Les petits pas du G7 pourraient finalement conduire à des progrès

Cette photo montre Joe Biden, Boris Johnson, Charles Michel, Yoshihide Suga et Mario Draghi lors du sommet du G7, à Carbis Bay, dans les Cornouailles, en Grande-Bretagne, le 11 juin 2021. (Reuters)
Cette photo montre Joe Biden, Boris Johnson, Charles Michel, Yoshihide Suga et Mario Draghi lors du sommet du G7, à Carbis Bay, dans les Cornouailles, en Grande-Bretagne, le 11 juin 2021. (Reuters)
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Publié le Samedi 19 juin 2021

Les petits pas du G7 pourraient finalement conduire à des progrès

Les petits pas du G7 pourraient finalement conduire à des progrès
  • Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a réservé à ses homologues un accueil unique et plein de bonhomie, se présentant pour l’occasion en compagnie de sa nouvelle femme et de leur bébé
  • L’impression de club élitiste que donne ce rassemblement, avec du homard au menu, ne laisse guère présager un projet capable de fonder une ligue des démocraties basée sur les droits de l'homme et sur le droit international

On ne pouvait rêver plus bel endroit que les Cornouailles pour le premier grand sommet du G7 depuis plus d'un an. Passer quelques jours d'été à la plage est un régal, même pour des dirigeants mondiaux; et Carbis Bay, au Royaume-Uni, constituait la toile de fond de leur rencontre – pour certains d’entre eux, une première. Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a réservé à ses homologues un accueil unique et plein de bonhomie, se présentant pour l’occasion en compagnie de sa nouvelle femme et de leur bébé. Même la reine Elizabeth II, âgée de 95 ans, était présente. Elle est là depuis si longtemps que Joe Biden est le 13e président américain qu'elle rencontre depuis son accession au trône. Lors d'une séance de photos en famille, elle a lancé: «Êtes-vous censés avoir l'air de vous amuser?»

La réponse n'est peut-être pas superflue, compte tenu de l'ampleur des défis qui attendent ces dirigeants. Coups de coude publics et sourires distribués sur fond de conflits. Pourtant, la scène vise à réaffirmer bon nombre de messages de Johnson, de «Global Britain» à «reconstruire mieux» et «reconstruire plus vert».

Ce message, reconstruire en mieux, constitue une option pour les pays riches dont les dirigeants se sont réunis dans l'extrême sud-ouest de l'Angleterre. Ils sont en passe de vacciner la majorité de leurs populations adultes. Ces économies massives peuvent considérer l'ouverture de la société et se concentrer sur leur redressement. Elles peuvent envisager un avenir post-pandémique. Le problème, c'est qu'elles doivent croiser les doigts et prier pour qu'aucun variant qui résisterait au vaccin n'émerge, les obligeant à fermer les magasins à nouveau. La déclaration de Carbis Bay est particulièrement ambitieuse: elle prétend que le monde est capable de faire face à toute future pandémie dans les cent jours qui viennent, et annonce l’objectif de mettre fin à la pandémie de coronavirus d'ici la fin de 2022.

Une grande partie du reste du monde observe et se dit: «Et nous? Qu'en est-il de la pandémie qui nous tue en ce moment?» L'Afrique est le continent qui a été laissé à la traîne, certains de ses pays n'ayant pas encore vacciné une seule personne: seules 40 millions de doses ont été administrées jusqu'à présent, soit 30 millions de moins que dans le seul Royaume-Uni. Le Maroc, le Rwanda et l’Eswatini se trouvent même à court de ravitaillement. Ici ou ailleurs, la pandémie durera probablement bien au-delà de 2022.

L'engagement du G7 qui consiste à fournir 1 milliard de doses de vaccins aux pays les plus pauvres est-il donc suffisant? Les États-Unis en ont promis 500 millions, le Royaume-Uni 100 millions. Mais seulement 200 millions et 25 millions seront respectivement livrés en 2021. La plupart de ces doses iront à terme au programme Covax.

 

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 11 milliards de vaccins sont nécessaires pour vacciner 70% de la population mondiale. Jusqu'à présent, seulement 2,3 milliards de doses ont été utilisées, dont 53% dans seulement cinq pays. Le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, a considéré la promesse d'un milliard de doses comme insuffisante. Lui et beaucoup d'autres souhaitent en outre qu’on renonce aux droits de propriété intellectuelle et que les connaissances soient partagées. La production locale est vitale, et pas seulement pour cette pandémie. Comment ces doses seront-elles administrées dans les pays sans les infrastructures sanitaires que l'on trouve dans les États du G7? Qu'en est-il des États en conflit? Des variants du virus se développeront jusqu'à ce que la vaccination soit universelle, comme l'a montré le variant Delta qui a émergé en Inde.

