PARIS: Quatre mois après l'Assemblée nationale, le Sénat dominé par l'opposition de droite entame mardi pour une semaine l'examen en première lecture de la proposition de loi LREM sur la « sécurité globale », avec la volonté d'imprimer sa marque sur ce texte controversé.
Mise en musique par le ministère de l'Intérieur, cette proposition de loi des députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot rencontre toujours une forte opposition des associations de défense des libertés et de la gauche.
La coordination Stop loi sécurité globale a appelé à reprendre la mobilisation « pour mettre en échec ce texte et la logique liberticide qui l'accompagne », annonçant des rassemblements mardi devant le palais du Luxembourg et les préfectures ou sous-préfectures en régions.
Dans l'hémicycle, la gauche promet d'être très offensive sur « tous les articles attentatoires à la liberté ».
Le groupe CRCE à majorité communiste défendra d'entrée de jeu une motion visant au rejet en bloc du texte.
Là où le gouvernement défend un « continuum de sécurité », le socialiste Jérôme Durain voit « tout au mieux un continuum policier au prix de glissements dangereux ».
Quelque 350 amendements ont été déposés en séance, dont une vingtaine du gouvernement qui tentera de revenir sur des modifications apportées par les sénateurs en commission.
La commission des Lois a « profondément cadré » le texte, a affirmé son président LR François-Noël Buffet, « pour que le continuum de sécurité » sur lequel la majorité sénatoriale est « d'accord » puisse garantir « à la fois une efficacité pour nos services de police et de sécurité et en même temps une protection des libertés ».
« Il va falloir que le Sénat trouve sa marque sur ce texte », appuie le corapporteur centriste Loïc Hervé, pour qui « c'est à l'aune des libertés publiques » qu'il a été réécrit.
Mais la réécriture n'est pas du goût des syndicats de police.
« Provocation à l'identification »
« Sur certains points, le texte a été vidé de son sens », a ainsi regretté Linda Kebbab, déléguée nationale du Syndicat Unité SGP-FO. Elle pointe en particulier la réécriture des articles 23 (sur les remises de peine) et 24, qui répondaient à une demande des syndicats de police.
Dans sa version votée par les députés, l'article 24 modifiait la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour réprimer la diffusion « malveillante » d'images des forces de l'ordre. Il avait suscité une levée de boucliers des journalistes.
Les sénateurs ont choisi en commission de proposer « un nouvel article qui dépasse l'opposition stérile » entre liberté de la presse et protection des forces de l'ordre, en créant dans le code pénal un nouveau délit de « provocation à l'identification ».
Ainsi reformulé, l'article 24 « n'entrave en rien la liberté de la presse », a assuré le corapporteur LR Marc-Philippe Daubresse.
Le texte issu de l'Assemblée prévoyait la fin des crédits de remises de peine pour infractions envers les forces de l’ordre, pompiers ou élus. Les sénateurs ont limité en commission le dispositif aux infractions les plus graves (meurtres, violences ayant entraîné une mutilation permanente...).
Concernant les caméras piétons utilisées par les policiers, les sénateurs se sont opposés en commission à la diffusion d'images directement dans les médias ou sur les réseaux sociaux.
Ils ont par ailleurs resserré l'encadrement juridique du recours aux drones : usage limité aux infractions graves, lieux difficiles d'accès..., interdiction de la captation des sons et de la reconnaissance faciale, régime « souple » d'autorisation préalable.
La Commission nationale informatique et libertés (Cnil) avait déploré qu'il ne soit pas « suffisamment protecteur des droits des personnes ».
Les sénateurs ont encore revu le dispositif prévoyant, à titre expérimental, un élargissement des prérogatives des agents de police municipale. Ils ont notamment porté l'expérimentation de 3 à 5 ans, et supprimé la possibilité pour ces agents de réaliser des saisies ou de constater des délits de consommation de stupéfiants.
Ils ont en revanche voté sans modifications la disposition prévoyant d'autoriser l'accès aux établissements recevant du public (musées, théâtres...) aux policiers et gendarmes armés en dehors de leurs heures de service.
Cette mesure fait débat : le président centriste de la commission de la Culture du Sénat Laurent Lafon entend notamment s'y opposer.