ANKARA : La Turquie a exprimé sa colère dimanche après la publication d'une vidéo virale dans laquelle le candidat démocrate à la Maison Blanche Joe Biden critique le président Recep Tayyip Erdogan et appelle à soutenir ses opposants.
Des propos qui datent
M. Biden a tenu ces propos lors d'un entretien filmé avec le New York Times en décembre, mais la vidéo le montrant en train de critiquer le gouvernement turc a refait surface samedi, embrasant les réseaux sociaux. Interrogé au sujet de la Turquie, le candidat démocrate qualifiait M. Erdogan d’« autocrate », dénonçait sa politique envers les Kurdes et préconisait de soutenir l'opposition.
« Nous devrions avoir une approche très différente avec lui, faire comprendre clairement que nous soutenons les leaders de l'opposition », déclarait notamment M. Biden. Il faut, expliquait-il, « enhardir » les rivaux du dirigeant turc « pour qu'ils puissent affronter et vaincre Erdogan. Pas par un coup d'Etat, pas par un coup d'Etat, mais par le processus électoral ».
Si l'interview de M. Biden au New York Times n'avait pas suscité de réaction notable après sa publication en janvier en format écrit, la vidéo a provoqué un tollé en Turquie, où le gouvernement a vivement réagi. « L'analyse de la Turquie par Joe Biden est basée sur une ignorance pure, de l'arrogance et de l'hypocrisie », a ainsi dénoncé dimanche le porte-parole de M. Erdogan, Ibrahim Kalin. « Les jours où la Turquie était menée à la baguette sont révolus. Mais si vous pensez pouvoir y arriver, tentez votre chance. Vous en paierez le prix », a-t-il ajouté sur Twitter.
Un appel au respect de la souveraineté Turque
Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a par ailleurs estimé que les déclarations de M. Biden sonnaient comme un aveu de l'implication de Washington dans un putsch manqué contre M. Erdogan le 15 juillet 2016, date où M. Biden était vice-président.
Des responsables turcs accusent souvent, plus ou moins ouvertement, les Etats-Unis d'avoir soutenu le putsch manqué, ce que Washington dément catégoriquement.
Les déclarations de M. Biden ont par ailleurs plongé dans l'embarras l'opposition à M. Erdogan, qui accuse régulièrement ses rivaux d'être à la solde de puissances étrangères.
Plusieurs responsables du principal parti d'opposition, le CHP (social-démocrate), ont d'ailleurs rapidement pris leurs distances, appelant à « respecter la souveraineté de la Turquie ».
Les critiques de M. Biden présagent aussi une possible dégradation des relations entre Ankara et Washington, déjà difficiles, s'il parvient à défaire Donald Trump à la prochaine élection présidentielle américaine, en novembre.
M. Erdogan, qui s'est efforcé ces dernières années de cultiver une relation personnelle avec M. Trump, s'en prend souvent à son prédécesseur, Barack Obama. Les rapports entre Ankara et Washington s'étaient tendus sous le deuxième mandat de M. Obama (2012-2016), en raison notamment de désaccords sur la Syrie et des atteintes croissantes aux libertés en Turquie.