Le G7 a peut-être raté son examen de leadership sur cette question cruciale. D'autres se demanderont ce que le G7 proposera sur le changement climatique, sujet qui représente également une menace majeure pour la planète. L'optique de ces leaders mondiaux réunis dans les Cornouailles dans leurs avions privés convainc difficilement. Où sont les idées innovantes sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre? Pourraient-ils souscrire à une taxe carbone? Nombreux sont ceux qui attendaient des signaux positifs avant la conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP26, qui se tiendra elle aussi au Royaume-Uni plus tard cette année. La décision de supprimer les subventions gouvernementales de l'énergie au charbon d'ici la fin de cette année est positive, mais ne change guère la donne.

 

L’impression de club élitiste que donne ce rassemblement, avec du homard au menu, ne laisse guère présager un projet capable de fonder une ligue des démocraties basée sur les droits de l'homme et sur le droit international. Cela fait pourtant partie intégrante du programme de Biden avec le changement climatique. Il lui manque encore un cadre, même si les discussions portent sur un regroupement «D10» de grandes démocraties, avec la Russie et la Chine en ligne de mire. L'ennui, c'est que le G7 ne parvient pas à convenir d’une stratégie ferme concernant ces deux puissances. En réalité, des régimes comme ceux de Moscou et de Pékin demeurent forts, comme l’a illustré le sommet Biden-Poutine à Genève. Promouvoir l'État de droit et les droits de l'homme est une bonne chose, mais cette intention se heurte une application incohérente, comme le démontre l’absence de responsabilité concernant le bombardement israélien de Gaza le mois dernier.

Ce que les démocraties peuvent faire, c'est montrer l'exemple, pour démontrer au nombre croissant des sceptiques qu'il s'agit d'un modèle politique réussi. Au lieu de cela, l'histoire qui a marqué le sommet était la fameuse «guerre des saucisses». Les dirigeants de l'Union européenne (UE) ont insisté sur le fait que le Royaume-Uni doit intégralement mettre en œuvre le protocole post-Brexit sur l'Irlande du Nord. Johnson a maintenu sa position: selon lui, puisque l'Irlande du Nord fait partie intégrante du Royaume-Uni, les retards de livraison de médicaments et de viandes réfrigérées (y compris les saucisses) entre la Grande-Bretagne continentale et l'Irlande du Nord sont inacceptables. Il soutient que les contrôles de l'UE sont «excessivement lourds».

Les petites querelles commerciales ne créent pas un climat propice à la résolution de crises internationales de masse.

 

Chris Doyle

Le Premier ministre britannique affirme qu'il est prêt à risquer une guerre commerciale en et à invoquer l'article 16 du protocole d'Irlande du Nord afin d’arrêter les contrôles sur les marchandises britanniques à destination de l'Irlande du Nord. L'UE brandi la menace d’une mesure de rétorsion sur les produits britanniques. Biden a soutenu l'UE et a ordonné à son plus haut responsable diplomatique à Londres d'effectuer une démarche – un va-et-vient diplomatique – quelques jours avant le sommet.

 

Tout cela n’est guère stimulant. Le Brexit a été signé, scellé et livré au mois de décembre dernier. Les petites querelles commerciales ne créent pas un climat propice à la résolution de crises internationales massives. La confiance fait défaut entre Johnson d'une part et Emmanuel Macron et Angela Merkel d'autre part. Macron a demandé à Johnson de tenir parole sur le protocole d'Irlande du Nord. Le fait que Johnson ait qualifié dans le passé le président français de «Napoléon survolté» et qu’il se soit demandé si la chancelière allemande avait déjà travaillé pour la Stasi, la police secrète est-allemande, n’arrange rien.

Toutefois, le retour physique des sommets mondiaux constitue une excellente nouvelle. La cristallisation des atomes crochus sera, espérons-le, au programme de demain. Biden a effectué son premier voyage à l'étranger sans l’ostentation qui a caractérisé les années Trump de 2017 à 2019. Le sommet a peut-être été décevant, mais souhaitons que, plus tard dans l'année, ces petits pas mènent à de plus grands.

 

Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding, basé à Londres. Twitter : @Doylech


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