Avec la mort de Déby, Paris perd son plus solide allié au Sahel

Le président Emmanuel Macron accueille le président tchadien Idriss Deby, décédé mardi, à son arrivée au palais présidentiel de l'Élysée en 2019 (AFP / File)
Le président Emmanuel Macron accueille le président tchadien Idriss Deby, décédé mardi, à son arrivée au palais présidentiel de l'Élysée en 2019 (AFP / File)
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Publié le Mardi 20 avril 2021

Avec la mort de Déby, Paris perd son plus solide allié au Sahel

  • La présidence française a rendu mardi un hommage appuyé au président défunt «qui a œuvré sans relâche pour la sécurité du pays et la stabilité de la région durant trois décennies»
  • La France «perd un allié essentiel dans la lutte contre le terrorisme au Sahel», a renchéri la ministre française des Armées, Florence Parly

PARIS : Avec la mort du président tchadien Idriss Déby Itno, les Occidentaux, Paris en tête, perdent leur plus solide allié contre le terrorisme dans une région sahélienne tourmentée, où l'ancienne colonie française entourée d'Etats faillis faisait jusqu'ici figure d'îlot de relative stabilité.

La présidence française a rendu mardi un hommage appuyé au président défunt "qui a oeuvré sans relâche pour la sécurité du pays et la stabilité de la région durant trois décennies". La France "perd un allié essentiel dans la lutte contre le terrorisme au Sahel", a renchéri la ministre française des Armées, Florence Parly.

Depuis son arrivée au pouvoir par les armes en 1990, avec l'aide de Paris, Idriss Déby a toujours pu compter sur son allié français qui a installé à N'Djamena le QG de sa force antijihadiste au Sahel Barkhane.

"Deby était cet allié auquel on ne touchait pas. On a beaucoup fermé les yeux sur les exactions qu'il a commises. C'est un choix politique. La France comptait sur le soutien de Déby" dans la lutte antijihadiste au Sahel, souligne Caroline Roussy, chercheuse à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) à Paris.

Or "aujourd'hui cela peut être compromis par cette nouvelle donne politique. La cohésion nationale qui était déjà extrêmement fébrile et qui tenait par un régime autoritaire peut s’effondrer", dit-elle à l'AFP.

L'armée française, présente au Tchad de manière quasi permanente depuis l'indépendance du pays en 1960, a été amenée à intervenir à plusieurs reprises pour stopper des groupes rebelles dans ce pays africain avec lequel Paris est lié par des accords de défense.

En 2008, une colonne armée de l'Union des forces de la résistance (UFR) venue de l'Est avait atteint le coeur de N'Djamena et failli renverser le pouvoir du président Déby. Paris avait alors apporté une aide décisive aux forces tchadiennes.

Plus récemment, en février 2019, des avions de combat français ont frappé une colonne de pick-up de l'UFR lourdement armée venue de Libye, afin d'"éviter un coup d'Etat", avait justifié à l'époque le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

De son côté, le président Déby ne ménageait pas ses efforts ces dernières années pour faire rempart aux groupes jihadistes sévissant dans les Etats voisins, à l'aide de son armée, réputée être la plus aguerrie de la sous-région.

Pilier sécuritaire régional 

La mort du président tchadien "va introduire du flottement, car Déby pesait énormément dans la géopolitique au Sahel et avec les Français", confie à l'AFP Yvan Guichaoua, chercheur à l'université de Kent. Plus largement, prévient-il, "si les Tchadiens s'occupent dorénavant de leurs affaires internes car la transition ouvre la porte à des querelles de palais - aujourd'hui sous contrôle - cela va affaiblir tous les efforts militaires là où les Tchadiens sont présents".

Outre son engagement dans la lutte contre le groupe islamiste nigérian Boko Haram, le Tchad fournit le deuxième plus gros contingent au sein de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) et constitue l'un des piliers de la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).

Il est aussi le seul pays du G5 Sahel à avoir déployé un bataillon en dehors de ses frontières nationales, au Niger, dans la région dite des "trois frontières" réputée servir de refuge aux groupes jihadistes sahéliens. Un déploiement accompagné d'exactions: plusieurs semaines après son arrivée dans la zone, plusieurs cas de viols sur des populations civiles ont été constatés.

Or ces engagements militaires tous azimuts pourraient être remis en question avec la mort du président Déby, notent les experts. "S'il y a des soubresauts à l'intérieur et que ça devient incontrôlable, le Tchad sera obligé de rappeler ses soldats envoyés à l'étranger", avertit Amadou Bounty Diallo, enseignant à l'université de Niamey et ancien parachutiste de l'armée nigérienne à l'AFP. 

