Dans un boui-boui du quartier Hamra, Nayla, la vingtaine, commande café sur café, comme s’il s’agissait de faire le plein avant le reconfinement qui vient. Ses yeux fatigués et sa mine plutôt maussade n’entravent en rien sa fureur. Une rage longtemps tarie mais désormais si forte qu’elle ne peut plus la contenir. Son appartement, qui était encore il y a peu situé dans le quartier de Mar Mikhaël, n’est plus. La double explosion du 4 août l’a emporté tout en blessant sa colocataire, aujourd’hui hors de danger. « Il va falloir que l’on m’explique. Qui s’acharne à nous pourrir la vie ? Israël ou ce régime clientéliste et confessionnel ? » lance-t-elle, amère, au détour d’une conversation. Issue d’un milieu chiite pro-Hezbollah, bien qu’avec quelques réserves, elle s’est, depuis les dernières élections législatives, progressivement éloignée du bercail. Dans son collimateur, l’hypocrisie du parti et son chantage à la résistance. Pour elle, la légitimité du Hezbollah n’a cessé de décroître à mesure qu’il a conforté sa mainmise sur la politique interne du Liban (…).
Le discours prononcé par Hassan Nasrallah le 7 août lui reste en travers de la gorge. Bien sûr, les traditionnels mots de réconfort et de condoléances ont été adressés à la population, mais globalement, il lui est reproché une forme de distanciation, éloignée de l’esprit de deuil qui a imprégné son intervention du 5 janvier, au lendemain de l’assassinat de Kassem Soleimani, l’ancien commandant en chef de la Brigade al-Qods au sein des gardiens de la révolution iranienne.