L'UE fait pression sur Israël suite au report des élections palestiniennes

Le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, Josep Borrell, a affirmé qu'une nouvelle date pour les élections palestiniennes devrait être fixée sans délai. (Photo, Reuters)
Le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, Josep Borrell, a affirmé qu'une nouvelle date pour les élections palestiniennes devrait être fixée sans délai. (Photo, Reuters)
Des manifestants palestiniens lors d'une protestation dans le camp de réfugiés de Jabalia dans la bande de Gaza le 30 avril 2021, à la suite du report des élections palestiniennes, qui devaient avoir lieu le mois prochain. (Photo, AFP)
Des manifestants palestiniens lors d'une protestation dans le camp de réfugiés de Jabalia dans la bande de Gaza le 30 avril 2021, à la suite du report des élections palestiniennes, qui devaient avoir lieu le mois prochain. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 01 mai 2021

L'UE fait pression sur Israël suite au report des élections palestiniennes

  • ​​​​​​​Le président Mahmoud Abbas a tenu Israël pour responsable de l'incertitude quant à savoir s'il autorisera la tenue des élections à Jérusalem ainsi qu'en Cisjordanie occupée et à Gaza
  • ​​​​​​​Le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, Josep Borrell, a qualifié la décision du président palestinien jeudi de «profondément décevante»

AMMAN: L'UE a exhorté Israël à veiller à ce que des élections palestiniennes se déroulent dans tous les territoires, y compris Jérusalem-Est, à la suite d'une décision unilatérale du président Mahmoud Abbas de reporter les élections prévues pour le 22 mai.

Le leader palestinien a révélé que la crainte que Jérusalem ne soit exclue du processus électoral était la seule raison du report du scrutin.

Abbas, 85 ans, a tenu Israël pour responsable de l'incertitude quant à savoir s'il autorisera la tenue des élections à Jérusalem ainsi qu'en Cisjordanie occupée et à Gaza.

La confirmation officielle des listes et de la campagne devait commencer le 30 avril.

Le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, Josep Borrell, a qualifié la décision du président palestinien jeudi de «profondément décevante».

«Nous encourageons vivement tous les leaders palestiniens à reprendre leurs efforts pour s’appuyer sur les pourparlers fructueux entre les factions au cours des derniers mois. Une nouvelle date pour les élections devrait être fixée dans les plus brefs délais», a-t-il signalé.

Borrell a également ajouté: «Nous réitérons notre appel à Israël afin de faciliter la tenue de telles élections dans tout le territoire palestinien, en particulier à Jérusalem-Est».

Il a aussi appelé au calme et à la retenue de la part de tous les leaders «en ce moment sensible», a rapporté l'AFP.

«Nous croyons fermement que des institutions palestiniennes démocratiques fortes, inclusives, responsables et fonctionnelles, fondées sur le respect de l'état de droit et des droits de l'homme, sont indispensables pour le peuple palestinien, pour la légitimité démocratique et, en fin de compte, pour une solution à deux États», a-t-il souligné .

La décision de reporter le scrutin a encore aggravé les divisions dans les rangs des Palestiniens.

Le professeur Sari Nusseibeh, ancien président de l'Université Al-Quds et candidat n° 2 sur la liste du parti Al-Moustaqbal, a appelé Abbas «à démissionner du Comité central du Fatah et de la présidence, permettant au Premier ministre de reprendre immédiatement les négociations et ses comités».

Nusseibeh, membre de longue date du Fatah, qui a également été emprisonné par Israël, a déclaré à Arab News que c'était le seul moyen «d'éviter une explosion».

Il a en outre averti: «Le peuple palestinien est sur le point d'exploser, et la meilleure façon de sortir de ce dilemme est d'insister sur les élections et de permettre le début de la campagne électorale. Cela pourrait nécessiter une désobéissance civile au sein des structures démocratiques».

Le 18 avril, la Commission électorale centrale palestinienne a condamné les arrestations par Israël de certains candidats, en particulier de ceux qui se présentaient à Jérusalem occupée.

À l'instar des élections précédentes, les habitants de Jérusalem doivent voter dans six bureaux de poste de Jérusalem-Est, qui ont une capacité maximale de 6 300 électeurs. Cette opération nécessite l'approbation israélienne car les bureaux de poste restent sous contrôle israélien.

Dimitri Diliani, un résident de Jérusalem et porte-parole de la faction de réforme pro-Dahlan, a déclaré à Arab News que «l'annulation des élections n’est qu’un moyen pour Mahmoud Abbas d'échapper à la réalité selon laquelle lui et ses associés sont détestés par le peuple palestinien. Abbas a simplement abandonné tout ce qui restait de la démocratie palestinienne, l'a placé sous son régime autocratique et en a fait un sujet de manipulation israélienne.

