Ces Français de l'étranger devenus indésirables pour leur banque

Des gens marchent devant le Groupe Caisse d'Epargne bancaire dans la commune à Ouistreham, en Normandie, le 28 octobre 2019. Sameer Al-DOUMY / AFP
Des gens marchent devant le Groupe Caisse d'Epargne bancaire dans la commune à Ouistreham, en Normandie, le 28 octobre 2019. Sameer Al-DOUMY / AFP
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Publié le Vendredi 12 mars 2021

Ces Français de l'étranger devenus indésirables pour leur banque

  • Domiciliés à l'étranger depuis des années, dans des pays jugés sensibles par les banques, des Français se voient soudainement privés de leurs comptes bancaires
  • "Quelle humiliation, vous êtes un opérateur économique tout à fait respectable dans votre pays de résidence et tout à coup, vous avez le sentiment d'être un Al Capone des temps nouveaux, parce que votre banque vous jette du jour au lendemain"

PARIS : Domiciliés à l'étranger depuis des années, dans des pays jugés sensibles par les banques, des Français se voient soudainement privés de leurs comptes bancaires. Une pratique légale mais aux conséquences lourdes, surtout en période de pandémie.

Peter Harling est Français. Depuis 2014, il vit au Liban où il a fondé et dirige un centre de recherche.

A l'automne 2019, alors que le pays s'enfonce dans une crise économique et politique sans précédent, il ne reçoit soudainement plus son salaire, envoyé depuis une banque libanaise sur son compte de la Caisse d'Epargne, l'établissement où il est client depuis qu'il est enfant.

"J'ai notamment des virements qui sont restés bloqués jusqu'à cinq mois", sans être retournés sur le compte libanais non plus, explique Peter Harling à l'AFP.

Il finit par recevoir début décembre un courrier dans un "langage opaque et extrêmement intimidant, comme si on avait commis un crime", lui expliquant que sa banque ne souhaite plus traiter avec lui et que son compte sera fermé au bout de deux mois. Sa carte bleue est désactivée.

Contactée, la Caisse d'Epargne n'a pas pu s'exprimer sur ce cas particulier, invoquant le secret bancaire, mais a rappelé que "tous les clients (français ou étrangers) se doivent de répondre aux demandes d'informations adressées par leur banque, relatives à la mise en conformité du dossier réglementaire client" et que "compte tenu de la situation du Liban, les clients qui y sont actifs font simplement l'objet d'une surveillance renforcée".

Le cas de Peter Harling n'est pas isolé. Sur Twitter, où il a conté sa mésaventure, l'analyste a reçu "plein de réactions en privé", dont certaines de compatriotes qui ont vécu la même expérience.

"Tout le monde se sent tellement vulnérable, il est assez difficile d'en parler", explique-t-il.

Cette difficulté à témoigner, Christophe-André Frassa, sénateur LR des Français de l'étranger, l'a constatée lui aussi à travers des dizaines de messages reçus ces dernières années.

Selon lui, ces clôtures visant les expatriés ont pris une certaine ampleur "il y a quatre ou cinq ans" et ont d'abord touché les Français installés en Afrique, puis au Moyen-Orient.

"Quelle humiliation, vous êtes un opérateur économique tout à fait respectable dans votre pays de résidence et tout à coup, vous avez le sentiment d'être un Al Capone des temps nouveaux, parce que votre banque vous jette du jour au lendemain", fulmine M. Frassa, pour qui "on est dans l'arbitraire le plus absolu".

Selon lui, c'est "toujours la même procédure", avec un mail qui donne deux mois pour retirer les avoirs avant la fermeture du compte, puis "silence radio", car "comme ces banques jouent sur le fil du rasoir, elles ne peuvent pas dire pourquoi" elles agissent ainsi.

Opacité des décisions

L'opération n'est pas illégale. "Une banque n'a pas à motiver son refus d'ouvrir un compte ni sa décision de le clôturer", confirme la Banque de France. Et aucun recours n'est possible. Une situation particulièrement mal vécue par les Français concernés. 

Interpellé par M. Frassa au début de la crise du Covid-19, au moment où les fermetures de comptes se poursuivaient dans un contexte déjà anxiogène, le ministère de l'Économie a reconnu que certains refus d'ouvertures de comptes de Français de l'étranger, ainsi que de "nombreuses ruptures de relations contractuelles" procédaient "d'une interprétation erronée des réglementations".

"Ces cas ont pu particulièrement survenir pour des Français résidant soit aux États-Unis, soit dans des géographies +difficiles+", comme l'Iran, la Russie ou encore le Liban, a complété Bercy auprès de l'AFP, sans pouvoir donner un chiffre.

