ANKARA: Le ministère égyptien des Affaires étrangères a rejeté les allégations du gouvernement turc concernant la rétablissement des relations avec le Caire et les États du Golfe.
« Il n’y a pas de reprise des contacts diplomatiques », rapportent des médias égyptiens et arabes, citant un responsable resté anonyme.
Les liens diplomatiques entre les deux pays se résument aux chargés d’affaires conformément aux normes diplomatiques, précise le responsable.
« L’amélioration des relations entre les deux pays passe par les cadres juridiques et diplomatiques qui régissent les relations entre les pays sur la base du respect du principe de souveraineté et des exigences de la sécurité nationale arabe », poursuit-il.
« L’Égypte attend de tout pays qui voudrait des relations normales avec elle [l’Égypte] qu’il respecte les règles du droit international et les principes de la politique de bon voisinage et qu’il mette un terme aux tentatives d’ingérence dans les affaires intérieures des pays de la région. » La Turquie a annoncé qu'elle avait repris ses contacts diplomatiques avec l'Égypte pour la première fois depuis la rupture des relations en 2013.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré plus tôt que les contacts diplomatiques de haut niveau entre Ankara et le Caire avaient repris.
« Nous avons des contacts avec l'Égypte à la fois au niveau du renseignement et au niveau du ministère des Affaires étrangères. Nos contacts au niveau diplomatique ont commencé », a déclaré vendredi M.Cavusoglu dans un entretien avec l'agence nationale Anadolu.
M.Cavusoglu a déclaré qu'aucune des deux parties n'avait mis en avant les conditions préalables à l'assouplissement des relations.
Cette décision est le résultat de négociations de plusieurs mois entre les agences de renseignement des deux pays.
"Il est très probable que l'Egypte exige de la Turquie qu’elle recalibre ses relations avec les Frères musulmans en échange d'une normalisation des relations", déclare Selin Nasi, le représentant londonien du Ankara Policy Center, à Arab News.
Les relations entre Le Caire et Ankara ont été rompues en août 2013 après la destitution du président Mohamed Morsi. Suite à ces événements, plusieurs membres des Frères musulmans ont fui vers la Turquie.
Depuis lors, l'Égypte et la Turquie ont souvent soutenu des camps opposés dans les conflits régionaux, en particulier pendant la guerre de Libye et le conflit de la Méditerranée orientale.
Samuel Ramani, universitaire et analyste à l’Université d’Oxford, déclare qu’il est «trop tôt pour savoir» si la main tendue de Cavusoglu à l’Égypte conduirait à un reprise des relations entre les deux pays.
L'accord de zone économique exclusive Egypte-Grèce pour la Méditerranée orientale fait de la sécurité méditerranéenne un théâtre de coopération improbable.
Samuel Ramani, analyste
«La Turquie est en train de probablement parier sur l'amélioration des relations entre le Qatar, son partenaire arabe le plus proche, et l'Égypte», déclare-t-il à Arab News.
M. Ramani dit que cette décision intervient alors que la Turquie tente d’apaiser les tensions avec les États arabes.
«L'objectif de sa politique de sécurité pourrait se situer en Irak avec une intervention à Sinjar dans le nord du pays, par conséquent Ankara pourrait essayer de limiter ses fronts de conflit», dit-il.
Cependant, les experts doutent qu'Ankara restreigne son soutien aux Frères musulmans, que le Caire considère comme une organisation terroriste.
M. Nasi souligne que, compte tenu de l'érosion de la confiance entre les deux pays, le Caire souhaiterait obtenir des mesures concrètes d'Ankara sur la question des Frères musulmans.
M.Ramani, déclare: "Je pense que la Turquie fera des promesses officieuses à l'Égypte sur la question des Frères musulmans, mais sera prudente face aux déclarations publiques qui pourraient créer des divisions idéologiques au sein du Parti de la justice et du développement au pouvoir et de la base électorale d'Erdogan."
La présence militaire de la Turquie en Libye est également un autre problème qui pèse dans la balance.
M. Ramani indique que la situation en Libye pourrait déboucher sur une coopération Turquie-Égypte sur un processus diplomatique.
« L’accord de zone économique exclusive Egypte-Grèce pour la Méditerranée orientale fait de la sécurité méditerranéenne un théâtre de coopération improbable. Les deux sont en désaccord sur la Syrie et ont des approches différentes de la sécurité du Golfe et d'Israël-Palestine, aussi », dit-il.
"L'utilité d'une coopération économique élargie pourrait encourager une baisse des tensions des deux côtés, mais cela n’ira pas plus loin", ajoute M. Ramani.
L'Égypte rejette toujours l’accord maritime international controversé entre la Turquie et le gouvernement d’accord national libyen. Il a également signé un accord maritime alternatif avec la Grèce l'année dernière pour délimiter les frontières maritimes.
"La Turquie voudrait signer des accords de délimitation maritime avec Israël et l'Egypte similaires à celui qu'elle a signé avec la Libye", précise M. Nasi.
« L’accord entre l’Égypte et la Grèce sur la zone maritime semble concède quelques revendications turques mineures. Cela a été interprété dans la presse turque comme une reconnaissance des visées de souveraineté turque dans la mer Égée et la Méditerranée.
L’accord préconise que Rhodes et la Crète font partie du plateau continental grec, et porte préjudice a l'accord maritime turco-libyen.
« C’est pourquoi il est difficile de dire que la Turquie et l’Égypte sont du même côté. Pour qu'ils soient du même côté, l'un de ces accords maritimes doit être abrogé », conclut Nasi.