VERSAILLES: Après cinq jours d'un procès fleuve, la justice française a requis mardi une peine "exemplaire", soit deux millions d'euros contre l'enseigne Ikea France, accusée d'avoir espionné des centaines de salariés, et un an de prison ferme contre un de ses anciens PDG.
"L'enjeu" de ce procès est celui "de la protection de nos vies privées par rapport à une menace, celle de la surveillance de masse", a déclaré la procureure Paméla Tabardel devant le tribunal de Versailles (banlieue de Paris), en demandant que la réponse pénale soit un "message fort" envoyé à "toutes les sociétés commerciales".
"Ikea France n'est pas la seule" à avoir eu recours à ce type de pratiques de surveillance, a affirmé la procureure.
Vendredi, Ikea France s'était défendue, assurant être "en opposition" avec ces pratiques.
Révélée par la presse puis instruite en 2012, cette affaire a mis au jour un système de surveillance, des salariés et même parfois des clients, bien rôdé; des antécédents judiciaires au train de vie en passant par le patrimoine.
Outre Ikea France, quinze prévenus physiques se sont succédés à la barre pour raconter leur version des faits, dont d'anciens dirigeants d'Ikea France, des directeurs de magasins mais aussi des fonctionnaires de police et le patron d'une société d'investigations privée.
Mardi, la procureure a demandé des relaxes pour deux dirigeants, mais requis trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis pour l'ex-Président directeur général de la société Jean-Louis Baillot (1996-2009).
"Je souhaite une peine qui marque la vie de Jean-Louis Baillot", a expliqué la procureure, affirmant que la "politique initiée" par l'ancien responsable avait affecté la vie de près d'au moins 400 salariés ayant fait l'objet d'"enquêtes privées".
Les prévenus comparaissent pour des faits commis entre 2009 et 2012, même si ces pratiques illégales remontaient au début des années 2000, selon la procureure, qui a regretté que seules trois années aient été retenues dans ce dossier pour des questions de prescription.
Elle a soulevé la question de l'éventuelle corruption des fonctionnaires de police mis en cause. "Je ne dis pas qu'il y a eu de la corruption, mais je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas eu. Cela pose question dans ce dossier", a-t-elle dit.
Le procès se poursuit avec les plaidoiries de la défense dès mardi après-midi.