comme une menace existentielle.
Le Soudan espère que le projet va réguler les inondations annuelles, mais craint que ses propres barrages ne soient durement touchés sans un accord sur le fonctionnement du GERD.
Plus tôt, Mohamed Abdel-Aty, le ministre égyptien de l'irrigation, a envoyé une lettre officielle à son homologue éthiopien. La missive condamne la mesure unilatérale d'Addis-Abeba comme «une violation claire et dangereuse de l'accord sur la déclaration de principes».
Abdel-Aty rappelle que l'Égypte manque de ressources en eau et qu’elle est l'un des pays les plus secs du monde. Selon lui, l'Éthiopie dispose de précipitations adéquates, d'énormes ressources en eau et de grands volumes aquatiques stockés dans les barrages et les lacs naturels.
Abdel-Aty a avisé que l'Égypte ne s'oppose pas au développement en Éthiopie ou dans les autres pays du bassin du Nil, mais estime que les projets doivent être conformes au droit international et prendre en compte les préoccupations dans l’ensemble des pays en aval.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com