PORT-AU-PRINCE: Plusieurs centaines de femmes ont manifesté samedi à Port-au-Prince, à Haïti, pour la journée nationale du mouvement des femmes haïtiennes, à l'occasion de laquelle les manifestantes ont notamment dénoncé les violences des gangs et voulu défendre la démocratie, face à un pouvoir qu'elles accusent d'imposer une nouvelle «dictature».
«Les femmes qui ont été kidnappées sont violées et agressées sexuellement, donc aujourd'hui, il faut mettre au centre du débat, au-delà de la question des enlèvements, l'impact de la situation (sécuritaire) spécifiquement sur les femmes», a plaidé la militante Pascale Solages au début de la manifestation.
L'emprise grandissante des gangs sur le territoire s'est révélée ces derniers mois au travers d'une recrudescence des enlèvements contre rançon à Port-au-Prince comme en province.
Le 3 avril a été désigné journée nationale du mouvement des femmes haïtiennes pour marquer la marche à laquelle 30 000 femmes avaient participé le 3 avril 1986, afin de réclamer une meilleure inclusion dans la vie politique, deux mois après la chute de la dictature des Duvalier.
Samedi, le cortège était composé de plusieurs générations de militantes quand les manifestations politiques en Haïti rassemblent habituellement une majorité d'hommes jeunes.
«Ce que nous disions en 1986, c'est que la démocratie ne peut pas se construire sans les femmes ou à leur détriment: il est important de rappeler ces slogans», témoignait en début de parcours Danièle Magloire, figure du militantisme féministe haïtien.
Haïti est plongée dans une crise politique profonde et la défiance contre le pouvoir s'est accrue le 7 février.
A cette date-charnière, l'opposition et une partie de la société civile ont annoncé ne plus reconnaître Jovenel Moïse comme le président légitime du pays. Lui estime que son mandat prendra fin le 7 février 2022.
Dans ce contexte politique instable, M. Moïse a décidé l'organisation d'un référendum constitutionnel en juin.
«Ils nous parlent de référendum mais on n'a pas besoin de cette nouvelle constitution où ils saupoudrent deux, trois mesures cosmétiques alors que tout le pouvoir sera concentré dans les mains de l'exécutif, avec un président qui aura l'immunité totale pendant et après son mandat: ça n'est pas possible», proteste Gaëlle Bien Aimé au sein du cortège.
«On est dans la rue parce qu'il y a une impunité: tant d'hommes, y compris dans les sphères du pouvoir, qui battent leur femmes, qui violent», dénonce la manifestante trentenaire.
«Je n'étais pas née en 1986 et je suis très énervée d'être obligée, 35 ans plus tard, d'être dans la rue pour les mêmes combats», regrette-t-elle.