Le département d'État américain a semblé se distancier du vote palestinien, le porte-parole Ned Price ayant déclaré aux journalistes à Washington: «L'exercice d'élections démocratiques est une question que seulement le peuple palestinien et ces leaders doivent déterminer. Nous croyons en un processus politique inclusif».

Tor Wennesland, coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix au Moyen-Orient, a indiqué qu'il «comprend parfaitement la déception des nombreux Palestiniens qui ont si clairement exprimé le désir d'exercer leurs droits démocratiques après environ 16 ans sans élections».

Wennesland a appelé à l'annonce d'une nouvelle date d'élection et a «encouragé les Palestiniens à continuer sur la voie démocratique. La tenue d'élections transparentes et inclusives dans tout le territoire palestinien occupé, notamment à Jérusalem-Est, comme stipulé dans les accords antérieurs, reste essentielle de manière à renouveler la légitimité et la crédibilité des institutions palestiniennes».

Une déclaration du ministère turc des Affaires étrangères a appelé Israël à «mettre fin à sa politique d'obstruction et à respecter les dispositions de l'Accord intérimaire d'Oslo de 1995 afin que les élections palestiniennes se déroulent le plus tôt possible».

Le ministère a déclaré qu'il espérait que la décision de reporter les élections «n'aura pas un impact négatif sur le processus de réconciliation intra-palestinien, auquel notre pays attache une grande importance. Nous encourageons toutes les factions palestiniennes à continuer d'œuvrer pour l'unité et la réconciliation».

De vives manifestations ont eu lieu à Ramallah pendant qu'Abbas était en réunion avec ses conseillers.

Les cadres du Fatah ont à leur tour organisé des rassemblements dans toute la Cisjordanie afin de soutenir Abbas et son insistance sur l'inclusion de Jérusalem dans les prochaines élections.

Les manifestations à Gaza ainsi que les déclarations des hauts responsables du Hamas laissent entendre un été difficile si la décision d'arrêter les élections est maintenue.

Le maire de Bethléem, Anton Salman, a soutenu: «Tous les Palestiniens veulent que Jérusalem participe aux élections».

Il a également appelé la communauté internationale à «s'opposer aux tentatives israéliennes de changer le statut de Jérusalem».

Suheir Ismael Farraj, responsable d'un centre de formation des femmes dans le domaine des médias, a affiché sur sa page Facebook que l'autocensure pourrait être la raison pour laquelle plus de gens n'ont pas protesté.

«En tant que Palestiniens, nous avons appris dès l'enfance à nous opposer à l'injustice et à résister aux occupants israéliens, mais la peur pour les moyens de subsistance a contraint beaucoup de gens à rester silencieux. L’Autorité palestinienne a besoin de l’aide financière, les partis ont besoin de leurs allocations mensuelles, les employés du gouvernement ont peur de perdre leurs emplois et même les organisations de la société civile ont aussi peur parce qu’elles ne veulent pas que le gouvernement entrave leur travail».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: quatre accusés condamnés à mort pour l'assassinat de l'opposant Belaïd en 2013

L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
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  • Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha
  • Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité

TUNIS: Quatre accusés jugés en Tunisie pour l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd en 2013 ont été condamnés à mort, dans le tout premier verdict prononcé mercredi dans cette affaire qui avait secoué le pays et provoqué une grave crise politique.

Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha, à l'époque au pouvoir en Tunisie.

Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité, a annoncé à l'aube sur la télévision nationale Aymen Chtiba, procureur général adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.

"Justice a été rendue", a estimé le procureur, expliquant la longueur des délibérés, qui ont duré pendant près de 15 heures, par "la nature et le volume" du dossier.

Entouré de manifestants de gauche réunis comme chaque mercredi au centre de Tunis pour réclamer la vérité sur cette affaire, le frère de Chokri Belaïd, Abdelmajid, a salué auprès de l'AFP "une première bataille gagnée dans cette guerre", tout en promettant de poursuivre "sa lutte", notamment contre "la manipulation du dossier".

Les proches de Chokri Belaïd ont à de nombreuses reprises pointé du doigt Ennahdha, accusant notamment le mouvement de s'être montré "indulgent" envers le discours des islamistes extrémistes qui s'était développé à l'époque.

Quelques heures après le verdict, Zouhaier Ben Abdallah, procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis et responsable à ce titre du pôle judiciaire anti-terroriste, a été démis de ses fonctions, sans qu'aucune explication ne soit donnée, ont rapporté les médias.

Ennahdha a estimé dans un communiqué que les condamnations prononcées mercredi "prouvent (son) innocence". Le parti a dénoncé "une volonté de certains courants idéologiques et partis politiques de l'accuser à tort".

