L’intensification de la guerre menée par la Turquie contre les Kurdes marque le centenaire du traité de Sèvres

Les forces armées turques ont semblé se spécialiser dans une seule chose depuis la création de la République turque: la répression des Kurdes. (Photos AFP)
Les forces armées turques ont semblé se spécialiser dans une seule chose depuis la création de la République turque: la répression des Kurdes. (Photos AFP)
Des Kurdes revendiquant des droits culturels et politiques en Turquie.
Des Kurdes revendiquant des droits culturels et politiques en Turquie.
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Publié le Lundi 24 août 2020

L’intensification de la guerre menée par la Turquie contre les Kurdes marque le centenaire du traité de Sèvres

  • Le Traité, signé le 10 août 1920, a promis aux minorités religieuses et ethniques de la Turquie des garanties pour protéger leurs droits
  • Bien que la couverture médiatique soit faible sur le sujet, les frappes turques se poursuivent de façon quasi-hebdomadaire, depuis plusieurs années au Kurdistan irakien, avec un discours remarquablement similaire sur la nécessité des zones tampons

MISSOURI: Alors que la Turquie mène des attaques presque quotidiennes contre les régions kurdes appauvries de la Syrie et de l’Irak voisines, qu’elle maintient en prison ses propres députés kurdes - et qu’elle contraint les autorités irakiennes arabes et kurdes à agir en tant que police locale, il est difficile de se souvenir que le mois d’août marque le centenaire d’un pacte prévoyant la création d’un État kurde.

Le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920, énonçait essentiellement les conditions de reddition de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale. Le Traité signé par la Grande-Bretagne, la France, l’Italie et l’Empire ottoman, promettait aux minorités religieuses et ethniques en Turquie plusieurs garanties pour les protéger et protéger leurs droits.

Pour ce qui concernait les Kurdes, le traité stipulait: « Si, dans le délai d’un an à dater de la mise en vigueur du présent Traité, la population kurde, dans les régions visées à l’article 62, s’adresse au Conseil de la Société des nations en démontrant qu’une majorité de la population dans ces régions désire être indépendante de la Turquie et si le Conseil estime alors que cette population est capable de cette indépendance et s’il décide de la lui accorder, la Turquie s’engage, dès à présent, à se conformer à cette recommandation et à renoncer à tous droits et titres sur ces régions. » (Section III, Kurdistan, article 64)

À la suite de la signature du Traité, des militaires de ce qui restait de l’armée ottomane organisèrent une résistance sous la direction de Mustafa Kemal (par la suite connu sous le nom d’Atatürk). Convaincus que ce mouvement luttait pour sauver le sultanat et le califat et pour la reconnaissance et l’autogouvernance de la nouvelle Turquie, la plupart des tribus kurdes se joignirent à Atatürk pendant ce que l’on a appelé la guerre d’indépendance de la Turquie.

La résistance menée par Atatürk à Sèvres se révéla fructueuse et le traité fut remplacé en 1923 par le traité de Lausanne.

Les représentants d’Atatürk à Lausanne, insistèrent pour que soit stipulé, dans le nouveau traité, une clause concernant les droits des minorités disant que la Turquie ne reconnaissait que les non-musulmans comme minorité dont les communautés juive, grecque et arménienne. Ils rejetèrent en revanche le concept de minorité ethnique refusant ainsi également de défendre les droits culturels, linguistiques ou autres droits des minorités pour ces groupes.

En 1923, avec la perte de leurs territoires en Europe et dans les terres arabes, et les campagnes de génocide contre les chrétiens sur les terres ottomanes, les Kurdes se sont retrouvés comme la seule minorité significative de la Turquie.

Le refus des diplomates turcs de reconnaître les droits des minorités ethniques à Lausanne visait donc expressément les Kurdes. Ce choix politique a constitué le premier pas vers la trahison des promesses antérieures de reconnaissance et d’autonomie gouvernementale pour les Kurdes qui avaient participé à la guerre d’indépendance de la Turquie.

Sous un sultanat et un califat musulmans, les Kurdes (à grande majorité musulmans sunnites) auraient pu s’attendre à un traitement équitable.

Il était logique que les Kurdes se joignent aux Turcs dans la lutte pour ces deux institutions en 1920. Mais Atatürk abolit le sultanat en 1923 et le califat en 1924, et les remplaça par un concept laïc d’État-nation importé d’Europe.

