PARIS/ BERLIN: Angela Merkel et Emmanuel Macron ont défendu vendredi la stratégie européenne controversée sur les vaccins anti-Covid et ont affiché leur unité pour condamner l'attitude de Moscou dans l'affaire de l'opposant Alexeï Navalny.
A l'issue d'un conseil de défense franco-allemand en visioconférence, les deux dirigeants sont venus au secours de la Commission européenne, sous le feu des critiques pour l'insuffisance de doses de vaccin disponibles.
« Je soutiens totalement l'approche européenne que nous avons eue », a déclaré Emmanuel Macron. En s'interrogeant: »Que dirions-nous si la France et l'Allemagne étaient aujourd'hui en compétition sur les vaccins?. »Nous ne sortirons de cette épidémie qu'en Européens », a-t-il insisté.
Angela Merkel a réaffirmé que la décision de commander ensemble des doses était et restait »la bonne ». Même si les capacités de production « n'ont pas été aussi grandes que nous l'imaginions ».
Emmanuel Macron a ainsi reconnu que les Européens n'avaient « pas anticipé » le « succès si rapide sur les vaccins à ARN messager », ceux de Pfizer/BioNTech et de Moderna ayant été les premiers disponibles, dont « une bonne partie de la production se faisait aux États-Unis ». Mais, a-t-il assuré, « on a pu accélérer les choses » et la campagne de vaccination ira »beaucoup mieux » en avril.
Le président français a tenu à « saluer l'engagement d'Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission, qui a négocié les contrats avec les fabricants de vaccins au nom des 27 Etats membres et sécurisé plus de 2,2 milliards de doses - pour 450 millions d'Européens. « La santé n'est pas normalement une compétence communautaire et nous avons donc, en marchant, inventé une politique qui n'existait pas », a-t-il souligné.
« injustifiée »
Sur la Russie, les deux dirigeants ont vivement dénoncé l'expulsion, annoncée par Moscou durant leur réunion, de trois diplomates d'Allemagne, de Pologne et Suède accusés d'avoir participé à une manifestation en faveur de l'opposant incarcéré Alexeï Navalny.
Cette décision est « injustifiée », a dénoncé Angela Merkel, tandis qu'Emmanuel Macron affichait sa solidarité en condamnant »avec la plus grande fermeté » l'expulsion mais aussi l'attitude du pouvoir russe sur l'affaire Navalny »du début à la fin », c'est à dire »de l'empoisonnement (...) à la condamnation » de l'opposant.
Malgré ces critiques, Mme Merkel a toutefois redit son attachement au projet controversé Nord Stream 2, un gazoduc qui reliera la Russie et l'Allemagne, même s'il convient d'éviter toute « dépendance énergétique » à l'égard de Moscou.
« Ce projet est quasiment terminé » et « rien ne saurait être annoncé sans une étroite coordination franco-allemande », a précisé Emmanuel Macron, alors que le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune avait suggéré lundi à Berlin de geler ce projet pour protester contre le sort fait à Alexeï Navalny.
Pour Mme Merkel, « il est nécessaire de parler avec la Russie », une position également défendue par Emmanuel Macron qui y voit une condition à « la paix et la stabilité de l'Europe ».
ENTRETIENS «HARMONIEUX» ENTRE MACRON ET UN FAVORI POUR SUCCÉDER À MERKEL
Markus Söder, le favori des sondages pour succéder à Angela Merkel en Allemagne, a qualifié vendredi de « très harmonieux » un entretien avec le président Emmanuel Macron dont il a dit notamment partager l'avis que l'Europe est trop lente dans ses prises de décision.
« Ce fut un entretien passionnant et aussi très harmonieux avec de grands points d'accord », a assuré le chef du gouvernement bavarois à l'issue de cette discussion « en anglais » d'une durée d'environ trois quarts d'heure.
Lors de cette visioconférence, les deux hommes ont notamment parlé de la situation sanitaire, et plaidé pour un développement accéléré des nouvelles technologies en Europe afin d'atténuer la dépendance vis à vis des Etats-Unis ou de la Chine.
« Nous avons parlé du fait que nous devons prendre des décisions plus rapidement en Europe », a-t-il déclaré, disant être complètement au diapason sur cette question avec M. Macron.
« Nous avons vu récemment avec les vaccinations qu'il y a beaucoup de questions sur l'efficacité européenne. Les débats ne vont pas disparaître », a-t-il prévenu, dans une critique à peine voilée en direction de la cheffe de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
La Commission, qui a négocié les précommandes de vaccins anti-Covid au nom des Vingt-Sept, est visée par un feu nourri de critiques suite aux retards de la campagne de vaccinations.
Les deux hommes avaient déjà discuté brièvement il y a un an en marge de la conférence annuelle sur la sécurité, grand-messe annuelle des questions de défense.
« main dans la main »
Au cours de la réunion, Mme Merkel et M. Macron ont fait le point sur l'accord industriel devant mener en 2026 à la réalisation d'un démonstrateur en vol du Système de combat aérien du futur (SCAF), programme-phare de la coopération de défense entre les deux pays.
Ils comptent le valider « d'ici au printemps », selon le président français, ce qui permettrait de garantir l'avenir de ce projet qui progresse laborieusement et illustre la complexité de la coopération militaire entre les deux pays. Le quotidien allemand Handelsblatt a ainsi estimé vendredi que « le projet d'armement européen le plus important était en crise ».
Mais Berlin et Paris, associés à Madrid, espèrent valider avant les élections allemandes en septembre et la présidentielle en France au printemps 2022 les contrats industriels d'étude (phase 1B) devant mener à un démonstrateur en vol du SCAF, qui doit remplacer à l'horizon 2040 les Rafale français et Eurofighter allemands et espagnols.