Au lendemain de l’explosion, Beyrouth faisait deux bruits : un silence de mort et un bruit d’enfer. On aurait dit qu’elle s’était dédoublée sous le choc. Il y en avait une qui tenait debout, muette, et il y en avait une, à ses pieds, qui faisait un bruit de sirènes et de moteurs de voitures. L’une, en béton, n’avait plus de vitres aux fenêtres, plus de balcons aux balcons, l’autre s’était envolée, comme on le dit de la raison en arabe. Les quelques maisons anciennes rescapées de la guerre et de la reconstruction étaient en loques, la plupart des monuments sans âme étaient intacts. Les rues, les trottoirs étaient jonchés de vitres brisées. D’un quartier à l’autre, les ordures amoncelées brillaient sous cette grêle de verre. Dehors, dedans, les gens balayaient. Ils osaient à peine se regarder. Chacun avait peur de voir ce qu’il vivait sur le visage d’en face. Un ancien combattant m’a raconté, impassible, les yeux secs, le déroulement de l’horreur, son fils sauvé in extremis, les blessés qui arrivaient, n’arrivaient pas jusqu’à l’hôpital. Puis, n’ayant plus rien à ajouter, ce visage sans vie s’est écroulé. Il s’est mis à pleurer, d’un coup, tout ce qu’il avait retenu. Il s’essuyait le visage comme il venait d’essuyer le sol et il continuait à pleurer.
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Le Choc
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Le Choc
- Les quelques maisons anciennes rescapées de la guerre et de la reconstruction étaient en loques
- Dehors, dedans, les gens balayaient. Ils osaient à peine se regarder. Chacun avait peur de voir ce qu’il vivait sur le visage d’en face
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