BEYROUTH: Le président libanais a critiqué le premier ministre désigné Saad Hariri pour un discours comprenant des « informations inexactes et incorrectes ».
Les deux dirigeants sont à couteaux tirés depuis plusieurs mois. En effet, ils sont incapables de se mettre d’accord sur la formation d’un gouvernement et chacun rejette la faute sur l’autre pour l’absence de progrès.
Hariri est retourné au poste de premier ministre désigné en octobre, presque un an après sa démission sous la pression des revendications de la rue. Quant au gouvernement libanais, il a démissionné après l’explosion du port de Beyrouth le 4 août et continue d’expédier les affaires courantes.
Dimanche, Hariri a donné un discours télévisé pour commémorer le 16e anniversaire de l’assassinat de son père.
Il a affirmé qu’il n’était pas responsable du blocage politique qui compromettait la capacité du pays à faire face aux nombreux problèmes auxquels il était confronté, notamment la pandémie de coronavirus, une économie en crise et les conséquences de l’explosion du port.
Le premier ministre désigné s’est par ailleurs défendu contre les allégations qui l’accusent d’enfreindre les prérogatives du président quant à la formation d’un cabinet, et de violer les droits des chrétiens, mais a ajouté qu’il « n’a pas permis au président de la République de choisir ses ministres, et particulièrement les ministres chrétiens ».
Un accord non écrit de 1943, le Pacte national libanais, conclu entre le Président Bechara El-Khoury et le premier ministre Riad Al-Solh, a fondé un Liban indépendant en tant qu’État multiconfessionnel.
Il s’agissait d’un accord de partage de pouvoir entre chrétiens et musulmans qui exige que le président soit toujours être un chrétien maronite, le premier ministre un musulman sunnite, et le président du parlement un chiite.
Aoun a répondu à Hariri dans un communiqué.
« Hariri a exploité l’anniversaire du martyre de son père et a inclus dans son discours de nombreuses informations inexactes et incorrectes. Hariri tente d’imposer de nouvelles normes qui sont contraires aux principes, à la constitution et au Pacte national libanais », a indiqué le président.
L’ancien ministre Salim Jreissati a noté que le discours de Hariri était « marqué par une témérité infinie », ajoutant que « Les droits des chrétiens, que Hariri dit défendre, sont garantis dans le Pacte national, dans la constitution et dans l’accord de Taëf, qui stipule la parité, et personne n’a le droit de dire qu’il a accordé une faveur aux chrétiens et garanti leurs droits ».
L’équipe de Hariri a déclaré lundi qu’elle attendrait les contributions des alliés de Aoun pour surmonter les obstacles associés au président pour faciliter la formation d’un nouveau gouvernement.
Selon le bureau politique du mouvement chiite libanais Amal, les progrès dans la formation du gouvernement ont révélé la « stérilité du débat » qui place les intérêts privés avant l’intérêt national suprême.
Le député du Courant du Futur, Mohammed Hajjar, estime que le Courant patriotique libre, qui est dirigé par le gendre de Aoun, Gebran Bassil, et qui est allié au Hezbollah, tentait d’éviter de former le gouvernement pour se focaliser sur d’autres questions.
« Ils ont toujours cherché à transformer le débat politique en débat confessionnel sous prétexte de protéger les droits des chrétiens », explique-t-il à Arab News.
Hajjar a souligné qu’il était nécessaire que tout le monde assume la responsabilité du blocage politique, en particulier le Hezbollah, et que Hariri avait proposé à Aoun une liste de noms qui devait être discutée.
Hariri continuerait à attendre jusqu’à « Dieu sait quand » parce qu’il est convaincu que son insistance sur un gouvernement de spécialistes non partisans était dans l’intérêt du Liban, arrêterait l’effondrement du pays et permettrait au Liban de recevoir les aides dont il a désespérément besoin de la part de la communauté internationale, a ajouté Hajjar.
Des confrontations armées ont eu lieu dans plusieurs régions du Liban alors que les responsables politiques se battaient pour la formation d’un nouveau gouvernement.
L’un de ces affrontements a eu lieu dans la banlieue sud de Beyrouth entre deux familles pro-Hezbollah.
Il a éclaté dans la nuit du dimanche, et des mitrailleuses et des missiles ont été utilisés. Il a repris lundi à l’aube, faisant un mort et plusieurs blessés. L'armée libanaise est intervenue pour mettre fin à ce conflit.
Il y a également eu un échange de tirs après un incident isolé dans la vieille ville de Sidon, blessant une personne, et les forces de sécurité ont travaillé pour le contenir.
Lundi, des manifestants se sont rendus au port de Beyrouth, au tribunal militaire, au Palais de Justice et à la Place des Martyrs afin de demander que les arrestations cessent et que les responsables de l’explosion du port soient tenus pour responsables.