PARIS: La manifestation en soutien au peuple palestinien prévue samedi à Paris a été interdite jeudi à la demande du gouvernement en raison de « risques de troubles à l'ordre public », une décision dénoncée par la France Insoumise comme une « provocation » et une atteinte à la démocratie.
Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a pris en fin de journée un arrêté d'interdiction de la marche, prévue samedi à 15H00 de Barbès à la place de la Bastille (nord-est parisien) et organisée par « l'Association des Palestiniens en Ile-de-France ». Et ce « conformément » à la demande que lui avait adressée dans la journée le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
A Paris, j’ai demandé au Préfet de police d’interdire les manifestations de samedi en lien avec les récentes tensions au Proche-Orient. De graves troubles à l’ordre public furent constatés en 2014. Consigne a été donnée aux Préfets d’être particulièrement vigilants et fermes.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) May 13, 2021
Pour motiver son arrêté, le préfet indique notamment qu'il « existe un risque sérieux que les affrontements entre palestiniens et forces de l'ordre israéliennes ne se transportent sur le territoire national », occasionnant « des troubles graves à l'ordre public ».
Des « exactions contre des synagogues et intérêts israéliens » dans des « pays voisins comme l'Allemagne » ont « déjà eu lieu cette semaine », poursuit-il, assurant « qu'un très grand risque existe que ce type de faits se produise en France ».
« Une forte mobilisation est attendue, rassemblant des soutiens hétérogènes », dont possiblement « de nombreux éléments à risque cherchant à provoquer des affrontements avec les forces de l'ordre », ajoute-t-il.
Il rappelle qu'en juillet 2014 plusieurs manifestations, organisées notamment à Paris, pour dénoncer l'offensive israélienne dans la bande de Gaza, avaient été le « théâtre d'heurts violents ».
Dans sa demande d'interdiction, Gérald Darmanin avait également souligné que « de graves troubles à l'ordre public furent constatés en 2014 ».
Dans un télégramme envoyé à l'ensemble des préfets et consulté par l'AFP, le ministre a rappelé « le précédent du 19 juillet 2014 à Paris », où le rassemblement avait dégénéré en violences.
Il a demandé aux préfets de suivre de près les rassemblements prévus dans différentes villes (Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Rennes, Saint-Etienne, Strasbourg, Toulouse...). Il les enjoint notamment d'« anticiper les risques de débordement » et de « ne pas hésiter » à « interdire » les manifestations si leurs déclarations sont « hors délai », représentent un risque de « troubles à l'ordre public » ou ne « respectent pas les règles de l'état d'urgence sanitaire ».
Et les a également appelés à assurer la « protection des lieux de culte, écoles, centres culturels et commerces de la communauté juive ».
« Provocation »
L'interdiction de la manifestation parisienne a entraîné des réactions politiques contrastées. A droite, le député LR des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, a indiqué soutenir l'interdiction des manifestations qui risquent selon lui de « troubler gravement l’ordre public » et de prendre pour cible des « lieux de culte et des bâtiments représentatifs des institutions juives ».
Le maire de Nice, Christian Estrosi, a été dans le même sens en indiquant avoir, « comme c'est le cas pour Paris, demandé au préfet des Alpes-maritimes l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes en raison des risques de troubles à l’ordre public ».
La demande d'interdiction de M. Darmanin avait été dénoncée dans la journée à gauche par plusieurs responsables de la France Insoumise (LFI).
« La France, seul pays au monde où sont interdites toutes les manifestations de soutien aux Palestiniens et de protestation contre le gouvernement d'extrême droite israélien ! », a dénoncé sur Twitter le chef du parti, Jean-Luc Mélenchon, ajoutant: « C'est évidemment dans le seul but de provoquer des incidents et pouvoir stigmatiser cette cause ».
La France, seul pays au monde où sont interdites toutes les manifestations de soutien aux Palestiniens et de protestation contre le gouvernement d'extrême droite israélien ! C'est évidemment dans le seul but de provoquer des incidents et pouvoir stigmatiser cette cause.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) May 13, 2021
« Tout ça sent la provoc de Darmanin », a renchéri le député LFI de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel. « Pourquoi (y avait-il eu) des troubles en 2014? Car justement la manif était interdite. Depuis il y en a eu d’autres en solidarité avec la Palestine sans heurts », a-t-il souligné.
Pourquoi des troubles en 2014? Car justement la manif était interdite. Depuis il y en a eu d’autres en solidarité avec la Palestine sans heurts. Et mercredi le rassemblement pacifique de l’@AFPSOfficiel a été interdit, son président mis en GAV. Tout ça sent la provoc de Darmanin https://t.co/hDuNepUSb2
— Eric Coquerel (@ericcoquerel) May 13, 2021
« Dans quelle autre démocratie voit-on cela ? Solidarité avec le peuple palestinien avec ou sans l’accord de Darmanin ! », a tweeté sa collègue LFI du Val-de-Marne, Mathilde Panot.
Darmanin veut empêcher toute expression de solidarité en France avec le peuple palestinien en interdisant la manifestation de samedi.
— Mathilde Panot (@MathildePanot) May 13, 2021
Dans quelle autre démocratie voit-on cela ?
Solidarité avec le peuple palestinien avec ou sans l’accord de Darmanin ! #GazaUnderAttack ?? https://t.co/dl1Gys9re5
Lors de la manifestation du 19 juillet 2014 à Paris, des milliers de manifestants avaient bravé l'interdiction de manifester à Barbès. Le rassemblement avait dégénéré rapidement, laissant place à des heures d'émeutes urbaines.
Mercredi à Paris, Bertrand Heilbronn, le président de l'Association France Palestine Solidarité a été placé en garde à vue quelques heures, après un rassemblement préalablement interdit par la préfecture de police.
Son arrestation a suscité l'indignation de plusieurs personnalités politiques à gauche, dont Jean-Luc Mélenchon.
Les affrontements entre le Hamas et Israël avaient fait jeudi 87 morts à Gaza, enclave palestinienne sous blocus israélien contrôlée par le Hamas, et 7 côté israélien, et ne montrait aucun signe d'apaisement.