La Journée internationale de la femme arrive à un moment particulièrement difficile pour les femmes du monde entier. La pandémie et ses impacts économiques et sociaux menacent de faire reculer les progrès réalisés par les femmes au cours des dernières décennies.
Alors que les hommes sont plus susceptibles de mourir de la COVID-19, d'autres effets sur la santé se sont fortement fait sentir chez les femmes. Les femmes représentent 70 pour cent du personnel soignant dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé. Elles sont également beaucoup plus susceptibles que les hommes de fournir des soins aux parents malades, ce qui les expose à un risque élevé d'infection et augmente considérablement leurs heures de travail.
Étant donné que de nombreux systèmes de santé ont été contraints de transférer du personnel pour faire face à la pandémie, cette réaffectation s’est souvent faite au détriment des soins maternels, de l’accès à la contraception et d’autres aspects des soins de santé pour les femmes. En outre, l'ONU a déclaré que la violence domestique avait augmenté «de façon exponentielle » pendant la pandémie.
Elle a entraîné des pertes d’emplois considérables pour les hommes et les femmes, mais a eu un impact disproportionné sur l’emploi des femmes. La pandémie a touché des secteurs qui ont tendance à employer de nombreuses femmes, comme le commerce de détail, l'hôtellerie, l'éducation et les services domestiques. Dans de nombreux pays moins développés, le secteur parallèle est important pour le revenu des femmes, et les mesures barrières de la pandémie ont limité les sources de revenu dans ce secteur.
Dans l'ensemble, les sociétés doivent faire plus pour valoriser les soins – la prise en charge essentielle des enfants, des malades et des personnes âgées que les femmes accomplissent si souvent sans salaire ni reconnaissance. La pandémie a mis en évidence les disparités entre les sexes et le rôle des femmes.
Kerry Boyd Anderson
Extrême pauvreté
Les femmes sont moins susceptibles que les hommes de bénéficier d'une protection de l'emploi et de ressources financières pour les aider à faire face aux périodes de chômage. Un rapport de l'ONU 2020 a estimé que la pandémie plongerait 47 millions de femmes et de filles dans l'extrême pauvreté en 2021.
En même temps que les femmes luttaient pour maintenir leurs revenus, la pandémie leur a imposé d'énormes quantités de travail non rémunéré. Avant la pandémie, l'ONU estime que les femmes ont effectué trois fois plus de soins et de travaux domestiques non rémunérés que les hommes. La COVID-19 a rendu malades des millions de personnes, et les femmes étaient souvent celles qui s'en occupaient. Les établissements de santé débordés renvoyaient souvent de nombreuses autres personnes malades à la maison prématurément, obligeant à nouveau les femmes à les aider.
De surcroit, les écoles ont fermé dans le monde entier, laissant les mères et autres femmes de la famille s'occuper des enfants et essayer d'aider à la scolarisation en ligne. L'incertitude concernant la scolarisation et la garde des enfants a contraint de nombreuses femmes à quitter leur emploi ou à retarder leur retour sur le marché du travail.
La fermeture des écoles menace également de miner les progrès de l’éducation des filles. L'ONU estime que «11 millions supplémentaires de filles pourraient quitter l'école» d'ici la fin de la pandémie.
Des expériences mondiales
Ces expériences sont mondiales. Partout dans le monde, les femmes ont été aux prises avec des pertes d'emplois, des crises sanitaires et des attentes impossibles à concilier entre le travail rémunéré et le rôle, non rémunéré, d'enseignante et de domestique. La pandémie a intensifié les défis auxquels les femmes de divers pays sont déjà confrontées.
Aux États-Unis, les suppressions d'emplois qui touchent de manière disproportionnée les femmes, et la fermeture des d'écoles a conduit beaucoup plus de femmes que d'hommes à quitter le marché du travail. Selon un rapport publié en septembre par McKinsey et LeanIn.Org, une femme active sur quatre envisagerait de quitter le marché du travail ou d’accorder moins de place à sa carrière.
Alors que les pères américains ont assumé une plus grande part des soins des enfants et autres tâches ménagères au cours des dernières décennies, les mères – même celles qui ont un emploi à temps plein – ont encore plus de travail non rémunéré que les hommes ; la pandémie a encore aggravé cette situation.
Ces tendances menacent de freiner les progrès accomplis pour réduire les inégalités salariales et élargir le rôle des femmes aux postes de direction sur le marché du travail. Avec un congé de maternité limité ou inexistant, des services de garde d'enfants onéreux et d'autres défis, les mères qui travaillent aux États-Unis, et qui se débattaient avant la pandémie, se retrouvent maintenant en pleine crise.
Le secteur numérique
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les femmes étaient confrontées à d'énormes défis sur le marché du travail avant la pandémie. La plupart des pays de la région se situent dans le tiers inférieur de l’indice du Forum économique mondial d’écart entre les sexes. La région a le taux de participation de femmes au marché du travail le plus bas du monde. Cette réalité offre une opportunité de croissance économique significative en augmentant le rôle des femmes dans la main-d’œuvre.
Selon l'ONU, la pandémie devait probablement coûter 700 000 emplois aux femmes dans les pays arabes en 2020. En outre, les femmes arabes effectuent 4,7 fois plus de travail non rémunéré que les hommes, selon l'ONU. La fermeture des écoles a alourdi ce fardeau.
La pandémie pourrait accélérer la tendance à l'emploi des femmes dans le secteur numérique, ce qui pourrait augmenter leur participation à la main-d'œuvre dans la région. Cependant, les emplois numériques nécessitent un accès fiable à Internet, un support qu’on ne partage pas régulièrement avec les autres membres du ménage, et des heures disponibles pour travailler plutôt que de suivre les cours en ligne et s’atteler aux besoins du ménage.
Les femmes du monde entier auront besoin de l'aide de leurs gouvernements, de leurs sociétés et leurs compagnons pour se rétablir. Les gouvernements peuvent envisager des protections telles que le congé de maternité, la garde d'enfants abordable et la réouverture des écoles. Là où des barrières juridiques bloquent l’emploi des femmes, les gouvernements peuvent les supprimer. Les aides doivent parvenir aussi bien aux femmes qu'aux hommes. Les employeurs peuvent se montrer flexibles et envisager de réajuster les attentes des mères et des pères.
Dans l'ensemble, les sociétés doivent faire plus pour valoriser les soins – la prise en charge essentielle des enfants, des malades et des personnes âgées que les femmes accomplissent si souvent sans salaire ni reconnaissance. La pandémie a mis en évidence les disparités entre les sexes et le rôle des femmes. Il est temps de planifier un monde post-pandémique qui améliore la vie des femmes, ce qui, à son tour, accroît la qualité de vie de leurs familles.
Kerry Boyd Anderson est écrivaine et conseillère en risque politique, avec plus de 16 ans d’expérience en tant qu’analyste professionnelle des questions de sécurité internationale, de risque politique et des affaires, au Moyen-Orient. Elle a également occupé le poste de vice-directrice conseil auprès de Oxford Analytica ainsi que rédactrice en chef de Arms Control Today.
Twitter : @KBAresearch.
NDLR : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com