Une perspective inquiétante à l'heure où Paris envisage de réduire progressivement son empreinte militaire au Sahel après huit ans de présence ininterrompue au Mali, à la faveur d'une plus grande implication des pays de la région dans leur propre sécurité. 

"Si ce rappel des soldats tchadiens se double éventuellement d'un départ des forces terrestres de Barkhane, je pense que le Mali va s'effondrer, on risque l’effondrement

 

LES GRANDES DATES D' IDRISS DÉBY

  • 1952: naissance à Berdoba (Nord-Est) d'Idriss Déby, musulman, d'ethnie zaghawa. Baccalauréat en poche, il entre à l'école d'officiers de N'Djamena puis décroche en France une licence de pilote professionnel. 
  • 1989: conseiller militaire du président Hissène Habré, il est accusé de complot et s'enfuit en Libye, puis au Soudan où il fonde sa propre armée, le Mouvement patriotique du salut (MPS). 
  • 1990: il s'empare du pouvoir le 1er décembre, après l'entrée de ses troupes dans N'Djamena. Hissène Habré fuit et se réfugie au Sénégal. 
  • 1996: après six ans de "transition démocratique", il est élu président, lors de la première élection pluraliste de l'histoire du pays. 
  • 2001: réélu, il est de plus en plus critiqué par une opposition qui lui reproche notamment des fraudes électorales et des violations des droits de l'Homme. 
  • Fin 2005: il est confronté à une vague massive de désertions dans l'armée. Les mutins se retranchent dans l'Est à la frontière soudanaise, où ils constituent plusieurs mouvements armés.  
  • 2008: en février, des rebelles attaquent massivement la capitale, parvenant aux portes du palais présidentiel, avant d'être repoussés grâce à un soutien français. 
  • 2013: il envoie ses soldats aguerris combattre les jihadistes au Mali lors de l'opération française Serval.  
  • Début 2015: il fait intervenir ses troupes au Nigeria voisin pour y libérer des localités occupées par les islamistes de Boko Haram et initier une riposte militaire régionale contre le groupe. 
  • 2016: il est réélu le 10 avril dès le premier tour de la présidentielle avec 59,92% des voix. Le chef de l'opposition Saleh Kebzabo dénonce un "hold-up électoral". 
  • 2019: il échappe à une tentative de renversement menée  par une colonne rebelle venue de Libye, stoppée par des bombardements français sur demande de N'Djamena. 
  • 2020: il est élevé le 11 août, lors du 60e anniversaire de l'indépendance, au titre de "Maréchal du Tchad", pour célébrer la victoire en mars de l'armée tchadienne contre le groupe Boko Haram. 
  • 2021: il est réélu pour un sixième mandat à la présidentielle du 11 avril. 
  • 2021: le 20 avril, il décède des suites de blessures reçues alors qu'il commandait son armée contre des rebelles dans le Nord. 

Première mission du porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle aux Philippines

Le 6 juillet 1999, un prototype du Rafale M02 effectue un appontage sur la piste du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle à Brest (Photo Getty Images)
Le 6 juillet 1999, un prototype du Rafale M02 effectue un appontage sur la piste du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle à Brest (Photo Getty Images)
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  • L'ambassadrice de France a jugé dimanche que ces exercices militaires étaient « encore plus importants » en raison de la montée des tensions en mer de Chine méridionale.
  • La France cherche à réaffirmer son poids dans la région Asie-Pacifique, où la Chine et les États-Unis sont en concurrence pour exercer leur influence.

SUBIC BAY FREEPORT ZONE PHILIPPINES : Le porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle a effectué sa première mission aux Philippines, où l'ambassadrice de France a jugé dimanche que ces exercices militaires étaient « encore plus importants » en raison de la montée des tensions en mer de Chine méridionale.

« Compte tenu de la montée des tensions, il est d’autant plus important de défendre le droit international et la liberté de navigation, que ce soit en mer ou dans les airs », a déclaré l'ambassadrice Marie Fontanel sur le pont du porte-avions, dans la baie de Subic, au nord de Manille.

Le groupe aéronaval a rejoint la marine des Philippines vendredi pour ces exercices.

Constitué de quelque 3 000 marins, il avait quitté le port de Brest en novembre pour une mission de plusieurs mois en mer Rouge, dans l'océan Indien et dans le Pacifique, durant laquelle il doit intégrer régulièrement des frégates ou des sous-marins de pays étrangers.

La France cherche à réaffirmer son poids dans la région Asie-Pacifique, où la Chine et les États-Unis sont en concurrence pour exercer leur influence.