S’inspirant en particulier de la France, Atatürk tenta ensuite de rendre l’État et la nation turcs complémentaires en autorisant une seule identité nationale ethnique turque dans la nouvelle Turquie. La langue, la culture, la musique, les noms kurdes et toute autre manifestation de l’identité kurde furent rapidement interdits.

Sans surprise, les Kurdes se révoltèrent contre la sécularisation et la turquisation du nouvel État en 1925 et entre 1927 et 1930. Ces révoltes et de nombreuses autres furent brutalement réprimées.

La répression de 1937-1938 de la révolte kurde à Dersim (rebaptisée Tunceli par les autorités turques) est reconnue par beaucoup comme un génocide, faisant de 10 000 à 30 000 morts, y compris des civils cachés dans des grottes, exterminés au gaz toxique ou brûlés vifs par les forces turques.

Lorsque, dans les années 1960, la révolte kurde recommença en Turquie, un journal nationaliste turc de droite avertit les Kurdes de « se souvenir des Arméniens ». Une rhétorique bien ironique quand on sait le refus des nationalistes turcs d’admettre que les Ottomans avaient commis un génocide contre les Arméniens d’Anatolie (passés de quelque 2 millions de personnes dans l’Empire ottoman à la veille de la Première Guerre mondiale à presque rien après 1915).

À l’exception de l’intervention de la Turquie en 1974 à Chypre, les forces armées turques ont semblé se spécialiser dans une seule chose depuis la création de la République turque: la répression des Kurdes. Hormis Chypre, la participation à la guerre de Corée et la participation à l’opération Tempête du désert de 1991 en Irak, les seules opérations importantes de l’armée turque au xxe siècle ont toujours consisté en des contre-insurrections contre les Kurdes.

La plupart des campagnes militaires ont eu lieu en Turquie même, mais à partir des années 1980, l’armée turque a également fréquemment mené des raids transfrontaliers en Irak pour chasser les guérilleros du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). À ce jour, c’est toujours le cas.

L’invasion et l’occupation par la Turquie d’Afrin dans le nord de la Syrie en 2018 visaient des groupes syriens et kurdes alignés sur le PKK. L’invasion et l’occupation turques d’octobre 2019 de certaines parties du nord de la Syrie à l’est d’Afrin avaient le même objectif.

Bien qu’aucune attaque significative des forces kurdes en Syrie contre la Turquie n’ait eu lieu depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011, la Turquie a affirmé la nécessité d’occuper et d’établir des zones tampons dans le nord de la Syrie. Les invasions turques ont d’ailleurs sérieusement menacé les opérations menées par les Kurdes contre Daech en Syrie.

Bien que la couverture médiatique soit faible sur le sujet, les frappes turques se poursuivent de façon quasi-hebdomadaire, depuis plusieurs années au Kurdistan irakien, avec un discours remarquablement similaire sur la nécessité des zones tampons. La série d’opérations la plus récente (baptisée Claw-Eagle et Claw-Tiger) cette année a vu des troupes terrestres turques déployées dans la région, en plus des bases turques déjà présentes au Kurdistan irakien depuis le milieu des année 1990.

Les manœuvres de l’été 2020 semblaient également être menées en coopération avec les forces iraniennes, avec des frappes aériennes turques contre des combattants du Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), un parti irano-kurde aligné avec le PKK.

Récemment, une frappe de drone turc a causé la mort de deux officiers de haut rang de l’armée irakienne qui rencontraient des militants du PKK dans le nord de l’Irak après des affrontements entre les deux. Bagdad et Erbil, siège de la région autonome du Kurdistan d’Irak, ont protesté à plusieurs reprises contre les violations de la souveraineté iraquienne par la Turquie, mais sans grand succès.

La Turquie revendique le droit de se défendre et d’agir contre la présence du PKK en Irak ou contre les groupes kurdes alignés sur le PKK en Syrie.

Si la simple présence de tels groupes – en particulier dans le territoire très montagneux et difficile à contrôler le long de la frontière –, justifie des invasions et des occupations de territoires arabes, une logique similaire pourrait théoriquement être utilisée par Israël ou les États-Unis pour cibler les dirigeants palestiniens du Hamas accueillis à Ankara et à Istanbul aujourd’hui, sans parler des pays arabes dont les critiques islamistes opèrent depuis la Turquie en menant de grandes campagnes de propagande.

L’approche officielle turque des cent dernières années ressemble plutôt à une politique d’opposition à l’autonomie kurde « même si c’est en Alaska », comme le dit une blague turque populaire.

