Au sein du chaos, les courtiers se précipitent sur une Beyrouth dévastée

Une maison gravement endommagée par l'explosion du port de Beyrouth. (AFP)
Une maison gravement endommagée par l'explosion du port de Beyrouth. (AFP)
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Publié le Jeudi 13 août 2020

Au sein du chaos, les courtiers se précipitent sur une Beyrouth dévastée

  • Les résidents se sont plaints que les courtiers « visitent leurs immeubles pour faire des offres » d'achat
  • Le ministère libanais de la Culture a décidé « d’interdire toute transaction d’achat, de cession ou d'assurance des biens immobiliers endommagés »

BEYROUTH : Les habitants de Beyrouth sont exhortés à ne pas vendre leurs maisons ou leurs biens immobiliers à la suite de l'explosion dévastatrice qui a détruit des pans entiers de Beyrouth, alors que des courtiers se précipitent pour acheter des bâtiments détruits.
L’explosion de la semaine dernière au port de Beyrouth a fait 171 décès, plus de 6 500 blessés, et laissé des centaines de milliers de personnes sans abri. Des dizaines de personnes restent portées disparues. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que 50 % des hôpitaux de Beyrouth sont « hors service » en raison de l'explosion.
L'explosion de mardi a vu des gens descendre dans la rue pour ramasser les morceaux et nettoyer le chaos, alors même que le Liban lutte pour faire face à la pandémie de coronavirus et à de graves difficultés économiques, financières et politiques.
De petites cartes ont été affichées sur les voitures endommagées dans les quartiers détruits par l'explosion : « Si la voiture est à vendre, appelez le numéro indiqué sur la carte. »
Ces cartes ont été repérées dans les zones de Gemmayzeh, Mar Mikhael, Al-Mdawar et Karantina, près de la zone portuaire. Les résidents se plaignent que les courtiers « visitent leurs immeubles pour faire des offres » d'achat de maisons et de biens immobiliers, en échange de grosses sommes d'argent en dollars.
Les zones dévastées comprennent des bâtiments patrimoniaux, et le président de l'Ordre des ingénieurs du Liban, Jad Tabet, estime que 50 à 60 bâtiments anciens sont menacés d'effondrement total ou partiel.
De nombreux habitants de ces bâtiments sont soit des locataires, soit des propriétaires qui ont peu ou pas de moyens. Ils ne sont pas en mesure de restaurer ce qui a été détruit, notamment du fait de la grave crise économique qui touche le Liban et de l’effondrement de la livre libanaise par rapport au dollar américain.
Le comportement des courtiers a également suscité de l'anxiété pour d'autres raisons.
Les zones détruites par l'explosion sont à majorité chrétienne.
Le port de Beyrouth a marqué le début de la Ligne verte de 1975 qui divisait la capitale entre l’est et l’ouest, une situation maintenue jusqu’en 1990, lorsque la guerre a pris fin. Bien que la Ligne verte ait été abolie, la division démographique créée par la guerre demeure la même, à quelques exceptions près.
Ces deux derniers jours, il a été rapporté que des éléments politiques ou des partisans du pays « profitaient de l'occasion pour s'infiltrer » dans ces zones.
« Les informations sur la présence des courtiers sont largement diffusées dans les zones touchées, a déclaré le député George Okais à Arab News. Il y a des propriétaires riches, d'anciens propriétaires pauvres et d'autres dont les propriétés ont été cédées par leurs parents et grands-parents et ne peuvent pas être vendues en raison de la difficulté des héritiers à trouver un accord. Il semble que certaines personnes veuillent exploiter les sentiments de dégoût et de colère des gens ainsi que leurs intentions d’émigrer du Liban, en leur offrant des sommes intéressantes pour acheter ces propriétés, qu’il s’agisse de bâtiments patrimoniaux ou anciens. »
Le Rassemblement orthodoxe a appelé les propriétaires d'immeubles et de biens immobiliers des zones touchées à ne pas céder au désespoir ou à la frustration, même si ces sentiments sont justifiés face à une telle horreur. Il a exhorté les gens à s'abstenir de vendre leur propriété et à conserver « la terre et la pierre, symbole de leur existence ».
Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste, a mis en garde contre toute destruction du patrimoine de Gemmayzeh, Mar Mikhael et Achrafieh de la part de la municipalité de Beyrouth pour le compte de courtiers. « La municipalité de Beyrouth possède les fonds nécessaires pour restaurer le patrimoine, abriter et aider les sinistrés », a-t-il déclaré.
Talal al-Doueihy, chef du mouvement Terre libanaise, notre terre, qui s’emploie depuis deux ans à empêcher la vente de terres appartenant aux Libanais, en particulier aux chrétiens, révèle : « Certaines personnes m’ont informé que des avocats et des agents immobiliers ont exprimé leur intérêt à acheter leurs propriétés endommagées ou détruites. »
Il parle des « montants irréalistes » offerts aux gens – 8 000 dollars le mètre carré.
« Le changement démographique dans ces régions peut être ou non envisageable, mais il est de notre devoir de proposer des solutions et de dire aux gens de ne pas vendre leurs propriétés et de ne pas quitter le Liban, quelle que soit la mouvance à laquelle ils appartiennent, poursuit Okais. L'objectif principal est de fournir aux gens un soutien financier. Ce sur quoi nous travaillons actuellement. »
Le ministère libanais de la Culture a décidé « d’interdire toute transaction d’achat, de cession ou d'assurance des biens immobiliers endommagés et d'empêcher toute modification apportée dans les registres du cadastre jusqu'à la fin de tous les travaux de réparation, et après l'approbation du ministère, conformément aux règles relatives à la protection des bâtiments traditionnels et patrimoniaux ».
L'Union maronite mondiale (UMM) a accusé « les riches, les détenteurs de l’argent de la mafia qui a saboté le Liban, les responsables de la contrebande et de l’argent de la drogue parrainé par le Hezbollah en plus de l’argent de l’Iran, d’essayer de changer l’aspect culturel et démographique de Beyrouth. »
L'Union craignait que les gens n'agissent « inconsciemment et signent des contrats et des accords qui les voleraient et les priveraient de leur histoire et de l'avenir de leurs enfants ».
Des rumeurs de nouvelles explosions dans la capitale libanaise suscitent également peur et confusion. Elles ont été attribuées à la Croix-Rouge libanaise, à l'ambassade de France et aux forces de l'ONU au Liban – tous trois ont nié immédiatement.
L'ambassade a rejeté le contenu d'un enregistrement audio affirmant que la mission diplomatique avait averti ses citoyens de se rendre à Beyrouth entre le 13 et le 15 août, soulignant que le message audio était ancien et circulait « dans le but de tromper les gens et de provoquer la panique ».
La Force intérimaire des nations unies au Liban (Finul) a également nié la véracité de l'enregistrement. Son porte-parole, Andrea Tenenti, a déclaré : « L'enregistrement audio affirmant que la Finul a mis en garde contre un acte terroriste dans les zones de Beyrouth est sans fondement. Il ne vise qu'à créer de la confusion dans ces circonstances exceptionnelles. »

