NEW YORK: L’élection présidentielle de mercredi en Syrie était une «mascarade» et une «blague grotesque», selon le représentant du Royaume-Uni au Conseil de sécurité de l’ONU. D'autres membres ont qualifié le scrutin de «nul et non avenu» ou encore «d'insulte à la démocratie».
Ces commentaires ont été émis pendant que Geir Pedersen, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, informait le Conseil des derniers développements en Syrie.
Pedersen, a réaffirmé que l'élection ne suit pas les exigences de la résolution 2254 de l'ONU, qui exige des élections libres et équitables, supervisées par l'ONU, menées conformément à une nouvelle constitution «selon les normes internationales les plus élevées de transparence et la responsabilité», et dans laquelle tous les Syriens, y compris les réfugiés dans d'autres pays, peuvent voter.
«l'ONU n'est pas impliquée dans cette élection et n'a aucun mandat», a affirmé Pedersen. «Les Nations Unies continuent de souligner l'importance d'une solution politique négociée en Syrie pour mettre en œuvre la résolution 2254. Cela reste la seule voie durable pour mettre fin au conflit et aux souffrances du peuple syrien», ajoute-t-il.
Dans sa mise au point sur la situation politique et humanitaire dans ce pays ravagé par la guerre, l'envoyé a révélé que les Syriens continuent à endurer «la même souffrance et le même schéma d'événements et de dynamiques mois après mois - un schéma qui, je le crains, n'entraîne lentement les Syriens vers un abîme encore plus profond».
Mais Pedersen a ajouté que la situation est également «stagnante».
«Ce qu'il faut, c'est une solution politique dirigée et faite par les Syriens, facilitée par les Nations Unies et soutenue par une diplomatie internationale constructive», a-t-il expliqué.
Il a rappelé aux quinze membres du conseil le travail qui doit être accompli pour parvenir à un cessez-le-feu durable à l'échelle nationale, afin de combattre le terrorisme grâce à une approche coopérative qui respecte le droit international, ainsi que d’intensifier les efforts dans le but de libérer les détenus et les personnes enlevées.
La situation humanitaire désastreuse pose un autre problème urgent, a avoué Pedersen, aggravé par de sérieuses pénuries d'eau et des prix alimentaires historiquement élevés. Il a de nouveau souligné l'importance du rétablissement d'un «accès humanitaire complet, durable et sans entrave à toutes les régions de la Syrie».
Le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence de l’ONU, Mark Lowcock, a fait écho à ces propos. Il a averti que «l’opération transfrontalière, qui constitue une bouée de sauvetage pour plus de 3 millions de personnes, est irremplaçable. Nous comptons sur ce conseil pour veiller à ce que cette ligne de vie ne soit pas coupée».
Pedersen a de plus appelé les membres du conseil à parvenir à un consensus sur les mécanismes transfrontaliers et à autoriser à nouveau les postes frontaliers de Bab al Salam et de Yaroubiyah pour une période de 12 mois supplémentaire afin que l'aide vitale, «toujours essentielle pour sauver des vies», puisse atteindre les millions de personnes qui en ont vraiment besoin.
La résolution actuelle qui s'applique aux postes frontaliers expire en juillet.
Les efforts se poursuivent afin de convoquer une sixième session du Comité constitutionnel syrien à Genève, «dès qu'une entente claire est en place», a signalé Pedersen.
Il a ajouté que la session doit être «soigneusement préparée» et doit «restaurer et renforcer la confiance» et «produire des résultats et des progrès continus dans le mandat du Comité, en vue de préparer et rédiger une constitution pour une approbation populaire qui constitue une vraie réforme constitutionnelle».
Pedersen a aussi ajouté qu'une diplomatie internationale constructive et globale sur la Syrie est essentielle «afin que toutes les parties prenantes ayant l'influence et l'autorité nécessaires pour promouvoir le progrès vers la paix en Syrie puissent s’assoir à la même table».
Il a conclu en avertissant que «les grandes lignes d'une solution politique au conflit sont bien comprises par les principales parties prenantes, mais aucune n'est disposée à faire le premier pas. Si nous continuons ainsi, si les principaux acteurs restent plus investis dans la gestion des conflits que dans la résolution des conflits, je crains que la Syrie ne devienne un autre conflit prolongé, qui dure pendant des générations».
Le représentant de la Russie au Conseil de sécurité a condamné la critique du scrutin présidentiel de mercredi, le qualifiant de «mépris des électeurs syriens». Les autres membres se sont quand même accordés pour rejeter l’élection.
Geraldine Byrne Nason, représentante permanente de l’Irlande auprès de l’ONU, a appelé le régime syrien à «mettre fin à son intransigeance, qui fait échouer le travail du comité constitutionnel, et à engager des négociations constructives».
L'envoyé français Nicolas de Rivière a déclaré: «Cette élection est nulle et non avenue, et n'a pas contribué à restaurer une quelconque légitimité politique au régime d'Assad. Il est grand temps que le régime syrien s’engage dans un processus politique sous les auspices de l’ONU».
Jonathan Allen, vice-ambassadeur du Royaume-Uni auprès de l’ONU, a dénoncé l’élection, et l’a qualifiée de «mascarade» et de «stratagème» en vue de soutenir «la dictature d’Assad, et qui n’est même pas près de répondre aux exigences de la résolution 2254 du Conseil de sécurité».
Dans un commentaire clairement adressé à la Russie, Allen soutient que «seuls les pays qui adoptent une approche similaire envers leur propre peuple, les privant de la possibilité de choisir leurs leaders, leur refusant le droit de participer librement à la politique ou même de s'exprimer, vont considérer que l’élection syrienne est sérieusement une «élection». Et à en juger par les fréquentations du régime syrien aux Nations Unies, ces pays sont déjà dans la poche».
«Pour le reste des membres de l'ONU, l'élection est une blague grotesque perpétrée par un homme qui a à son actif des crimes bien pires pour lesquels il doit rendre des comptes. Car il a gazé, torturé et affamé un peuple qui, malgré ça, ne l'acceptera toujours pas comme président légitime».
Richard Mills, le représentant adjoint des États-Unis à l'ONU, a dénoncé l'élection comme «une insulte à la démocratie et au peuple syrien». Il a de nouveau appelé Assad et la Russie à adhérer au cessez-le-feu actuel.
Se déclarant préoccupé par la crise humanitaire dans le pays, Mills a averti que «si nous ne rouvrons pas tous les points de passage frontaliers, les gens vont certes mourir, c’est aussi simple que cela».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com