BEYROUTH: Le taux de change du dollar sur le marché noir libanais a atteint mardi des sommets jusque-là inégalés, une plongée de plus pour la livre qui est passée de 13 000 à 15 000 par rapport au dollar américain.
Des manifestants en colère sont descendus dans les rues et ont forcé les propriétaires des supermarchés à fermer leurs portes. D'autres commerçants ont pris la décision de fermer volontairement «jusqu'à nouvel ordre, et jusqu'à ce que toute cette folie du dollar s'arrête».
Les propriétaires de boulangerie ont menacé d'arrêter la production de pain, et les propriétaires de stations-service pourraient leur emboîter le pas dans la vente de carburant.
Mardi était en pleine tourmente. Les manifestants ont réussi à barrer des artères à Beyrouth, ce qui créé une impasse à partir de la rue Bliss, qui longe l'Université américaine, jusqu’au quartier chic de Koraytem. Ils ont par ailleurs enflammé des pneus près de la Banque du Liban et d'autres institutions financières, et fracassé les façades des supermarchés.
Les routes qui relient les principales régions du Liban ont été coupées, notamment à la ville méridionale de Naqoura. À Tripoli, les manifestants se sont tournés vers les demeures des politiciens, et ont brisé leurs caméras de sécurité.
Des employées accompagnées de leurs enfants se sont rassemblées devant le sérail à Nabatiyeh, au sud du Liban.
Ilda Mazraani déclare: «Nous sommes des femmes employées à la fois dans les secteurs privé et public. Nos salaires se sont effondrés contrairement à nos inquiétudes qui elles ont augmenté».
Elle a exhorté les politiciens à «agir rapidement pour remédier à cette détérioration de la monnaie locale et sauver le pays et l'avenir de nos enfants».
Un document publié par la Sûreté générale libanaise qui circule sur les réseaux sociaux évoque «la possibilité d'une montée de violences dans les rues, pouvant atteindre des opérations armées visant les maisons des politiciens».
«Nos informations indiquent que le chaos, les bouleversements, et l’usage d’armes à feu dans les rues vont régner, tout comme les pillages et les règlements de compte, prétextant l'augmentation spectaculaire du taux de change du dollar et de la hausse du coût de la vie, dans le but de faire avancer des causes politiques, qui peuvent tous éclater à tout moment».
L'ambassade britannique a vivement conseillé mardi à ses citoyens au Liban de «rester vigilants lors de leurs déplacements dans les prochains jours».
Ismail, un livreur syrien dans un restaurant de Beyrouth, raconte à Arab News que «des hommes l’ont accosté lundi à midi à Tayouneh, un secteur qui relie Beyrouth à la banlieue sud de Dahyé, et lui ont ordonné de leur donner son argent, «parce qu'ils voulaient prendre le petit-déjeuner». Ils lui ont volé tout l'argent qu'il avait sur lui, et qui appartient au restaurant».
Les réfugiés et les travailleurs syriens au Liban sont parmi les groupes les plus vulnérables en temps de crise.
EN BREF
L’armée et les forces de sécurité sont intervenues mercredi afin d’empêcher les manifestants à Hay Al-Sellom, un quartier densément peuplé de la banlieue sud de Beyrouth (Dahyé), de couper les routes avec des pneus en feu.
Lors d'une session parlementaire mardi, les commissions parlementaires ont approuvé l'octroi d'un prêt de 200 millions de dollars à la compagnie d'électricité (EDL), ce qui retarderait l'obscurité totale, prévue pour fin de mars, de deux mois.
Le ministre de l'Énergie Raymond Ghajar a averti que le Liban plongerait dans un black-out si l'EDL ne reçois pas de subventions pour acheter du carburant et assurer le fonctionnement des centrales électriques.
Selon Reuters, le premier ministre Hassan Diab a annoncé que le Liban ne pourra pas financer les subventions sur le carburant après le mois de mars, et que celles des autres produits s’arrêteront après le mois de juin.
Aucune initiative de médiation n'a réussi jusque-là à résoudre le casse-tête qui entoure la formation de l’exécutif. Une source politique bien informée confie à Arab News que «le chef du Courant patriotique libre insiste toujours pour obtenir le tier de blocage dans le nouveau gouvernement, en plus de vouloir accorder un ministre au parti arménien Tachnag, et un autre à son allié, le député Talal Arslan».
L’ambassadeur saoudien au Liban, Walid Bukahri, a rencontré l’archevêque métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Elias Audi, et a affirmé que «le Royaume se tient aux côtés du Liban».
L'ambassade américaine au Liban a révélé que le chef du Commandement central des États-Unis, le général Kenneth F. McKenzie, s'est rendu lundi à Beyrouth et a rencontré le chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun, et d'autres officiers haut placés.
Un communiqué publié par l’ambassade a déclaré: «La réunion a souligné la nécessité de préserver la sécurité, la stabilité et la souveraineté du Liban, ainsi que l’importance de ce partenariat solide entre les États-Unis et l’armée libanaise, surtout pendant les difficultés économiques que confronte le Liban».
Une délégation du Hezbollah a de son côté, rencontré lundi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à Moscou.
Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que la «réunion a réitéré la position ferme de la Russie et son engagement à soutenir la souveraineté, l'intégrité et la sécurité du territoire au Liban. Elle a aussi rappelé la nécessité d'aborder les questions nationales les plus urgentes à travers un dialogue élargi, strictement juridique, entre les représentants de toutes les communautés religieuses du Liban, sans ingérence étrangère».
Le ministère russe ajoute que la réunion s’est principalement penchée sur «le besoin urgent de former un nouveau gouvernement dirigé par Saad Hariri qui soit capable de garantir au Liban un moyen de sortir de cette crise systémique».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com