JÉRUSALEM: Déjà malmené dans les sondages, le président palestinien Mahmoud Abbas se retrouve fragilisé dans son camp par le soutien de Marwane Barghouthi, un haut cadre très populaire de son parti, le Fatah, à une liste dissidente pour les législatives de mai, estiment des analystes.
Figure palestinienne emprisonnée en Israël depuis 2002, Marwane Barghouthi a apporté son soutien à la liste de Nasser al-Kidwa, récemment exclu du Fatah après avoir critiqué la classe dirigeante palestinienne et voulu concourir seul aux législatives du 22 mai, les premières depuis 2006.
M. Kidwa a mené de longues discussions avec les « collaborateurs et partisans » de M. Barghouthi, ayant débouché sur des positions communes sur « pratiquement tout », a-t-il dit jeudi.
Le dissident tient pour « preuve » du soutien de M. Barghouthi la présence de son épouse, Fadwa, en deuxième position sur la liste « Liberté ».
Il ne s'agit toutefois pas d'une liste commune « Marwane Barghouthi-Nasser al-Kidwa », a-t-il précisé, semblant vouloir faire taire des rumeurs selon lesquelles les deux hommes se présentaient ensemble aux élections.
Mi-février, un homme de confiance de Mahmoud Abbas, Hussein al-Cheikh, a exceptionnellement rendu visite à M. Barghouthi dans sa prison israélienne.
Objectif de l'entrevue: le dissuader de se présenter aux élections, d'après des observateurs, selon qui M. Barghouthi pourrait toutefois lorgner sur la présidentielle, prévue le 31 juillet, plutôt que sur les législatives.
« Symbole »
Surnommé par ses partisans le « Mandela palestinien », M. Barghouthi purge cinq peines à perpétuité pour meurtres, pour son rôle dans différents attentats anti-israéliens au cours de la seconde Intifada (2000-2005).
D'après un récent sondage, 22% des Palestiniens souhaiteraient qu'il soit le prochain président de l'Autorité palestinienne, contre 14% pour Ismaïl Haniyeh du Hamas, et 8% pour Mahmoud Abbas.
« Abbas est considéré comme le grand perdant de cette élection. Il n'est pas populaire et la plupart des gens veulent du changement, surtout à la présidence », explique l'intellectuel Mohammed Dajani Daoudi.
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Face à lui, Marwane Barghouthi représente un « symbole de liberté » et paraît plus proche des souffrances des Palestiniens, soumis à l'occupation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ou à un blocus à Gaza.
« Ils se disent qu'ils sont dans une prison et que lui aussi est emprisonné, c'est pourquoi leur sympathie envers lui est plus grande que pour n'importe qui d'autre », analyste-t-il.
Mahmoud Abbas fait face à un autre rival dans son camp, de longue date celui-ci: Mohammed Dahlane, poussé à l'exil aux Emirats arabes unis en 2011 après avoir été reconnu coupable de corruption.
Lundi, M. Dahlane a fait enregistrer sa « Liste du futur » auprès de la commission électorale, deux semaines après avoir accusé le président palestinien de vouloir « faire taire » ses détracteurs pour « rester au pouvoir ».
Devenu conseiller du puissant prince héritier d'Abou Dhabi, M. Dahlane a revendiqué l'envoi depuis cet Etat pétrolier du Golfe de quelque 60 000 doses de vaccins contre le coronavirus à Gaza, quand l'Autorité palestinienne a peiné à y transférer quelques milliers de doses, ce qui pourrait le faire gagner en popularité dans l'enclave dont il est originaire.
Frères ennemis
Mais les divisions intestines au Fatah pourraient faire un vainqueur inattendu, prédit M. Dajani Daoudi: le Hamas.
« Le Hamas concourt avec une liste unifiée, bien organisée et bénéficiant de financements étrangers, il a donc plus de chances de gagner ces élections », souligne-t-il.
Le Hamas islamiste et le Fatah laïc étaient à couteaux tirés depuis 2007, quand le premier a pris le contrôle de la bande de Gaza en évinçant le second au prix d'une quasi-guerre civile à la suite de la victoire du Hamas aux législatives un an auparavant.
Après des années de divisions, les deux frères ennemis ont amorcé un rapprochement, s'engageant à mettre sur pied un tribunal électoral indépendant pour faire respecter les résultats du scrutin.
Mais afin d'éviter un effondrement du Fatah, M. Abbas, qui a convoqué ces premières élections en 15 ans, pourrait être tenté de les reporter et « s'accrocher au pouvoir », estime Hugh Lovatt, du Conseil européen pour les relations internationales.
« Cependant, une telle décision ferait plus probablement couler » le Fatah, parti historique et principale composante de l'Organisation de libération de la Palestine.