PARIS : La sécurité, érigée maintes fois en priorité de l'exécutif, reste pourtant identifiée comme l'un des talons d'Achille d'Emmanuel Macron, qui peine à investir ce terrain face à la droite dans un contexte de règlements de compte violents entre bandes.
Il y a, en la matière, comme une forme de péché originel pour Emmanuel Macron, qui n'avait pas fait de la thématique sécuritaire un axe fort de son élection en 2017 et court, depuis, derrière des marqueurs et incarnations, sans jamais occuper durablement le créneau.
Or « quand on n'a pas construit dès le départ une ligne très claire sur le sujet, on se retrouve plus en réactif, en défensif, et en symboles » pour répondre à la demande sécuritaire, abonde le sondeur Emmanuel Rivière, directeur général France de Kantar.
Conséquence : si le chef de l'Etat a réussi au fil du quinquennat à conquérir une partie de l'électorat de droite, c'est davantage sur « la politique économique, la ligne fiscale et sur « la représentation de la France en politique étrangère », que sur les aspects régaliens intérieurs, selon M. Rivière.
L'opposition de droite ne s'y trompe d'ailleurs pas en faisant flèche de tout bois alors que des affrontements violents entre groupes de jeunes ont fait plusieurs victimes ces dernières semaines.
« Le sujet n'a pas été du tout pris en compte : Macron comme à chaque fois fait des discours, et au-delà il ne se passe rien », estime ainsi le président des Républicains Christian Jacob.
De son côté, face à la « chronique quotidienne d'une barbarie ordinaire », le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau a proposé jeudi une « révolution pénale" avec "des courtes peines de prison, comme on fait aux Pays-Bas ». Et le secrétaire général de LR Aurélien Pradié a appelé à instaurer pour les "jeunes délinquants" des "peines d'encadrement militaire", rejoignant en ce sens le député Eric Ciotti.
Prétendant à la présidentielle, le patron ex-LR de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand avait également mené l'offensive après un été 2020 qu'il avait qualifié d' « Orange mécanique » et qui avait poussé le nouveau Premier ministre Jean Castex à se démultiplier sur le terrain dès sa prise de fonction.
« Ressaisissement »
Peut-être plus inquiétant pour ses ambitions de réélection, M. Macron n'a pas su imposer sa crédibilité face à Marine Le Pen : selon un sondage Elabe pour BFMTV paru jeudi, 44% des Français estiment que la dirigeante du Rassemblement national ferait mieux que le chef de l'Etat sur la sécurité, 38% ni mieux ni moins bien et seulement 18% moins bien.
En ce sens, la nomination au ministère de l'Intérieur en juillet dernier de Gérald Darmanin n'a semble-t-il pas produit tous les effets escomptés. L'ancien disciple de Nicolas Sarkozy, rallié en 2017 à M. Macron et propulsé à Beauvau pour incarner une reprise en main sécuritaire, porte pourtant des textes emblématiques actuellement au Parlement (sécurité globale, séparatisme...) mais son action est aussi ternie par des polémiques, coups de menton et affaire judiciaire.
« Je trouve que Darmanin est bordélisante », lâche ainsi un conseiller ministériel, estimant qu'il « entretient un bruit négatif ».
En attendant qu'un plan de lutte contre les violences en bandes ne soit présenté début mai, le sujet est donc remonté à Matignon où une réunion interministérielle vendredi portera en partie sur cette question dans les quartiers prioritaires.
Bien qu'englué dans les problématiques sanitaires, « Jean Castex n'a jamais lâché le dossier » sécurité, assure son entourage, tout en confirmant que le Premier ministre avait la volonté de remettre dans les jours à venir un coup d'éperon sur la thématique.
Car « réaffirmer le régalien, ce n’est pas vouloir attirer des gens de droite et d’extrême droite mais répondre à des gens qui veulent vivre en sûreté », insiste le député LREM Guillaume Vuilletet.
Quant au chef de l'Etat, il entend creuser d'ici 2022 le sillon du « ressaisissement sur le régalien, car on a baissé la garde depuis vingt ou trente ans. Les gens n’en peuvent plus. »
Un autre fidèle appuie: « Le vrai enjeu est de mettre en avant les actes, les résultats, les chiffres, pas de faire des discours ou de nouvelles lois ».