La curieuse relation des États-Unis avec Netanyahou et Israël

Malgré sa tendance à frustrer et à agacer les présidents américains, M. Netanyahou obtient souvent ce qu'il veut de Washington. (AP)
Malgré sa tendance à frustrer et à agacer les présidents américains, M. Netanyahou obtient souvent ce qu'il veut de Washington. (AP)
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Publié le Vendredi 18 octobre 2024

La curieuse relation des États-Unis avec Netanyahou et Israël

La curieuse relation des États-Unis avec Netanyahou et Israël
  • Biden n'est pas le premier président à exprimer son mécontentement à l'égard de Netanyahou – ou à utiliser des insultes
  • Avant même que Netanyahou ne devienne Premier ministre, il avait tellement agacé les hauts responsables de l'administration de George H.W. Bush, en tant que diplomate israélien, qu'il lui avait été interdit de se rendre au département d'État

Dans son nouveau livre «War» (Guerre), le journaliste Bob Woodward rapporte que le président Joe Biden a laissé libre cours à sa frustration à l'égard du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou au printemps de cette année. Il l'a qualifié de «sale type», utilisant même des mots plus forts. Malgré une amitié de plusieurs décennies entre les deux hommes, Netanyahou a fait fi de toutes les demandes importantes formulées par Biden au cours de la guerre actuelle à Gaza. Pourtant, M. Biden n'a pas voulu utiliser l'influence des États-Unis pour faire pression sur Netanyahou afin qu'il change de cap.

Biden n'est pas le premier président à exprimer son mécontentement à l'égard de Netanyahou – ou à utiliser des insultes. Avant même que Netanyahou ne devienne Premier ministre, il avait tellement agacé les hauts responsables de l'administration de George H.W. Bush, en tant que diplomate israélien, qu'il lui avait été temporairement interdit de se rendre au département d'État.

Une fois devenu Premier ministre, il a agacé le président Bill Clinton lors d'une conférence de presse commune en 1996, ce qui a incité ce dernier à demander à ses conseillers: «Qui est la superpuissance ici, parbleu?» Après avoir perdu les élections en 1999, Netanyahou a été réélu Premier ministre en 2009, alors que le président Barack Obama était à la Maison Blanche et leurs relations ont été pour le moins glaciales. Netanyahou a entretenu des relations chaleureuses avec le président Donald Trump pendant le mandat de ce dernier, mais après que Netanyahou a appelé Biden afin de le féliciter pour sa victoire à l'élection présidentielle de 2020, Trump s'est mis en colère contre ce qu'il considérait comme un manque de loyauté de la part du Premier ministre israélien et aurait également utilisé un juron à l'encontre de Netanyahou.

Pourtant, malgré sa tendance à frustrer et à agacer les présidents américains, Netanyahou obtient souvent ce qu'il veut de Washington. En effet, il semble qu'il puisse généralement ignorer toute demande ou exigence du président, malgré les milliards de dollars de financement annuel et les autres formes de soutien que les États-Unis fournissent constamment à Israël. Les dirigeants américains tentent souvent d'utiliser les relations diplomatiques et politiques pour persuader Netanyahou d'apporter des changements mineurs à sa politique, mais ils ne sont généralement pas disposés à suspendre l'aide économique et militaire lorsque Netanyahou refuse de cesser de prendre des mesures qui compromettent les efforts de paix.

Malgré sa tendance à frustrer et à agacer les présidents américains, Netanyahou obtient souvent ce qu'il veut de Washington.

- Kerry Boyd Anderson

Historiquement, les dirigeants américains ont exprimé leur volonté d'exercer une pression significative sur Israël ou de rompre avec les dirigeants israéliens sur des questions que les présidents considèrent comme vitales pour la sécurité et les intérêts des États-Unis. En 1956, le président Dwight Eisenhower a forcé Israël et ses alliés à se retirer du canal de Suez. Sous les administrations de Richard Nixon et de Gerald Ford, Henry Kissinger, bien que généralement favorable à Israël, considérait le Moyen-Orient sous l'angle de la guerre froide et était prêt à faire pression sur Israël lorsqu'il estimait que cela servait les intérêts des États-Unis.

En 1991, Bush a retenu 10 milliards de dollars de garanties de prêts à Israël en raison de désaccords sur l'expansion des colonies – un cas inhabituel. Obama a poursuivi l'accord nucléaire avec l'Iran, malgré les objections véhémentes d'Israël.

