PARIS: « Je n'ai rien à voir avec tout ça »... Le Marocain Hicham El-Hanafi, jugé avec deux autres co-accusés devant la cour d'assises spéciale de Paris pour un projet d'attentat en France en 2016, a nié tout en bloc mardi alors que son parcours dessine le profil d'un organisateur des activités de l'Etat islamique.
« Sur ce que je n'ai pas fait, je ne peux pas avoir d'explications », se défend l'accusé, les cheveux bruns coupés courts et l'allure sportive. Tandis que le président de la cour détaille son parcours qui le rapproche d'un « routard » du djihad, déjà aguerri alors qu'il n'a que 30 ans, Hicham El-Hanafi, dont les propos en arabe passent par un traducteur, ne voit que l'œuvre du « hasard ».
C'est le « hasard » qui a fait qu'on le photographie dans la forêt de Montmorency en région parisienne, le 14 novembre 2016, à 200 m de l'endroit où la Direction générale de la sécurité intérieur (DGSI), à l'occasion d'une opération de cyber infiltration de l'Etat islamique (EI), avait caché des armes. Encore le « hasard » si un bon samaritain, qu'il appelle « Momo », lui a conseillé d'aller à Marseille (sud) pour trouver du boulot et lui a laissé ses coordonnées sur la messagerie Telegram.
Le CV de l'accusé est impressionnant. Originaire de Fès, ce Marocain est un grand voyageur. Après un bref passage en Syrie en 2014, le temps de recevoir un entraînement militaire, selon le parquet national anti-terroriste (PNAT), Hicham El-Hanafi joue le globe-trotter.
On trouve sa trace dans 24 pays, en Europe, en Afrique mais aussi au Brésil où, en juin 2016, il passe quinze jours « de vacances » à Rio, deux mois avant les Jeux olympiques, une cible potentielle de l'EI.
Dans une photo retrouvée sur son téléphone, on le voit poser devant la tour Eiffel l'index levé vers le ciel. « Pourquoi ? » interroge le président. « J'aime prendre cette pose », répond simplement l'accusé. L'index levé vers le ciel est un des signes d'allégeance à l'EI.
Pour voyager, il utilise des faux papiers, ouvre des comptes sous des noms d'emprunt pour bénéficier de prêts bancaires. L'accusé concède avoir commis de multiples escroqueries.
Mais, à l'opposé de l'escroc habituel, ce n'est pas par appât du gain ou goût du luxe qu'il agissait ainsi. Pour l'accusation, l'argent était destiné à financer des cellules dormantes de l'EI en Europe.
« Peur des bêtes sauvages »
Que venait-il faire en France en novembre 2016 ? Benjamin Chambre, l'avocat général, n'a aucun doute : à Montmorency, Hicham El-Hanoufi cherchait les armes cachées par la DGSI. « Je cherchais un endroit où dormir mais j'ai eu peur des bêtes sauvages », explique l'accusé. « Dormir à la belle étoile en novembre ? », feint de s'étonner Chambre.
Bredouille, Hicham El-Hanafi se rend à Trappes, à l'ouest de Paris. « Pour quoi faire ? », s'étonne l'avocat général. « Pour trouver un logement et du boulot », raconte l'accusé. En fait, Hicham El-Hanafi est venu récupérer 4 100 euros auprès de sympathisants de l'EI.
Cet argent devait servir à acheter des armes puisque celles qui étaient cachées à Montmorency n'avaient pas été découvertes, dit l'accusation.
Le lendemain de l'expédition à Trappes, El-Hanafi prend le TGV pour Marseille... sur les conseils de « Momo ».
En fait, affirme l'accusation, ce « Momo » serait en réalité son commanditaire basé en Syrie.
Hasard encore une fois mais du côté de la police cette fois. Un cyberpatrouilleur de la DGSI surnommé « Franck » est justement en contact avec « Momo », un « émir » de l'EI connu sous l'alias « JMAJFTZS ». Ignorant que « Franck » est un policier infiltré, « Momo/JMA... » lui demande de trouver un hébergement à Marseille pour un djihadiste prêt à passer à l'action.
Le cyberpatrouilleur s'empresse de donner le numéro d’un contact à Marseille, en réalité un autre policier infiltré, à charge pour « Momo/JMA... » de le communiquer à l'inconnu en route pour Marseille.
Sauf qu'Hicham El-Hanafi recopie mal le numéro de téléphone communiqué par son commanditaire. Il ne parvient pas à joindre le faux marchand de sommeil et vrai policier et trouve refuge chez un Afghan.
Fin de l'histoire et chou blanc pour la police ? Non car dans la soirée « Momo/JMA... » contacte de nouveau Hicham El-Hanafi. « Éloigne-toi de cet Afghan, recommande l'émir, on ne sait pas à qui on a affaire »... Obéissant, Hicham contacte sans le savoir la police qui n'aura plus qu'à le cueillir.