À l’occasion de son 54e anniversaire, les Palestiniens réfléchiront cette semaine à l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Rien n'encouragera même les plus optimistes d'entre eux à penser qu’ils se rapprochent ne serait-ce que d’un pouce de la fin de cette occupation «temporaire». Le potentiel nouveau gouvernement de coalition israélien ne donnera certainement aucune raison d'espérer.
De nombreux Palestiniens déclareront qu'il importe peu de savoir qui se trouve à Beit Aghion, la résidence du Premier ministre israélien. La nouvelle coalition israélienne ne provoquera donc pas de joyeuses célébrations à Gaza, Ramallah ou Haïfa. Les Palestiniens savent que les colonies se sont étendues sous tous les mandats des différents gouvernements israéliens. La seule chose qui change, c'est la question de savoir où elles doivent être étendues. Ainsi, selon les Palestiniens, cette coalition israélienne de «changement» ne signifiera aucun changement pour eux.
Cette manie du «rien ne changera» a quelques mérites, mais elle est légèrement plus complexe que cela.
Le probable 13e Premier ministre d'Israël, Naftali Bennett, n'est pas un libéral. Au contraire, il est encore plus à droite que Benjamin Netanyahou. Il a été pendant un certain temps le chef du Conseil de Yesha qui représente les colons israéliens. M. Bennett s'est même vanté en disant: «J'ai tué beaucoup d'Arabes dans ma vie – et cela ne pose aucun problème.» Il sera peut-être freiné par ses partenaires de coalition de gauche, comme les travaillistes et le Meretz, mais il sera également conscient qu'ils ne souhaiteront pas voir la coalition s'effondrer. Des partis tels que le Labour et le Meretz ont très peu d'opportunités de faire partie d'une coalition, compte tenu de l'effondrement du soutien dont souffre la gauche en Israël depuis un siècle.
Mais Naftali Bennett est dans une situation étrange pour un homme dont le parti n'a obtenu que 6,2 % des votes. Lui aussi hésitera à se présenter à une autre élection, du moins tant qu'il n'aura pas donné les derniers sacrements à la carrière politique de son prédécesseur et, de préférence, qui ne l’aura pas vu disparaître dans une cellule de prison. M. Bennett aura besoin de la coalition pour réussir. C'est peut-être sa seule opportunité en tant que Premier ministre – la chance d'établir ses références en tant que leader à long terme de la droite israélienne. Il devra démontrer qu'il est capable de tenir ses promesses et de séduire les différentes factions du Likoud qui ne se prosternent pas devant l'autel du personnage culte qu'est Benjamin Netanyahou.
L'homme qui a tenu ce flambeau au cours de la dernière décennie et même au-delà ne se laissera cependant pas faire. M. Netanyahou devra peut-être faire ses valises, mais il fera absolument tout pour briser cette coalition et revenir au pouvoir. Ébranlé, Benjamin Netanyahou s'est engagé dans une série de diatribes explosives, en grande partie contre M. Bennett, qu'il a accusé de «vendre le Néguev à Raam», le parti islamiste palestinien qui a accepté de rejoindre la coalition. Naftali Bennett a riposté en déclarant: «Nous sommes autorisés à choisir un gouvernement dont vous n'êtes pas le chef. Un qui est de 10 degrés plus à droite que le vôtre.» M. Netanyahou s’est également inspiré du répertoire de son ami Donald Trump en insistant sur le fait que «nous assistons à la plus grande fraude électorale de l’histoire du pays, à mon avis dans l’histoire de toute la démocratie».
Afin d’écraser cette coalition, Benjamin Netanyahou va faire exploser une multitude de grenades, en commençant par faire monter la tension à Jérusalem. Des groupes d'extrême droite organiseront jeudi une marche dans la ville – un acte conçu pour fomenter des affrontements, notamment lorsque les manifestants franchiront la porte de Damas, le principal point d'entrée du quartier musulman de la vieille ville. Lui et ses acolytes inciteront M. Bennett à agir durement et à soutenir ces racistes, du même genre que ceux qui ont scandé «Mort aux Arabes» en avril.