Toutefois, les États-Unis n'ont pas considéré la paix israélo-palestinienne comme un intérêt national fondamental. Certes, certains présidents ont considéré la paix comme une aspiration utile susceptible de renforcer leur héritage, mais – du moins pendant les années de pouvoir de Netanyahou – ils n'ont pas jugé utile d'y consacrer une grande partie de leur capital politique. Netanyahou a donc eu pleinement l'occasion de saboter les efforts déployés en vue de la création d'un État palestinien.

Netanyahou a intentionnellement sapé les efforts de paix sous l'administration Clinton, comme cette dernière l'a reconnu par la suite. Il a ignoré les appels de l'administration à suspendre l'expansion des colonies et à prendre d'autres mesures. Toutefois, Clinton et nombre de ses collaborateurs ont rejeté la responsabilité de l'échec des pourparlers de paix sur les Palestiniens et n'ont pas utilisé le levier le plus puissant dont ils disposaient auprès d'Israël pour obtenir de plus grandes concessions.

Sous l'administration de George W. Bush, Netanyahou est resté influent mais n'était pas Premier ministre. L'administration Bush était étroitement alignée sur Israël et, lorsque Netanyahou est revenu au pouvoir en 2009, la population des colons de Cisjordanie avait considérablement augmenté.

Netanyahou a effrontément ignoré à plusieurs reprises les demandes de Biden. Biden s'emporte, mais continue de fournir d'énormes quantités d'aide.

-Kerry Boyd Anderson

L'accession d'Obama à la présidence a fait naître l'espoir que les États-Unis auraient enfin un président prêt à utiliser les milliards de dollars d'aide à Israël comme levier pour l'obliger à faire des concessions en faveur de la paix. Certes, les relations entre Netanyahou et Obama sont devenues de plus en plus glaciales, mais l'objectif d'Obama était de parvenir à un accord pour bloquer le développement nucléaire de l'Iran. M. Obama était prêt à ignorer les avertissements de M. Netanyahou concernant l'Iran, mais il s'est montré réticent à dépenser un capital politique important pour faire pression sur Israël en vue d'une paix avec les Palestiniens. L'expansion des colonies en Cisjordanie et le blocus de la bande de Gaza se sont poursuivis.

Trump n'avait aucun intérêt à pousser Israël à faire la paix avec les Palestiniens et Netanyahou a pu poursuivre ses politiques vis-à-vis des Palestiniens sans rencontrer d'objections de la part de la Maison Blanche.

M. Biden est entré en fonction en pensant qu'il aurait une certaine influence sur M. Netanyahou, compte tenu de son approche pro-israélienne et de sa relation de longue date avec M. Netanyahou. Si l'équipe de M. Biden peut se prévaloir de quelques petites victoires diplomatiques, M. Netanyahou a, dans tous les domaines fondamentaux, ignoré de manière répétée et éhontée les exigences de M. Biden. Il n'a pas proposé de plan d'après-guerre pour Gaza, n'a pas déployé d'efforts plus efficaces pour protéger les civils, n'a pas autorisé une aide humanitaire suffisante à Gaza, n'a pas accepté de propositions de cessez-le-feu pour Gaza ni de proposition de cessez-le-feu pour le Liban. Il a directement rejeté l'insistance de M. Biden sur une solution à deux États. M. Biden s'emporte mais continue à fournir d'énormes quantités d'aide et d'armement.

Le prochain président, quel qu'il soit, devra reconnaître que Netanyahou ignorera toute demande de Washington qui ne lui plaît pas, tant que le président n'est pas disposé à menacer de manière crédible et sérieuse de suspendre l'aide. Il est étrange qu'un pays fournisse des milliards de dollars à un autre sans attendre en retour une influence et des concessions significatives, mais telle est la relation entre les États-Unis et Israël.

Kerry Boyd Anderson est écrivain et consultante en risques politiques. Elle possède plus de 18 ans d'expérience en tant qu'analyste professionnelle des questions de sécurité internationale et des risques politiques et commerciaux au Moyen-Orient. Elle a notamment occupé le poste de directrice adjointe des services consultatifs chez Oxford Analytica.

X : @KBAresearch

NDLR: les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com