En décembre 2019, à l'occasion d'une visite en Côte d'Ivoire, le président Macron s'en était pris aux banques françaises, dénonçant une "situation inacceptable". "Il est anormal que les Françaises et les Français ici soient amenés à aller vers des banques étrangères parce qu'ils sont abandonnés par les banques françaises", avait-il fustigé.

Pour ce qui concerne les États-Unis, depuis l'entrée en vigueur de la loi Facta en 2014, les banques françaises doivent informer le fisc américain des comptes et avoirs de leurs clients désignés comme "personnes américaines", sous peine de lourdes sanctions. 

Devant cette menace, certaines banques ont préféré se séparer purement et simplement de leurs clients.

Liste noire ?

Face à ces critiques, la Fédération bancaire française déclare que les banques "respectent la réglementation et n'excluent pas de manière automatique des pays", et que "chaque situation de client est donc étudiée, au cas par cas, avec discernement".

Un discernement qui interroge, lorsque Rani, qui préfère taire son nom de famille, raconte son histoire. Sa situation, inverse de celle des expatriés Français, illustre la frilosité de certaines banques.

De nationalité libanaise, Rani vit en France depuis une quinzaine d'années. Après un récent changement de domicile, il souhaite ouvrir un compte bancaire dans sa nouvelle région.

Sa femme se rend alors au Crédit Agricole pour lui prendre un rendez-vous.

"Dès qu'ils ont su que j'étais Libanais, le conseiller est parti cinq minutes dans un bureau, et lorsqu'il est revenu, il a dit: le Liban est sur notre liste noire des pays à risques et donc nous ne pouvons pas lui ouvrir un compte en banque". Même mésaventure à la Banque Postale.

La caisse régionale du Crédit Agricole concernée indique ne pas avoir de traces de cet échange mais affirme qu'il n'y a pas de refus automatique des Libanais dans ses agences. La Banque Postale a également assuré que la nationalité "n'est pas un critère en soi" pour accepter ou refuser un client.

Droit au compte

Selon le ministère de l'Économie, "les refus opposés à certaines transactions ou ruptures de relations contractuelles sont justifiés par les établissements pour des raisons de conformité".

Ainsi, "par crainte de sanctions, potentiellement très lourdes, certains établissements peuvent retenir une interprétation extensive, et partant erronée, des règlementations applicables en matière de conformité", expose Bercy, qui a entrepris un "dialogue" sur le sujet et escompte des résultats "rapidement".

Une explication qui ne convainc qu'à moitié Christophe-André Frassa. Avec la "pléthore d'outils informatiques" qui existe aujourd'hui, il n'arrive pas à croire qu'un ciblage plus précis ne soit pas possible et, selon lui, les banques vont "au plus simple" par "paresse intellectuelle".

Dans le cas de Rani, "on a dit Libanais = Liban, on est allé au raccourci le plus violent", réagit-il.

Face aux refus des banques, un client peut faire valoir son droit au compte auprès de la Banque de France, qui force alors un établissement à lui ouvrir ses portes.

C'est ce qu'a fait Peter Harling, mais avec les plafonds et les limitations qui lui sont imposés, il lui est impossible d'assurer toutes ses dépenses personnelles et familiales.

Hasard du calendrier, c'est au moment de la fermeture de son compte qu'il devait payer les cotisations de son assurance maladie, en pleine épidémie de Covid-19. Il a depuis réussi à régulariser sa situation.


Agriculteurs: la Coordination rurale bloque toujours le port de Bordeaux

 La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place
  • Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine

BORDEAUX: La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais.

La ministre Annie Genevard est arrivée peu avant 10H30 dans une exploitation d'endives à La Couture, première étape de son déplacement dans le Pas-de-Calais, sans s'exprimer immédiatement auprès de la presse sur place.

Les panneaux d'entrée et de sortie du village et des alentours étaient barrés d'autocollants "Paraguay", "Brésil" ou "Argentine", en référence à l'accord de libre-échange UE-Mercosur en négociation avec ces pays d'Amérique latine et auquel les agriculteurs comme la classe politique française s'opposent.

Il s'agit de la première visite de la ministre sur le terrain depuis le retour des paysans dans la rue, une mobilisation surtout marquée en fin de semaine par les actions des bonnets jaunes de la Coordination rurale.

A Bordeaux, ils bloquent ainsi les accès au port et au dépôt pétrolier DPA: des pneus, des câbles et un tracteur entravent l'entrée du site.

Sous une pluie battante, les agriculteurs s'abritent autour d'un feu et de deux barnums tanguant avec le vent. Une file de camions bloqués dont des camions citernes s'allonge aux abords.

Les manifestants ont tenté dans la matinée de joindre Annie Genevard, sans succès.

"On bloque tant que Mme Genevard et M. Barnier [Michel Barnier, Premier ministre] ne mettent pas en place des solutions pour la profession. Des choses structurelles, (...), on ne veut pas un peu d'argent aujourd'hui pour rentrer dans nos fermes, on veut des réformes pour vivre, avoir un salaire décent", a déclaré à l'AFP Aurélie Armand, directrice de la CR du Lot-et-Garonne.