Lorsque la Turquie a envahi le nord de la Syrie en 2018 et en 2019, une justification avancée par les dirigeants turcs était qu’ils ne voulaient pas « voir la Syrie devenir un autre nord de l’Irak ». Par cela, ils signifiaient l’autonomie kurde en Irak, bien sûr.

Cent ans après le traité de Sèvres, on dirait que  « plus ça change, plus c’est pareil ! »

David Romano est titulaire de la chair Thomas G. Strong de politique du Moyen-Orient à l’université d’État du Missouri.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur ArabNews.com


La reprise de la guerre à Gaza a «déclenché un nouvel enfer», affirme le CICR

La reprise de la guerre à Gaza a "déclenché un nouvel enfer" dans le territoire palestinien où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas depuis son attaque le 7 octobre 2023, a averti lundi le directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). (AFP)
La reprise de la guerre à Gaza a "déclenché un nouvel enfer" dans le territoire palestinien où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas depuis son attaque le 7 octobre 2023, a averti lundi le directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). (AFP)
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  • "Gaza subit et endure des morts, des blessés, des déplacements multiples, des amputations, des séparations, des disparitions, des famines et un déni d'aide et de dignité à grande échelle"
  • "Cela inclut le traumatisme des familles des otages israéliens qui font face à un cauchemar sans fin, et des familles des prisonniers palestiniens", a-t-il ajouté

DOHA: La reprise de la guerre à Gaza a "déclenché un nouvel enfer" dans le territoire palestinien où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas depuis son attaque le 7 octobre 2023, a averti lundi le directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

"Gaza subit et endure des morts, des blessés, des déplacements multiples, des amputations, des séparations, des disparitions, des famines et un déni d'aide et de dignité à grande échelle, et juste au moment où le cessez-le-feu (...) laissait croire aux gens qu'ils avaient survécu au pire, un nouvel enfer s'est déclenché", a déclaré Pierre Krähenbühl lors d'une conférence sur la sécurité à Doha, au Qatar, l'un des pays médiateurs.

"Cela inclut le traumatisme des familles des otages israéliens qui font face à un cauchemar sans fin, et des familles des prisonniers palestiniens", a-t-il ajouté.

Selon lui, "plus de 400 travailleurs humanitaires et 1.000 travailleurs de la santé ont été tués à Gaza, parmi lesquels 36 de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge".

"Cette horreur et cette déshumanisation nous hanteront pendant des décennies", a-t-il encore dit.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas sur le territoire israélien, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 58 sont toujours retenues à Gaza, dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

Plus tôt cette année, les deux parties sont convenues d'une trêve qui a duré près de deux mois, avant que Israël ne reprenne son offensive militaire dans la bande de Gaza le 18 mars.

Depuis cette date, les opérations militaires de l'armée israélienne ont fait au moins 2.151 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas qui fait désormais état de 52.243 morts depuis le 7 octobre 2023.


Yémen: le bilan des frappes américaines sur un centre de détention de migrants monte à 68 morts 

Des médias des rebelles houthis au Yémen ont affirmé lundi que le bilan des frappes américaines ayant visé un centre de détention de migrants dans le nord du Yémen était monté à 68 morts. (AFP)
Des médias des rebelles houthis au Yémen ont affirmé lundi que le bilan des frappes américaines ayant visé un centre de détention de migrants dans le nord du Yémen était monté à 68 morts. (AFP)
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  • Des médias des rebelles houthis au Yémen ont affirmé lundi que le bilan des frappes américaines ayant visé un centre de détention de migrants dans le nord du Yémen était monté à 68 morts
  • "La défense civile a annoncé que 68 migrants africains avaient été tués et 47 blessés dans l'agression américaine ayant visé un centre (abritant des) migrants illégaux dans la ville de Saadah"

SANAA: Des médias des rebelles houthis au Yémen ont affirmé lundi que le bilan des frappes américaines ayant visé un centre de détention de migrants dans le nord du Yémen était monté à 68 morts.

"La défense civile a annoncé que 68 migrants africains avaient été tués et 47 blessés dans l'agression américaine ayant visé un centre (abritant des) migrants illégaux dans la ville de Saadah", a rapporté la chaîne de télévision des rebelles, Al-Massirah.

