TUNIS: Les manifestants ménagent le président Kais Saïed et s’en prennent de plus en plus au chef du gouvernement Hichem Mechichi et, surtout, au président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi.
Pour la troisième semaine d’affilée, Tunis a été samedi 6 février le théâtre de manifestations. Mais hier, le déploiement des forces de l’ordre – plusieurs centaines – dans le centre de la capitale, interdit à la circulation automobile, était plus important que d’habitude.
Et ce n’est guère étonnant. Car ce jour-là les manifestants – 1500 d’après le ministère de l’Intérieur – sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère devant la répression policière, revendiquer la libération des centaines de manifestants arrêtés, mais aussi pour commémorer l’assassinat le 6 février 2013 de Chokri Belaïd, figure de la gauche, dont la famille politique impute inlassablement la responsabilité au mouvement Ennahdha.
Une autre manifestation s’est déroulée le même jour à Sfax, devant le siège de l’antenne régionale de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le syndicat historique.
Signe de l’inquiétude et de la nervosité croissante des autorités, alors qu’il avait été déployé une semaine plus tôt au niveau de l’avenue de Paris qui coupe en deux tronçons égaux l’avenue Habib Bourguiba, principale artère de la capitale, le dispositif policier a été remonté d’une centaine de mètres, au niveau de l’ambassade de France et de la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul qui lui fait face. Malgré cela, les manifestants ont pu le contourner et se déployer sur la principale artère de la ville, mais sans pouvoir se rapprocher du ministère de l’Intérieur qui s’y trouve.
Alors qu’ils ménagent le président Kais Saïed, du moins jusqu’ici, les manifestants, tant à Tunis qu’à Sfax, s’en sont pris au chef du gouvernement, Hichem Mechichi, et, surtout, à Rached Ghannouchi. Lequel a été notamment traité d’assassin.
Les forces de l’ordre qui, contrairement aux précédentes manifestations se déroulant dans plusieurs villes du pays depuis le 14 janvier, ont fait preuve de retenue le 30 janvier, ont de nouveau fait usage de force hier. Notamment contre trois avocats, dont Yassine Azzaza qui a été blessé.
Alerté, le bâtonnier de l’Ordre national des avocats tunisiens, Me Brahim Bouderbala, a exigé l’ouverture d’une enquête judiciaire. Il aurait obtenu satisfaction selon la journaliste Jihene Elouati qui affirme que le ministère public a ordonné l’arrestation des deux individus – probablement des policiers en civil qui étaient aussi nombreux hier que ceux en tenue – qui ont agressé l’avocat Yassine Azzaza.
Devenu célèbre depuis que les Tunisiens l’ont vu déambuler le 14 janvier 2011 dans Tunis sous couvre-feu et annoncer que «Ben Ali s’est enfui», l’avocat Abdennaceur Aouini, lui aussi molesté par les policiers, était en tête de la manifestation. Il a appelé les policiers à ne pas tabasser les manifestants «même lorsqu’ils commettent une erreur». Lui faisant écho, une jeune fille leur a demandé d’enlever leur tenue et de se joindre à eux.