Les Philippines cherchent pour leur part à renforcer leurs relations avec leurs alliés face aux confrontations régulières entre Manille et Pékin concernant la mer de Chine méridionale. Pékin y revendique en effet la majeure partie de cette voie navigable stratégique.

En novembre, Manille avait annoncé l'achat à la France de 40 vedettes rapides de patrouille dans le cadre d'un accord de 440 millions de dollars (environ 420 millions d'euros).


L'écrivain Boualem Sansal a entamé une grève de la faim, a déclaré son avocat

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  • « Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.
  • Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

PARIS : L'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis mi-novembre, a entamé lundi une grève de la faim, a indiqué son avocat dimanche à l'AFP, précisant tenir cette information d'une source judiciaire.

« Je suis inquiet pour sa santé, comme pour la possibilité même d'un procès équitable », a affirmé Me François Zimeray, avocat français de l'écrivain, confirmant une information du JDD.

Selon Me Zimeray, qui a expliqué ne pas avoir obtenu de visa pour se rendre en Algérie afin de voir son client, Boualem Sansal aurait pris cette décision « en raison des pressions exercées contre lui pour changer d'avocat ».

« Ni la pondération dans l'expression de sa défense, ni la retenue face à la campagne abjecte que j'ai subie dans certains médias algériens, ni le respect du cadre judiciaire de ce pays ne semblent avoir été appréciés par un régime qui persiste à me refuser le visa sans raison valable, privant Boualem Sansal de la défense de son choix », a martelé l'avocat.

Ce dernier a également affirmé que le protocole de soin suivi par Boualem Sansal avait été interrompu, alors que l'écrivain souffrirait d'un cancer, d'après des informations de presse.

Boualem Sansal est poursuivi en vertu de l'article 87 bis du Code pénal algérien, qui sanctionne comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l'État, l'intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions.

Selon le quotidien français Le Monde, le pouvoir algérien aurait mal pris les déclarations de Boualem Sansal au média français Frontières, réputé d'extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire de ce dernier pays aurait été amputé sous la colonisation française au profit de l'Algérie.

Son incarcération a provoqué les protestations de nombreux intellectuels et écrivains, qui estiment les poursuites sans aucun fondement.

Boualem Sansal a longtemps affirmé être né en 1949, ce qui lui donnerait aujourd'hui 75 ans. En décembre, son éditeur Antoine Gallimard avait pour sa part indiqué qu'il était en vérité né en 1944 et avait donc 80 ans.


Immigration : un conseil interministériel se réunit mercredi

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) serre la main d'un agent de la police nationale française dans une caserne de pompiers après une attaque au couteau à Mulhouse, dans l'est de la France, où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux agents de police, le 22 février 2025 (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
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  • Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.
  • Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

PARIS : Le gouvernement français réunira un conseil interministériel de contrôle de l'immigration mercredi, alors qu'une attaque au couteau, perpétrée par un Algérien en situation irrégulière, a fait un mort samedi à Mulhouse, a assuré dimanche le ministre des Affaires étrangères.

Ce conseil, qui était prévu avant l'attaque de Mulhouse, « se réunira ce mercredi », a déclaré Jean-Noël Barrot lors d'un entretien avec Europe 1 et CNews, où il était interrogé sur l'attaque de samedi.

Au cours de l'entretien, le ministre a été interrogé sur les discussions avec ses homologues algériens concernant les obligations de quitter le territoire français (OQTF).

« Cette attaque terroriste nous appelle à amplifier encore la mobilisation qui est la nôtre pour mieux contenir et prévenir les conséquences de la présence de ce terroriste islamiste sur le territoire national », a estimé le ministre avant d'évoquer le conseil interministériel.

Interrogé sur TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et a accusé l'Algérie de l'avoir refoulé à 10 reprises.

Le Premier ministre, François Bayrou, a d'ailleurs convoqué un conseil interministériel de contrôle de l'immigration ce mercredi. « Nous devons faire plus et nous devons faire mieux », a-t-il déclaré.

M. Barrot a également affirmé avoir demandé « aux 19 ambassadeurs, dans les pays où nous rencontrons le plus de difficultés pour renvoyer les étrangers en situation irrégulière, à me faire un rapport circonstanciel dont je présenterai les résultats ce mercredi au Premier ministre pour que nous puissions prendre des mesures fortes ».

« Il y a des pays vis-à-vis desquels il nous faut effectivement prendre des mesures fortes. Il y en a d'autres où, au contraire, il nous faut des mesures d'accompagnement », a-t-il ajouté.