MARSEILLE: Médusée devant un tableau, Fadila Gueziz, habitante d'une cité de Marseille savoure cette journée passée au Musée des civilisations méditerranéennes grâce à un bus spécialement affrété qui chaque dimanche, vient chercher gratuitement les publics éloignés socialement et géographiquement du Mucem.
Pour les habitants des quartiers de la Viste, de Bougainville, de Plan d'Aou ou de la cité de La Castellane, situés sur les hauteurs de Marseille, le voyage dans le temps commence dès l'entrée dans le bus aux fauteuils orange des années 1970.
Spécialement remis en service pour l'opération « Destination Mucem », l'autobus sillonne chaque dimanche à tour de rôle les quartiers nord, sud, est et nord-est de la tentaculaire deuxième ville de France, réputée pour ses lacunes en matière de transports en commun ainsi que pour les flagrantes disparités entre ses quartiers pauvres et riches.
« On ne peut pas se résigner à ce que les Marseillais éloignés pour des raisons sociales et géographiques ne puissent pas venir » au Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem), résume son directeur Jean-François Chougnet lors de ce dimanche d'inauguration.
Fréquenté à 50% par des habitants de la région dont 30% de Marseillais, le musée entouré d'une fine dentelle de béton noir et situé dans le prolongement du Vieux-Port, enregistre une « surreprésentation » des visiteurs venant de quartiers à proximité ou d'arrondissements plus aisés que dans le reste de cette ville, selon M. Chougnet.
« Ce n'est pas simple de leur dire de venir, il faut faire tomber les barrières alors c'est nous qui allons les chercher », commente Justine Brousse, la guide qui au cours de la demi-heure de trajet prépare ce public novice et le rassure afin qu'il s'approprie le lieu et les oeuvres hétéroclites qui le composent.
« Ici, je respire! »
« Un musée finalement, c'est comme cette boîte à sardines, cela sert à conserver des choses pour ne pas qu'elles s'abîment », explique-t-elle en brandissant la boîte en fer face aux plus jeunes très attentifs dont la plupart disent n'avoir jamais mis les pieds dans un musée.
On peut « toucher mais qu'avec les yeux, danser, mais pas manger, ni boire. Pour cela, vous pourrez emprunter la passerelle qui relie le musée au Fort Saint-Jean entouré de ses terrasses et avec sa magnifique vue sur la mer », poursuit la jeune femme qui rassure Yanis inquiet de la solidité de la passerelle.
« A l'intérieur du Musée c'est comme la caserne d'Ali Baba, il y a plein d'objets de toutes les couleurs. Vous allez faire un voyage à travers la Méditerranée: on va vous parler de conquête, de puissance, de richesse, de pirates, pour revenir à la période d'aujourd'hui », les appâte-t-elle avant de les laisser s'engouffrer dans les salles.
Impatiente, Fadila Gueziz accompagnée de ses trois enfants n'est pas déçue: « Je n'arrive pas à décrocher mon regard de ce tableau, la lumière est tellement belle. Il raconte une histoire », s'émerveille-t-elle devant une toile représentant un bateau affrontant une tempête.
Tirée par la manche par ses enfants tout aussi curieux, la mère de famille se désole déjà: « Il y a trop de choses à voir on n'aura jamais assez temps pour tout voir (...) ». « Ici, je respire », apprécie cette mère de famille qui trouve important que ses « enfants voient autre chose que le quartier ».
« Je suis allée dans ce musée il y a très longtemps et je n'y suis pas retournée faute de temps alors quand ma fille est revenue de l'école maternelle en me disant ‘maman il faut qu'on aille au Mucem’, après une intervention en classe, j'ai sauté sur l'occasion », confie de son côté Manou, âgée d'une trentaine d'années.
« La culture c'est pour tous, elle ne doit pas être réservée aux bobos », clame cette employée.
Bassam Ali-Mahamoud qui n'avait jamais mis les pieds dans un musée est lui aussi conquis par sa visite et reste marqué par la sculpture du Homard de l'artiste contemporain Jeff Koons dont les oeuvres sont exposées jusqu'en octobre au dernier étage.
« Je m'attendais à voir des trucs à l'ancienne, originaux mais pas à ce point », lance incrédule l'adolescent.