Dans moins d’un mois se tiendra l’élection présidentielle iranienne, qui désignera un successeur à Hassan Rohani. L’occasion d’examiner l’héritage du président sortant, alors que son second mandat touche à sa fin.
Lorsque Rohani s'est présenté pour la première fois à la présidence iranienne en 2013, il est apparu comme profondément différent de son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad, et des franges extrémistes du pouvoir. Rohani s'est engagé à améliorer l'économie du pays, le niveau de vie de la population, et les droits humains, tout en promettant de plus grandes libertés politiques et sociales, et de meilleurs relations avec le reste du monde.
Rohani a amélioré les relations du régime iranien avec l’Occident au cours de son premier mandat, en aidant à sceller l’accord nucléaire avec six grandes puissances (P5 + 1). Quatre séries de sanctions de l'ONU contre l'Iran ont été levées, et Téhéran a rejoint le système financier mondial. Des milliards de dollars ont ensuite afflués dans les caisses du régime.
Mais les seuls bénéficiaires de l’amélioration des relations de l’Iran avec l’Occident ont été les fonctionnaires du gouvernement, ceux qui leur étaient liés, le Guide suprême, Ali Khamenei, le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), la force Al-Qods, et les milices et groupes terroristes iraniens à travers le Moyen-Orient. L'augmentation des revenus ne s'est pas répercutée sur les citoyens ordinaires. En outre, les Iraniens n’ont constaté aucune amélioration de leurs libertés sociales ou politiques, ou des droits de l’homme.
Lors de sa seconde campagne présidentielle, Rohani a accusé les extrémistes de retarder la réalisation de ses objectifs. Il a affirmé qu’il avait besoin de plus de temps pour tenir ses promesses, tout en en capitalisant astucieusement sur le nationalisme persan pour élargir sa base de soutien, dénonçant les tentatives d’autres dirigeants d’effacer l’histoire persane de la culture iranienne.
Pendant la campagne, il s’est ainsi adressé au candidat rival, Ebrahim Raïssi, en ces termes: «Vous avez un problème avec les citoyens et les jeunes, très bien. Mais qu’il y a-t-il de néfaste avec Ferdowsi (le poète persan du Xᵉ siècle)? Pourquoi avez-vous effacé ses poèmes des murs de la ville? Vous avez dit aux habitants de Machhad que s'ils voulaient assister à des événements artistiques, ils devraient quitter la ville. Voudriez-vous vous emparer de l’Iran et dire aux citoyens de quitter le pays?»
Beaucoup d’Iraniens ont accordé une seconde chance à Rohani. Après avoir été élu pour un second mandat, il avait posté ce message sur Twitter: «L'Iran est une grande nation. Vous êtes les vrais gagnants de l'élection… Je resterai fidèle à mes engagements envers vous». Mais les Iraniens ordinaires ont-ils été les vrais gagnants de l’élection?
Au cours du deuxième mandat de Rohani, le niveau de vie des citoyens ordinaires s’est détérioré de manière inédite. De nombreuses personnes n'ont plus les moyens d'acheter des denrées de base. Le pays connaît une inflation qui monte en flèche – la pire depuis la Première Guerre mondiale. Un législateur iranien, Ehsan Khandouzi, a même reconnu ce mois-ci que «récemment, le record d'inflation vieux de soixante-quinze ans a été battu en Iran. Si cela n’est pas le cas, la Banque centrale devrait publier le rapport de février», ajoutant que «l'Iran n'a connu une inflation supérieure à 50% qu’au cours des années d'occupation (la Première Guerre mondiale)».
En ce qui concerne ses promesses de fournir de plus grandes libertés politiques, et d’améliorer les droits de l’homme, la répression de la liberté d’expression, et les niveaux d’oppression ont atteint leur paroxysme sous Rohani. Plus précisément, lors des manifestations généralisées de 2017 et 2019, le régime a brutalement réprimé des troubles sociaux, économiques et politiques auxquels il était confronté.
Rohani avait également promis des droits égaux pour toutes les minorités religieuses et ethniques, mais en réalité, le régime iranien a intensifié sa persécution systématique des minorités, les Kurdes, les sunnites, les chrétiens et les Arabes. Par ailleurs, dans son rapport annuel de 2019 sur la peine de mort, Amnesty International déclarait: «L’Iran a conservé sa place de deuxième bourreau le plus prolifique au monde après la Chine». Pendant le mandat de Rohani, des milliers de personnes ont été exécutées, torturées ou éliminées par les forces du régime.
Au cours du deuxième mandat du président iranien, le niveau de vie des citoyens ordinaires s’est détérioré de manière inédite.
Dr Majid Rafizadeh
Les deux mandats de Rohani comme président ont enseigné à de nombreux Iraniens que la notion de modérés ou de réformistes au sein le régime iranien était illusoire. Ils ont perdu l'espoir que le régime puisse changer de l'intérieur. C'est la raison pour laquelle on a vu l’émergence de nombreux slogans devenus populaires tels que: «Réformiste, dur, le jeu est maintenant terminé», «Mort à Rohani», ou encore «Honte à toi Khamenei, démissionne». Cela ne s’était jamais produit auparavant.
De nombreux citoyens se sont également rendu compte que Rohani, comme de nombreuses autorités politiques iraniennes, n’était fidèle qu’à Khamenei, et non aux gens ordinaires. Qu'ils soient «modérés» ou «durs», les politiciens iraniens croient toujours aux idéaux révolutionnaires du régime, comme l'exportation de la révolution à l'étranger.
L'héritage de Rohani est une pauvreté accrue, d’une inflation record, d’un taux de chômage élevé, de violations des droits de l'homme, de morts et de destructions. De nombreux Iraniens ont réalisé que les promesses des autorités politiques étaient vaines, et qu'il n'existait pas de modération au sein de l'establishment théocratique du pays.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com