 


Le ministre saoudien des affaires étrangères arrive à Damas pour une visite officielle

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RIYAD : Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhane, est arrivé vendredi en Syrie dans le cadre d'une visite officielle, a annoncé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Le prince Faisal rencontrera le dirigeant de facto de la Syrie, Ahmed al-Charaa, ainsi que des hauts responsables de la nouvelle administration syrienne.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Liban: l'ONU plaide pour un retour "durable" des réfugiés en Syrie

Filippo Grandi et Joseph Aoun. (X/@FilippoGrandi)
Filippo Grandi et Joseph Aoun. (X/@FilippoGrandi)
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  • Le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a plaidé jeudi au Liban pour un retour "durable" des réfugiés syriens dans leur pays
  • Selon Beyrouth, le Liban accueille près de deux millions de Syriens (près de 800.000 sont enregistrés auprès des Nations unies), soit le plus haut nombre de réfugiés par habitant dans le monde

BEYROUTH: Le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a plaidé jeudi au Liban pour un retour "durable" des réfugiés syriens dans leur pays, après la chute de Bachar al-Assad début décembre.

Selon Beyrouth, le Liban accueille près de deux millions de Syriens (près de 800.000 sont enregistrés auprès des Nations unies), soit le plus haut nombre de réfugiés par habitant dans le monde.

"Ma visite s'inscrit dans une tournée régionale visant à identifier les moyens les plus efficaces pour accompagner le retour des réfugiés syriens", a déclaré M. Grandi, après sa rencontre avec le nouveau président libanais, Joseph Aoun.

Il salué "un moment porteur d'espoir pour le Liban et la région", après la chute de Bachar al-Assad, renversé par une coalition rebelle après 13 ans de guerre civile. "Les récents développements ouvrent la voie à une résolution de cette crise humanitaire prolongée".

"Nous souhaitons que ces retours soient durables, ce qui nécessite une sécurité renforcée, une stabilité politique accrue, le respect des droits de toutes les communautés en Syrie, ainsi qu'un appui international à la reconstruction" du pays dévasté par la guerre.

Lors de la rencontre, Joseph Aoun a appelé au retour des réfugiés syriens dans leur pays "le plus tôt possible", et demandé à ce que le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) "commence à organiser des convois de retour", selon la présidence libanaise.

Selon le HCR, plus de 200.000 réfugiés syriens sont retournés dans leur pays depuis la chute de Bachar al-Assad début décembre.

"Il y a seulement quelques mois, moins de 2% des réfugiés syriens dans la région prévoyaient de retourner en Syrie dans les 12 mois. Ce chiffre est passé à environ 30% depuis la chute du régime syrien", a-t-il ajouté.

M. Grandi a en outre annoncé qu'il se rendrait en Syrie pour y "rencontrer les nouvelles autorités et discuter des possibilités de retour pour un plus grand nombre de réfugiés depuis les pays voisins".

La guerre en Syrie déclenchée en 2011 par la répression sanglante de manifestations anti-Assad a fait plus d'un demi-million de morts et des millions de déplacés.


