Le Hamas et Israël ont semblé récemment sur le point de parvenir à un accord d'échange de prisonniers, en vertu duquel le groupe palestinien libérerait plusieurs soldats israéliens détenus à Gaza, et Israël libérerait un nombre indéterminé de prisonniers palestiniens. Cependant, au lieu de l'annonce tant espérée d'un accord, des bombes israéliennes ont commencé à tomber le 10 août sur la Bande de Gaza assiégée, et des ballons incendiaires, provenant de Gaza, se sont dirigés vers le côté israélien de la barrière.
Alors, que s’est-il passé ? La réponse réside en grande partie – quoique pas entièrement - en Israël, spécifiquement dans les conflits politiques entre le Premier Ministre Benjamin Netanyahu et son camp politique de droite d'une part, et les partenaires de la coalition gouvernementale, avec à leur tête le Ministre de la Défense et le Premier Ministre suppléant Benny Gantz, de l'autre.
Le désaccord entre Netanyahu et Gantz est concentré sur un conflit budgétaire houleux actuellement en cours à la Knesset, qui a peu à voir avec les dépenses du gouvernement ou les responsabilités budgétaires. Gantz, qui est censé remplir son mandat de premier ministre à partir de novembre 2021, estime que les plans de Netanyahu d'adopter un budget d'un an compromettront l'accord de coalition et appelleront à de nouvelles élections avant la permutation de la fonction ministérielle. Par conséquent, Gantz insiste pour étendre la couverture budgétaire à deux ans, dans le but d’éviter toute traîtrise possible de la part du parti Likoud de Netanyahu.
L’intrigue de Netanyahu, qui a été révélée le mois dernier par le journal Haaretz, n’est pas entièrement motivée par l’amour du pouvoir du dirigeant israélien, mais également par sa méfiance à l’égard des propres motivations de Gantz, compte tenu de son procès en cours pour corruption. Tant pour Netanyahu que pour Gantz, il s’agit peut-être là du combat le plus crucial de leur carrière politique : le premier se bat pour sa liberté, le second pour sa survie politique.
Une question cependant est importante pour les deux dirigeants : la conviction que la force militaire recueillerait toujours un plus grand soutien de la part de l'opinion publique israélienne, surtout si une autre élection devenait inévitable. Un quatrième vote en l'espace de deux ans est susceptible d'avoir lieu si la bataille budgétaire n'est pas résolue.
Le désaccord entre Netanyahu et Gantz est concentré sur un conflit budgétaire houleux actuellement en cours à la Knesset, qui a peu à voir avec les dépenses du gouvernement ou les responsabilités budgétaires. Gantz, qui est censé remplir son mandat de premier ministre à partir de novembre 2021.
Alors qu'une confrontation militaire au Sud du Liban semble improbable, en raison de l'explosion gigantesque qui a secoué Beyrouth le 4 août, les deux dirigeants israéliens ont concentré plutôt leur attention sur Gaza. Agissant rapidement, comme en pleine campagne électorale, Gantz et Netanyahu se sont occupés de faire valoir leurs arguments auprès des Israéliens vivant dans les villes du sud à la frontière de la Bande de Gaza.
Gantz a rendu visite aux dirigeants de ces communautés la semaine dernière. Il a été rejoint par une délégation, choisie avec soin, de hauts responsables du gouvernement israélien et de l'armée, dont le Ministre de l'Agriculture Alon Schuster et le Commandant de la Division de Gaza, le général brigadier Nimrod Aloni. Outre les menaces habituelles de frapper quiconque à Gaza oserait menacer la sécurité israélienne, Gantz s'est engagé dans une auto-promotion de type de campagne électorale. ‘’Nous avons changé l'équation à Gaza. Depuis que je suis entré en fonction, il y a eu une réponse à chaque atteinte à notre sécurité,’’ a déclaré Gantz, mettant en relief ses propres réalisations, à l’opposé de celles du gouvernement de coalition, refusant ainsi tout mérite à Netanyahu.