"Dans leur communiqué, ils affirment que les coupables ont été trouvés et que le dossier est clos mais ce n'est pas vrai", a rétorqué Abdelmajid Belaïd, assurant qu'il y aurait "bientôt un autre procès d'autres accusés qui étaient en relation directe avec Rached Ghannouchi", chef d'Ennahdha et principale figure de l'opposition, emprisonné depuis plus d'un an.

Moratoire 

Des peines de 2 à 120 ans d'emprisonnement ont aussi été prononcées contre d'autres inculpés tandis que cinq individus ont bénéficié d'un non-lieu.

Si la justice tunisienne prononce régulièrement des condamnations à la peine capitale, notamment dans des affaires de terrorisme, un moratoire est appliqué de facto depuis les dernières exécutions menées en octobre 1991 lorsque trois membres d'Ennahdha avaient été pendus sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

Des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI) avaient revendiqué l'assassinat de Chokri Belaïd ainsi que celui, six mois plus tard, du député Mohamed Brahmi, une autre figure de l'opposition de gauche.

Les autorités tunisiennes avaient annoncé en février 2014 la mort de Kamel Gadhgadhi, considéré comme le principal auteur de l'assassinat de Chokri Belaïd, pendant une opération antiterroriste.

Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi s'opposaient à la politique d'Ennahdha, qui a dominé le Parlement et le gouvernement après la révolution tunisienne de 2011 jusqu'à un coup de force de l'actuel président Kais Saied qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Les deux assassinats avaient constitué un tournant pour la Tunisie, berceau du Printemps arabe alors en pleine transition démocratique, en provoquant des manifestations et une crise politique au terme de laquelle Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates en 2014.

En juin 2022, le président Kais Saied, qui considère l'assassinat des deux "martyrs" comme une cause nationale, avait ordonné la révocation de dizaines de magistrats soupçonnant certains d'avoir entravé l'enquête, faisant écho aux récriminations des familles et de la défense des deux opposants.

Ennahdha a toujours nié toute implication et après les assassinats, avait classé comme organisation terroriste le mouvement salafiste jihadiste Ansar al-Charia, toléré dans le pays depuis la chute de Ben Ali.

A l'époque, la Tunisie avait également connu un essor des groupes jihadistes avec des milliers d'islamistes partis combattre en Syrie, Irak et Libye.

Des attentats avaient également fait des dizaines de morts, dont près de 60 touristes tués en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.


Israël: la conscription des ultra-orthodoxes secoue le gouvernement Netanyahu

Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
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  • Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord
  • La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes

JÉRUSALEM: Le gouvernement israélien est engagé jeudi dans une course contre la montre pour trouver un compromis et répondre à la Cour suprême sur la conscription des ultra-orthodoxes, un dossier épineux pour la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes, afin de respecter les lois sur l'égalité entre les citoyens, avait donné jusqu'à mercredi au gouvernement pour formuler une proposition détaillée de projet de loi.

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultra-orthodoxes ("haredim" en hébreu) peuvent échapper à la conscription s'ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l'Etat d'Israël en 1948 et qui n'a jamais été changée depuis.

Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord en raison de l'opposition des partis ultra-orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La demande du gouvernement de bénéficier de quelques heures supplémentaires, jusqu'à 12H00 GMT jeudi, pour remettre sa réponse à la Cour suprême, semble indiquer que les différentes parties cherchent à trouver un compromis.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a jeté un pavé dans la mare mercredi soir en annonçant que le gouvernement aurait l'obligation de procéder à la conscription des ultra-orthodoxes à partir du 1er avril en raison d'un vide juridique.

Au moment où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, cette exemption est de plus en plus critiquée au sein de la société, dont une partie estime que les juifs ultra-orthodoxes devraient comme les autres apporter leur contribution à la sécurité du pays et faire leur service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Netanyahu repose largement sur l'alliance avec les deux grands partis ultra-orthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Défi d'un ministre 

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d'un milliard d'euros (3,7 milliards de shekels).

Ces derniers avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Netanyahu en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultra-orthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait défié son Premier ministre en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim, et exigé que l'ensemble du gouvernement la soutienne.

Le service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) est obligatoire pour les jeunes israéliens mais la quasi-totalité des ultra-orthodoxes y échappe, grâce à un accord offrant aux jeunes hommes étudiant à plein temps dans des écoles talmudiques de reporter chaque année leur service militaire. Les jeunes femmes religieuses en sont elles automatiquement exemptées.

Depuis l'invalidation par la Cour suprême israélienne en 2012 de la loi Tal, permettant la tenue de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultra-orthodoxes.

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d'Israël, selon l'Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes.

Environ 66.000 hommes ultra-orthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon un chiffre de l'armée.

En 1948, ce report permettait à une élite de 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour tous les étudiants, jugeant l'armée incompatible avec leurs valeurs.