L'Arabie saoudite est optimiste quant à l'avenir du Liban, déclare le ministre des AE après sa rencontre avec le président Aoun

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhan, salue le président libanais Joseph Aoun au palais présidentiel au Liban, jeudi. (SPA)
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhan, salue le président libanais Joseph Aoun au palais présidentiel au Liban, jeudi. (SPA)
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  • Le prince Faisal a déclaré que l'Arabie saoudite était "optimiste quant à l'avenir du Liban, à la lumière de l'approche réformiste décrite dans le discours d'investiture du président"

BEYROUTH : Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhan, a félicité le président libanais Joseph Aoun pour son élection à la présidence au nom du roi Salmane et du prince héritier Mohammed ben Salmane.

À l'issue de sa rencontre avec M. Aoun au palais présidentiel, qui a duré environ une demi-heure, le prince Faisal a déclaré qu'ils avaient discuté "des développements dans la région ; je lui ai transmis le soutien du Royaume au Liban et à son peuple frère dans tous les domaines."

Il a souligné "l'importance du respect de l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Liban et l'importance de la mise en œuvre de la résolution 1701".

Le prince Faisal a déclaré que l'Arabie saoudite était "optimiste quant à l'avenir du Liban, à la lumière de l'approche réformiste décrite dans le discours d'investiture du président".

Il a ajouté : "Nous avons une grande confiance dans le président et le premier ministre désigné pour mettre en œuvre les réformes nécessaires au Liban, ce qui renforcera la confiance du monde dans le Liban et contribuera à stabiliser la situation politique et économique dans le pays.

"Nous sommes convaincus que les dirigeants libanais sauront saisir l'occasion qui leur est offerte et travailleront sérieusement pour le Liban.

Le Royaume, a déclaré le prince Faisal, "continuera à soutenir pleinement le Liban pour qu'il parvienne à la stabilité et au développement dans divers domaines".

Il a souligné "la nécessité d'une coordination continue entre les deux pays pour atteindre leurs objectifs communs".

Sa visite a marqué un tournant dans les années de relations tendues entre le Liban et l'Arabie saoudite.

Ces tensions étaient dues à la domination du Hezbollah sur les décisions politiques du Liban au cours des dernières années et à l'utilisation de points de passage illégaux pour la contrebande de drogues, en particulier le Captagon, vers les États du Golfe.

Depuis Davos, le ministre saoudien a souligné que l'élection de M. Aoun à la présidence du Liban était un "développement très positif".

Le prince Faisal s'est félicité de la "formation du gouvernement", mais a insisté sur la nécessité de "véritables réformes et d'une approche tournée vers l'avenir pour garantir des progrès durables".

Il a également rappelé que "l'avenir du Liban repose entre les mains de son peuple, qui doit prendre les décisions qui orienteront le pays dans une nouvelle direction".

De son côté, l'ambassadeur du Qatar au Liban, Saud ben Abdulrahman Al-Thani, a exprimé l'espoir que "la formation du nouveau gouvernement au Liban lui permette de se concentrer sur l'accomplissement des tâches attendues, ce qui favoriserait la stabilité et garantirait l'acheminement de l'aide à la reconstruction du Liban".

Il a souligné "l'intérêt du Golfe pour le Liban, illustré par les visites à Beyrouth des ministres saoudien et koweïtien des affaires étrangères, ainsi que du secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe".

"Je pense qu'Israël se retirera des territoires qu'il a récemment occupés dans le sud du Liban. Le comité international de surveillance du cessez-le-feu remplit son rôle, et les États-Unis et la France soutiennent ce résultat.

L'ambassadeur a également déclaré que "les ressortissants du Golfe, y compris les Qataris, devraient retourner au Liban pour la saison estivale".

Par ailleurs, l'homme d'affaires émirati Khalaf Al-Habtoor a déclaré qu'il prévoyait d'investir dans un "grand projet ambitieux au Liban une fois que le nouveau gouvernement sera formé. Le projet a pour ambition de contribuer à la renaissance économique et de fournir des milliers d'emplois, d'être un véritable apport pour soutenir l'économie libanaise et restaurer la confiance en elle."

Toutefois, M. Al-Habtoor a souligné que tout nouvel investissement dépendrait de la formation d'un gouvernement en bonne et due forme.

"Le nouveau gouvernement doit être libre de toute subordination et de tout quota, et il ne doit pas inclure ceux qui ont ruiné le Liban, causé l'effondrement de l'économie et provoqué ses guerres", a-t-il déclaré.

"Cette phase exige des dirigeants dignes de confiance et un cabinet composé de personnes expérimentées et qualifiées qui s'engagent à donner la priorité aux intérêts du Liban. La sécurité et la stabilité sont les fondements de toute reprise, et elles ne peuvent être atteintes que par un gouvernement fort et indépendant, capable de restaurer la confiance des investisseurs libanais, arabes et internationaux."

Al-Habtoor a également mis en garde contre le fait que "toute indulgence dans le processus de formation ou l'acceptation de la subordination ne conduira qu'à la poursuite de la crise et fermera les portes de l'investissement et de la renaissance au Liban et à son peuple".

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com