PARIS: Coup de tonnerre, tremblement de terre, acharnement judiciaire, c’est ainsi que les proches de l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy ont qualifié sa condamnation à trois ans de prison dont un an ferme, par le tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire dite «des écoutes». Verdict historique, date gravée dans le marbre, justice pour tous ont à l’inverse clamé les détracteurs de l’ancien président à l’annonce de la sentence.
C’est un débat de fond qui s’ouvre de nouveau en France à l’issue de cette affaire sur l’indépendance et l’impartialité de la justice. L’affaire des écoutes a été confiée au Parquet national financier, qui a décidé après enquête de déférer Nicolas Sarkozy, son ancien avocat Thierry Herzog ainsi que l’ancien magistrat Gilbert Azibert, devant la justice.
Certains ont même fait allusion à une tentative de mise à mort politique fomentée par François Hollande, son ancien rival à l’élection présidentielle de 2012.
Les enquêteurs avaient mis sur écoute deux lignes téléphoniques enregistrées au nom de Paul Bismuth (un faux nom) et utilisées par Sarkozy et Herzog pour échanger entre eux. Les écoutes ont révélé que dans ces échanges, Sarkozy, à l’époque président en exercice, avait promis à Azibert, par l’intermédiaire de Herzog, un poste à Monaco en échange d’informations sur un dossier en cours concernant l’ancien président, le dossier Bettencourt.
Une affaire dans laquelle Nicolas Sarkozy est accusé d’avoir reçu des financements illégaux pour la campagne présidentielle de 2007 de la part de la milliardaire Liliane Bettencourt. Cette affaire a débouché sur un non-lieu pour Sarkozy, qui avait comparu devant la justice après la fin de son mandat présidentiel, en 2012.
L’affaire des écoutes, elle, s’est poursuivie, et a débouché sur un verdict qui constitue une première sous la Vᵉ République. Le tribunal correctionnel a jugé que les délits imputés à l’ancien président avaient «porté gravement atteinte à la confiance publique», dans la mesure où un chef d’État est supposé «être le garant de l’indépendance de la justice» et non se servir de son statut «pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel». Des délits caractérisés qui expliquent un verdict sévère à l’égard de Sarkozy, qui devient ainsi le premier président français condamné à de la prison ferme.
Ses deux coprévenus, Herzog et Azibert, qui comparaissaient avec lui ont écopé de la même peine. Sans surprise, les trois condamnés ont décidé de faire appel de cette décision. Sarkozy, même s’il n’avait pas fait appel, ne serait pas allé en prison, puisque la loi française prévoit un aménagement des peines de cette durée. La présidente de la 32ᵉ chambre a expliqué que «la partie ferme de la peine sera aménagée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique». Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une condamnation des plus sévères, au regard du délit commis, mais le tribunal a voulu insister sur sa gravité en raison de la fonction qu’occupait l’accusé au moment des faits.
Sarkozy reste toujours à ce jour la personnalité préférée des électeurs de droite, qui voient en lui un éventuel recours pour la présidentielle de 2022.
Les partisans de la famille politique de Sarkozy ont vu dans cette sévérité un acharnement judiciaire contre l’ancien chef de l'État. Certains ont même fait allusion à une tentative de mise à mort politique fomentée par François Hollande, son ancien rival à l’élection présidentielle de 2012. En effet, le Parquet national financier a été créé par Hollande en 2013, dans le but d’enquêter sur les dossiers de fraude fiscale, de corruption et de trafic d’influence.
Le but de ce Parquet selon Hollande – qui avait promis aux Français une République exemplaire – était de montrer aux citoyens que les hommes politiques n’étaient pas au-dessus des lois, justifiant ainsi les peines sévères qui pouvaient leur être infligées. Souvent décrié pour ses méthodes et la sensibilité des dossiers qu’il a à instruire, le Parquet a peut-être voulu, avec l’affaire des écoutes, faire un coup d’éclat pour affirmer son autorité. Il se retrouve aujourd’hui accusé d’ingérence politique en raison des retombées des affaires qu’il est amené à gérer. C’est ce qu’a souligné Christian Jacob, le patron du parti Les Républicains, qui a indiqué que «la sévérité de la peine retenue est absolument disproportionnée et révélatrice de l’acharnement judiciaire visant Nicolas Sarkozy».
Sarkozy reste toujours à ce jour la personnalité préférée des électeurs de droite, qui voient en lui un éventuel recours pour la présidentielle de 2022, mais ses ambitions se trouvent sérieusement entravées par sa condamnation, même si ses proches et son avocate Jacqueline Laffont affirment qu’il sera relaxé en appel. Entre-temps, Sarkozy, impliqué dans une dizaine d’affaires judiciaires devra de nouveau comparaître devant la justice le 17 mars dans l’affaire Bygmalion, qui concerne le dépassement de ses comptes de campagne présidentielle en 2012.
La France, elle, se retrouve encore une fois divisée sur la question du pouvoir des juges et de leur indépendance.