"Le temps est avec nous parce que quand il pleut on ne peut pas travailler dans les fermes, donc c'est très bien", a-t-elle lancé, alors qu'une pluie battante balaye la Gironde avec le passage de la tempête Caetano.

Plus au sud, dans les Landes, des agriculteurs de la CR40 occupent toujours une centrale d'achat Leclerc à Mont-de-Marsan mais les autorités leur ont donné jusqu'à vendredi inclus pour libérer les lieux, a-t-on appris auprès de la préfecture.

Tassement du mouvement, avant une reprise 

La préfète du département a par ailleurs condamné "les dégradations commises par des membres de la Coordination rurale" mercredi soir sur des sites de la Mutualité sociale agricole (MSA), visée par des dépôts sauvages, et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), ciblée par un incendie "volontairement déclenché" dans son enceinte.

Sur Europe1/Cnews, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a redit que les agriculteurs avaient "parfaitement le droit de manifester", mais qu'il y avait "des lignes rouges" à ne pas dépasser: "pas d'enkystement", "pas de blocage".

A l'autre bout de la France, à Strasbourg, des membres de la CR se sont installés dans le centre avec une dizaine de tracteurs pour y distribuer 600 kilos de pommes aux passants.

"Nous, on propose un pacte avec le consommateur, c'est-à-dire lui fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante et en contrepartie, le consommateur nous paye un prix correct", a souligné le président de la CR départementale, Paul Fritsch.

Les autorités constatent une "légère baisse" de la mobilisation à l'échelle du pays par rapport au début de la semaine, quand les syndicats majoritaires FNSEA et JA étaient aussi sur le terrain.

Ce nouvel épisode de manifestations agricoles intervient à quelques semaines d'élections professionnelles. La CR, qui préside aujourd'hui trois chambres d'agriculture, espère à cette occasion briser l'hégémonie de l'alliance FNSEA-JA et ravir "15 à 20 chambres" supplémentaires.

Le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a annoncé mercredi que les prochaines manifestations emmenées par ses membres auraient lieu la semaine prochaine, "mardi, mercredi et jeudi", "pour dénoncer les entraves à l'agriculture".

FNSEA et JA avaient prévenu qu'ils se mobiliseraient jusqu'à la mi-décembre contre l'accord le Mercosur, contre les normes selon eux excessives et pour un meilleur revenu.

Troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne organise aussi des actions ponctuelles, contre les traités de libre-échange ou les installations énergétiques sur les terres agricoles.


Les députés approuvent en commission l'abrogation de la réforme des retraites

L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
L'ancien Premier ministre français Elisabeth Borne arrive pour son audition devant une mission d'information du Sénat français sur la dégradation des finances publiques de la France depuis 2023 au Sénat français à Paris le 15 novembre 2024. (Photo / AFP)
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  • La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.
  • La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation.

PARIS : La gauche a remporté mercredi une première victoire dans son offensive pour abroger la très décriée réforme des retraites : sa proposition de ramener l'âge de départ de 64 à 62 ans a été adoptée en commission des Affaires sociales, avant son arrivée dans l'hémicycle le 28 novembre.

Le texte, présenté par le groupe LFI dans le cadre de sa niche parlementaire, a été approuvé par 35 voix (celles de la gauche et du Rassemblement national), contre 16 (venues des rangs du centre et de la droite).

La réforme, adoptée en 2023 sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était « injuste démocratiquement et socialement, et inefficace économiquement », a plaidé le rapporteur (LFI) du texte, Ugo Bernalicis.

Le Rassemblement national, qui avait présenté une proposition similaire fin octobre, mais que la gauche n'avait pas soutenue, a voté pour le texte de La France insoumise. « C'est le même que le nôtre et nous, nous ne sommes pas sectaires », a argumenté le député Thomas Ménagé.

La proposition de loi approuvée mercredi touche non seulement à l'âge de départ (c'est-à-dire à la réforme Borne), mais également à la durée de cotisation : celle-ci est ramenée de 43 à 42 annuités, ce qui revient à abroger également la réforme portée en 2013 par la ministre socialiste Marisol Touraine pendant le quinquennat de François Hollande.

Un amendement, présenté par les centristes du groupe Liot pour préserver la réforme Touraine, a été rejeté. Les socialistes, qui auraient préféré conserver cette réforme de 2013, ont décidé d'approuver le texte global malgré tout.

La gauche affirme qu'elle est en mesure de porter sa proposition d'abrogation jusqu'au bout : après l'examen du texte dans l'hémicycle la semaine prochaine, elle a déjà prévu de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat le 23 janvier, à l'occasion d'une niche communiste, puis en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 février, cette fois dans un créneau dédié aux écologistes.

