AL-MUKALLA: Amnesty International a accusé la milice houthie soutenue par l’Iran d’avoir arrêté arbitrairement des centaines de journalistes, de défenseurs des droits humains et membres de minorités religieuses, et de les détenir à l’isolement dans des prisons insalubres, de les torturer et de les utiliser comme levier lors des pourparlers de paix.
Dans un rapport de 34 pages publié jeudi, le groupe international de défense des droits humains indique que, depuis le début de 2015, les Houthis ont arrêté de façon arbitraire des centaines de journalistes, d’opposants politiques et de membres de la minorité religieuse bahá’íe, qu’ils ont jetés dans de petites prisons insalubres où ils sont torturés physiquement et psychologiquement.
Le rapport affirme que les prisonniers se sont vu refuser des médicaments et une nourriture suffisante et qu’ils n’avaient pas le droit de contacter leur famille.
Le rapport graphique est basé sur des entretiens avec douze anciens détenus libérés l’année dernière à la suite d’un échange de prisonniers réussi entre le gouvernement yéménite et les Houthis. «Les détenus n’avaient pas un accès correct à la nourriture, aux soins médicaux, à l’eau potable, aux installations sanitaires, le tout dans des locaux inadaptés et insalubres. Certains ont été soumis à l’isolement pendant vingt jours, uniquement pour avoir réclamé davantage de nourriture et entamé une grève de la faim», indique le rapport.
Un ancien détenu déclare à l’organisation internationale que le Bureau de la sécurité politique dirigé par les Houthis l’a retenu pendant cinq mois alors qu’il avait promis lors de son arrestation que l’interrogatoire ne durerait que quelques heures.
«Lorsque les agents du Bureau de la sécurité politique ont frappé à ma porte et m’ont demandé de les accompagner pour un certain nombre de questions, formalité qui durerait quelques heures, je n’ai pas pensé à dire au revoir à ma famille. Je ne savais pas que je ne leur parlerais à nouveau qu’après cinq mois», déclare dans le rapport le détenu, resté anonyme.
Le rapport met en évidence plusieurs centres de détention informels et formels contrôlés par les Houthis tels que le Bureau des enquêtes criminelles et de la sécurité politique, le Bureau de la sécurité nationale et le poste de police de Hasaba, le centre de détention provisoire d’Al-Thawra dans la capitale, la prison de Saref à Beni Hashish dans la province de Sanaa et la prison de Shamlan à Hodeidah.
Les miliciens ont battu les détenus à l’intérieur des prisons ou pendant les enquêtes pour les forcer à admettre avoir commis des crimes tels que collaborer avec Israël ou la coalition arabe.
Un membre de la communauté bahá’íe du Yémen déclare que les enquêteurs houthis et les forces de sécurité l’ont cogné avec des barres d’acier, un fusil AK-47 et d’autres objets contondants.
«Ils me battaient sans arrêt jusqu’à ce que je ne puisse plus crier. Parfois, ils me réveillaient pour une nouvelle série de questions. Je me suis évanoui deux fois pendant l’interrogatoire, principalement parce que j’étais psychologiquement fatigué et affamé», raconte le membre bahá’í.
«Nous avons été torturés à plusieurs reprises uniquement pour avoir demandé de l’eau et de la nourriture. Ils avaient l’habitude de couper l’électricité la nuit et de nous garder dans l’obscurité en guise de punition, ou ils venaient dans la cellule et nous frappaient avec des câbles.
Selon le rapport, les Houthis ont utilisé les autorités judiciaires dans les zones sous leur contrôle pour condamner leurs opposants lors de longs procès où les accusés n’avaient qu’eux-mêmes pour se défendre.
Les personnes enlevées victimes de cette répression et les avocats interrogés décrivent les procès de la Cour pénale spécialisée et de la Cour d’appel de Sanaa comme une mascarade judiciaire à des fins politiques, affirmant que les juges avaient ignoré les demandes de représentation des avocats. Ils ajoutent que les juges ont négligé d’enquêter sur les actes de torture et que les aveux ont été extorqués sous la contrainte.
Toujours selon le rapport, peu de temps après les avoir libérés à la suite d’un accord, les Houthis ont immédiatement expulsé les anciens détenus de leurs territoires et envoyé les bahá’ís en exil, rejetant les demandes de certains de pouvoir rendre visite à leurs familles dans le nord du Yémen.
«Les autorités [houthies] nous ont permis d’appeler nos familles lorsque nous sommes arrivés à l’aéroport. Je les ai suppliés de m’autoriser à voir mon père, mais ils ont refusé. Il a 80 ans et je ne pourrai plus le revoir. Cela a été la chose la plus difficile de ma vie, laisser mon père derrière moi», déclare un membre de la communauté bahá’íe.
L’organisation de défense des droits humains a mis en garde les Houthis contre l’utilisation de milliers d’opposants politiques actuellement incarcérés comme monnaie d’échange lors de toute négociation avec le gouvernement yéménite.
«Dans le contexte des négociations en cours, Amnesty International exhorte les autorités houthies à ne pas utiliser les détenus à des fins politiques et à libérer immédiatement toutes les personnes arrêtées arbitrairement en raison de leur opinion, leur affiliation politique et leurs convictions», souligne l’organisation.
Des militants des droits humains et des responsables yéménites précisent que le rapport d’Amnesty International confirme des informations bien connues sur les violations des droits humains commises par les Houthis.
Fatehia al-Mamarie, directrice du bureau provincial du ministère des Droits de l’homme dans la province occidentale de Hodeidah, a demandé à la communauté internationale et à l’ONU de condamner les agissements des Houthis et de faire pression sur eux pour qu’ils libèrent les détenus.
«C’est une étape positive vers la dénonciation des crimes des Houthis et la révélation de leur vrai visage auprès de la communauté internationale», a déclaré Mme Al-Mamarie jeudi à Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.