 


Israël frappe un fief du Hezbollah près de Beyrouth

Un journaliste de l'AFP a vu de la fumée s'élever au-dessus d'un bâtiment dans le quartier de Hadath après la frappe, l'agence de presse libanaise Ani faisant état de trois missiles tirés. (AFP)
Un journaliste de l'AFP a vu de la fumée s'élever au-dessus d'un bâtiment dans le quartier de Hadath après la frappe, l'agence de presse libanaise Ani faisant état de trois missiles tirés. (AFP)
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  • Des chaînes de télévision locales ont rapporté que le bâtiment ciblé était un "hangar" et ont diffusé des images montrant un important incendie éclatant sur place
  • Dimanche également, l'armée israélienne, qui a maintenu des troupes dans le sud du pays, frontalier du nord d'Israël, a dit avoir "éliminé un terroriste du Hezbollah" dans le sud du Liban

BEYROUTH: Israël a frappé dimanche la banlieue sud de Beyrouth pour la troisième fois depuis le cessez-le-feu ayant mis fin à plus d'un an de guerre entre le Hezbollah et Israël, qui dit avoir visé un entrepôt de "missiles de précision" du mouvement.

Après la frappe contre le bastion du groupe pro-iranien, près de la capitale libanaise, les autorités ont demandé aux garants de l'accord de cessez-le-feu de "contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques".

Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après deux mois de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne mène régulièrement des attaques au Liban, disant viser combattants et infrastructures du mouvement très affaibli par la guerre et qui affirme respecter le cessez-le-feu.

Un journaliste de l'AFP a vu de la fumée s'élever au-dessus d'un bâtiment dans le quartier de Hadath après la frappe, l'agence de presse libanaise Ani faisant état de trois missiles tirés.

Des journalistes de l'AFP à Beyrouth ont entendu les sirènes des ambulances se dirigeant vers la banlieue sud.

La frappe est intervenue après un appel sur X de l'armée israélienne à évacuer de manière "urgente", laissant présager une frappe sur "des installations appartenant au Hezbollah" dans cette zone.

Des chaînes de télévision locales ont rapporté que le bâtiment ciblé était un "hangar" et ont diffusé des images montrant un important incendie éclatant sur place.

"Sur instruction du Premier ministre (israélien Benjamin) Netanyahu et du ministre de la Défense Katz, l'armée a frappé avec force un entrepôt à Beyrouth où le Hezbollah avait stocké des missiles de précision, constituant une menace significative pour l'Etat d'Israël", a annoncé le bureau de M. Netanyahu dans un communiqué.

"Israël n'autorisera pas le Hezbollah à se renforcer ni à faire peser une quelconque menace de n'importe où au Liban", ajoute ce communiqué.

"Panique" 

L'armée a accusé le Hezbollah de "violation flagrante" des dispositions de la trêve entre Israël et le Liban, pour avoir stocké selon elle des missiles sur le site visé.

Le président libanais Joseph Aoun a appelé les Etats-Unis et la France, garants de l'accord de cessez-le-feu, à "assumer leurs responsabilités et contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques".

M. Aoun a mis en garde contre "la poursuite par Israël de ses actes de déstabilisation", qui aggravent les tensions et risquent "de saper la sécurité et la stabilité de la région".

La représentante des Nations unies pour le Liban, Jeanine Hennis, a indiqué que la frappe avait "semé la panique et la crainte d'une reprise des violences parmi ceux qui aspirent désespérément à un retour à la normale".

"Nous exhortons toutes les parties à cesser toute action susceptible de compromettre davantage l'accord de cessation des hostilités et la mise en œuvre de la résolution 1701" qui a servi de base à l'accord de cessez-le-feu, a-t-elle ajouté.

Le 1er avril, une frappe israélienne sur la banlieue sud de Beyrouth a tué un responsable du Hezbollah. Une autre frappe avait visé ce même secteur le 28 mars, pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la trêve.

Dimanche également, l'armée israélienne, qui a maintenu des troupes dans le sud du pays, frontalier du nord d'Israël, a dit avoir "éliminé un terroriste du Hezbollah" dans le sud du Liban, où le ministère libanais de la Santé a fait état d'un mort dans une frappe de drone dans la matinée.

Au début de la guerre à Gaza en octobre 2023, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas, le Hezbollah avait ouvert un front contre Israël en tirant des roquettes à partir du sud du Liban, son fief, affirmant agir en soutien à son allié palestinien.

Ces hostilités ont dégénéré en guerre ouverte en septembre 2024 avec des bombardements israéliens intenses au Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, dont la direction a été quasiment décimée.