Les représentants de la coalition gouvernementale ont mis en garde contre un texte « pas sérieux » ou « irresponsable ».

« Il faut être honnête vis-à-vis des Français : si cette réforme des retraites est abrogée, certes ils pourront partir à 60 ans, mais avec une retraite beaucoup plus basse », a ainsi argumenté la députée macroniste Stéphanie Rist.


Censure du gouvernement : Le Pen fait monter la pression avant sa rencontre avec Barnier

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. (Photo RTL)
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  • "Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure"
  • Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget

PARIS: Marine Le Pen fait monter la pression sur Michel Barnier, avant leur rencontre lundi à Matignon : elle assure que son parti n'hésitera pas à censurer le gouvernement à la veille de Noël si "le pouvoir d'achat des Français est amputé" dans le projet de budget 2025.

"Nous n'accepterons pas que le pouvoir d'achat des Français soit encore amputé. C'est une ligne rouge. Si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure", a affirmé mercredi la cheffe de file des députés du Rassemblement national sur RTL.

Le vote de cette motion de censure interviendrait alors dans la deuxième quinzaine de décembre lorsque le gouvernement aura recours à l'article 49.3 de la Constitution, comme c'est probable faute de majorité, pour faire adopter sans vote le budget de l'Etat.

Si le RN et la gauche votaient conjointement cette motion alors la coalition Barnier, fragile attelage entre LR et la macronie, serait renversée et le projet de budget rejeté.

Si elle n'a pas détaillé la liste précise de ses revendications, Marine Le Pen a en particulier jugé "inadmissible" la hausse envisagée par le gouvernement pour dégager trois milliards d'euros des taxes sur l'électricité, une mesure toutefois supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

"Taper sur les retraités, c'est inadmissible", a-t-elle aussi affirmé, insatisfaite du compromis annoncé par le LR Laurent Wauquiez. Celui-ci prévoit d'augmenter les retraites de la moitié de l'inflation au 1er janvier, puis d'une deuxième moitié au 1er juillet pour les seules pensions sous le Smic.

Depuis quelques jours, les responsables du Rassemblement national brandissent plus fortement la menace de la censure tout en assurant que cela n'a rien à avoir avec les réquisitions du parquet dans l'affaire des assistants parlementaires au Parlement européen. Si elles étaient suivies, celles-ci pourraient empêcher Mme Le Pen de participer à une quatrième élection présidentielle.

Face à cette menace de censure, Michel Barnier va recevoir en début de semaine prochaine, un par un, l'ensemble des présidents de groupes parlementaires, à commencer par Marine Le Pen dès lundi matin.

Ce premier tête à tête, depuis son entrée à Matignon, suffira-t-il ?

"Et-ce que M. Barnier va respecter l’engagement qu’il a pris, que les groupes d’opposition puissent reconnaître dans son budget des éléments qui leur paraissent essentiels ?", s'est interrogée la cheffe de file des députés RN.

Les demandes de notre parti étaient "de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat", a-t-elle récapitulé. "Or nous n'avons pas été entendus, nous n'avons même pas été écoutés".

Poker menteur 

Alors qu'il a déjà lâché du lest sur les économies demandées aux collectivités locales, aux retraités et aux entreprises face aux critiques de sa propre majorité, le Premier ministre, confronté à la colère sociale des agriculteurs, des fonctionnaires ou des cheminots, a très peu de marge de manoeuvres.

"L'objectif est d'arriver à un équilibre entre les ambitions des groupes parlementaires et les impératifs de rigueur" budgétaire, répète Matignon, alors que le déficit public est attendu à 6,1% du PIB fin 2024 contre 4,4% prévu initialement.

L'exécutif agite, à destination du RN mais aussi des socialistes, la menace du chaos.

"Celui ou celle qui renversera le gouvernement privera le pays d'un budget et le précipitera dans le désordre et la chienlit", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur CNews.

"Le pire pour le pouvoir d'achat des Français, ce serait une crise financière", a alerté de son côté sur LCI sa collègue Astrid Panosyan-Bouvet (Travail).

Une question demeure: le RN bluffe-t-il ?

"Si le gouvernement tombe, il faudra attendre juin pour qu'il y ait des élections législatives parce qu'il ne peut pas y avoir de dissolution pour le moment!", a semblé nuancer le porte-parole du RN Julien Audoul.

Dans tous les cas, ce jeu de poker menteur risque de durer jusque la veille de Noël, lorsque l'Assemblée nationale aura à se prononcer définitivement sur le projet de budget 2025 de l'Etat.

Le RN n'entend, en effet, pas déposer ou voter de motion de censure sur les deux autres textes (fin de gestion de 2024 et projet de budget de la Sécurité sociale) qui pourraient être adoptés par 49.3 avant.