Netanyahu, pour sa part, a menacé de réagir durement contre Gaza si le Hamas n'empêchait pas les manifestants de lancer des ballons incendiaires. ‘’Nous avons adopté une politique selon laquelle un incendie est considéré au même titre qu’une roquette,’’ a-t-il déclaré aux maires des villes du sud, dans un appel la semaine dernière.
‘’Nous avons changé l'équation à Gaza. Depuis que je suis entré en fonction, il y a eu une réponse à chaque atteinte à notre sécurité,’’ a déclaré Gantz, mettant en relief ses propres réalisations, à l’opposé de celles du gouvernement de coalition, refusant ainsi tout mérite à Netanyahu.
Ramzy Baroud
Le Premier Ministre garde ouverte l'option de la guerre à Gaza au cas où elle deviendrait son seul recours. Cependant, Gantz, en tant que Ministre de la Défense, bénéficie d'une plus importante marge de manœuvre politique. Il a ordonné nuit après nuit des bombardements sur Gaza depuis le 10 août. Avec chaque bombe qui tombe sur Gaza, la crédibilité de Gantz auprès des électeurs israéliens, en particulier ceux du sud, augmente.
Si la conflagration actuelle conduit à une guerre totale, ce sera tout le gouvernement de coalition - y compris Netanyahu et son parti du Likoud - qui portera la responsabilité de ses conséquences potentiellement désastreuses. Cela place Gantz dans une position de force.
Mais la confrontation militaire actuelle à Gaza n’est pas entièrement le résultat du combat politique Israélien. La société de Gaza est actuellement à son point de rupture. La trêve entre les groupements de Gaza et Israël, conclue grâce à la médiation égyptienne en novembre 2019, n’a mené à rien. Malgré de nombreuses assurances selon lesquelles les Gazaouis assiégés bénéficieraient d’un répit dont le besoin se fait cruellement sentir, la situation a atteint ce mois-ci une phase insupportable, et sans précédent : le seul groupe électrogène de Gaza est à court de carburant et n’est plus en service ; la minuscule zone de pêche de la Bande de Gaza d’à peine 3 milles nautiques a été déclarée zone militaire interdite; et le Passage de Karem Abu Salem, par lequel de maigres fournitures entrent à Gaza en provenance d'Israël, a été fermé. Le siège israélien de 13 ans est maintenant au pire stade de son histoire, avec peu de possibilités pour les habitants de Gaza de manifester leur indignation face à leur détresse.
En décembre dernier, les autorités du Hamas ont décidé de limiter la fréquence des manifestations, connues sous le nom de Grande Marche du Retour, qui avaient lieu chaque semaine depuis mars 2018. Près de 200 Palestiniens ont été tués par des tireurs embusqués israéliens lors de ces manifestations. Malgré le nombre élevé de morts et l'échec relatif pour déclencher un tollé international contre le siège, les manifestations non violentes ont permis aux Palestiniens ordinaires d'exprimer leur fureur, de s'organiser et de prendre des initiatives. Mais la frustration croissante à Gaza a contraint le Hamas à autoriser les manifestants à retourner à la barrière, dans l'espoir que cela ramènerait le sujet du siège à l'ordre du jour des nouvelles internationales.
Les ballons incendiaires qui ont déclenché la colère de l'armée israélienne ne sont que l'un des nombreux messages palestiniens visant à montrer que les Gazaouis refusent d'accepter que la prolongation du siège soit désormais leur réalité permanente.
Alors que la médiation égyptienne peut éventuellement offrir aux Palestiniens une solution temporaire et éviter une guerre totale, la violence israélienne à Gaza ne cessera pas sous l'arrangement politique actuel. Tant que les dirigeants israéliens verront dans la guerre sur Gaza une opportunité politique et une plateforme pour leurs jeux électoraux, le siège se poursuivra.
Ramzy Baroud est journaliste et rédacteur en chef du Palestine Chronicle. Il est l'auteur de cinq livres, dont le dernier en date est ‘’Ces Chaînes Seront Brisées : Histoires Palestiniennes de Lutte et de défi dans les Prisons Israéliennes’’ (Clarity Press, Atlanta).
Twitter: @RamzyBaroud
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com