Pour les citoyens palestiniens d'Israël, c'est un moment charnière. Pour la première fois, ils bénéficient de plus de quelques appuis dans une coalition israélienne (il y a eu un ministre palestinien dans le passé). Comment cela va-t-il fonctionner? Le défi pour Mansour Abbas et son parti Raam sera de répondre aux attentes de sa base électorale tout en refusant de faire avancer les questions nationales palestiniennes. Il ne s'impliquera pas dans des questions telles que Gaza, Jérusalem et Cheikh Jarrah. La priorité de M. Abbas est d’assurer une aide financière aux communautés palestiniennes en Israël. Ses exigences sont réduites à une question de budget.
Cette stratégie s’est peut-être avérée utile pour Mansour Abbas lors des élections de mars. Mais il est dans l'air du temps pour les Palestiniens de tendre vers l'unité au-delà de toutes les frontières, ce qui, selon eux, leur a donné une force renouvelée. M. Abbas va à l’encontre de cet objectif et par conséquent, il est désormais très mal accueilli dans les communautés palestiniennes et dans les médias palestiniens. Les Palestiniens attachent plus d'importance à leurs droits qu'à quelques shekels supplémentaires.
Les membres du principal parti palestinien, la Liste arabe unie (Raam), sont furieux. Le nouveau membre de la Knesset Sami Abou Shehadeh souligne que «nos principaux problèmes n'ont pas du tout été discutés avec les partenaires de M. Abbas dans la coalition. Ils ont totalement ignoré notre identité palestinienne ou les problèmes palestiniens.» Il considère que les Palestiniens en paient un prix beaucoup trop élevé. Selon Sami Abou Shehadeh, l'une des erreurs de Mansour Abbas est d'ignorer que «ce n'est pas la personnalité de M. Netanyahou qui est le problème, mais sa politique».
Alors quelles sont les options pour le mouvement national palestinien? Les choix du président, Mahmoud Abbas, sont limités. Il pourrait organiser des élections puis mettre en place un gouvernement d'union. Plus probablement, il attendra de voir si l'administration Biden peut évoquer une ouverture pour des négociations sérieuses. Au moins, Joe Biden n'est pas hostile, contrairement à Donald Trump. Le président Abbas a une oreille à Washington mais, s'il veut rester pertinent, il doit puiser dans la nouvelle ferveur palestinienne pour l'unité, qui s'est particulièrement exprimée lors des manifestations de Cheikh Jarrah.
Le défi pour Mansour Abbas sera de répondre aux attentes de sa base électorale tout en refusant de faire avancer les questions nationales palestiniennes.
Chris Doyle
Le Hamas et M. Netanyahou ont toujours joué l'un contre l'autre – d’une certaine manière, par convenance – car tous deux détestent l'idée même de négociations qui pourraient aboutir à des concessions douloureuses. Tous deux détestent également le Fatah. Certains membres de la nouvelle coalition israélienne sont moins enclins à la stratégie de diviser pour régner. Cela pourrait signifier des mesures plus dures contre le Hamas et, par conséquent, contre Gaza, à la fois pour faire preuve de fermeté et aussi parce que le principal objectif sera de renforcer Ramallah, et non de l'affaiblir.
Les questions palestiniennes figurent rarement dans la politique israélienne. Pourtant, en travaillant dans l’unité, les Palestiniens peuvent dorénavant avoir l’opportunité d'envoyer un message phare aux Israéliens: «Vous ne pouvez pas nous ignorer éternellement.» Le maintien d'un régime d'occupation et d'apartheid n'est une solution ni pour les Israéliens ni pour les Palestiniens.
Chris Doyle est le directeur du Council for Arab-British Understanding, basé à Londres.
Twitter : @Doylech
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com