Des restaurants bravent l'interdiction d'ouvrir, au risque de perdre le soutien de l'Etat

Le chef français Stéphane Turillon et ses supporters marchent à Cusance, dans l'est de la France, le 1er février 2021, après avoir ouvert son restaurant malgré les restrictions de Covid-19 en tant qu'acte de "désobéissance civile". (AFP)
Le chef français Stéphane Turillon et ses supporters marchent à Cusance, dans l'est de la France, le 1er février 2021, après avoir ouvert son restaurant malgré les restrictions de Covid-19 en tant qu'acte de "désobéissance civile". (AFP)
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Publié le Lundi 01 février 2021

Des restaurants bravent l'interdiction d'ouvrir, au risque de perdre le soutien de l'Etat

  • Stéphane Turillon, chef et propriétaire du restaurant «La Source Bleue» à Cusance près de Besançon, avait annoncé début janvier rouvrir le 1er février pour défendre son «droit à travailler», engageant ses collègues à l'imiter
  • «On veut engager un dialogue avec l'Etat, c'est pas en fermant tout qu'on va combattre cette pandémie», a-t-il déclaré lundi à l'AFP en accueillant, hors de son restaurant, une centaine de clients masqués

PARIS : Quelques restaurants ont ouvert lundi à l'appel d'un restaurateur du Doubs en dépit des interdictions sanitaires. Des «cas isolés», estime le gouvernement, rappelant que les établissements se verront retirer le soutien de l'Etat.

Stéphane Turillon, chef et propriétaire du restaurant «La Source Bleue» à Cusance près de Besançon, avait annoncé début janvier rouvrir le 1er février pour défendre son «droit à travailler», engageant ses collègues à l'imiter.

«On veut engager un dialogue avec l'Etat, c'est pas en fermant tout qu'on va combattre cette pandémie», a-t-il déclaré lundi à l'AFP en accueillant, hors de son restaurant, une centaine de clients masqués sous des tentes installées à proximité de son établissement. Des gendarmes s'entretenaient avec lui.

La réouverture des restaurants, fermés depuis trois mois sauf pour la vente à emporter et le click and collect, n'est pas envisagée par le gouvernement avant la mi-février au plus tôt. Les organisations patronales se sont dissociées de cette initiative, mais certains professionnels lui ont emboîté le pas.

A Ligescourt, petit village de la Somme, Kathia Boucher va servir un plat unique, tartiflette-salade, de 11h à 17h, dans son bar-brasserie La Bohême aux tables espacées de deux mètres, à des clients assis «en quinconce». 

Prête à tout pour sauver l'entreprise lancée grâce à la vente de sa maison, elle ne craint pas de perdre l'aide de l'Etat car elle «ne touche rien» faute d'«entrer dans les cases». «Toutes les ventes d'aujourd'hui vont m'aider avec les charges fixes», affirme la restauratrice, forcée ces derniers mois de faire du contrôle de pièces automobiles en usine et des ménages pour subsister.

«Mort assurée»

Nathalie Vicens, propriétaire-gérante de L'Ailleurs Café, un petit restaurant de cuisine du monde proche du commissariat dans le centre d'Ajaccio, fait une «ouverture symbolique» pour une demi-douzaine d'amis, qui ne paieront pas leur déjeuner indien.

Elle espère «faire réfléchir un petit peu nos pouvoirs publics pour trouver une autre solution que la fermeture complète et totale des salles». «J'appelle ça de la désobéissance civile: il y a des moments où il en faut et il n'y en a pas assez», estime une convive, souhaitant rester anonyme.

«Ouvrez, faites de la vente à emporter, mais ne vous mettez pas en infraction: oui nos clients nous manquent, mais il ne faut pas appeler à l'insurrection parce que c'est la mort assurée», indique pour sa part à l'AFP Stéphane Manigold, porte-parole du collectif Restons ouverts, qui veut «dissuader d'ouvrir» des professionnels qui risquent des amendes, la perte des aides de l'Etat et une fermeture administrative.

«Ceux qui ne respectent pas les règles n'auront plus le soutien de l'Etat», a d'ailleurs averti lundi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur RTL. Ils verront leur accès au fonds de solidarité «suspendu pendant un mois», et définitivement en cas de récidive.

Jugeant ces menaces «ridicules», Yannick Moulin, 41 ans, patron du restaurant lyonnais Le François Villon, a ouvert -très discrètement, en sous-sol- par «solidarité» envers «des amis, des habitués». «J'ai des crédits à payer, un loyer de 5 000 euros par mois: les 10 000 euros du fonds de solidarité, ça ne suffit pas.»

Avant de régler la note, son client Bernard Ouziel, 57 ans, pousse un «ça fait du bien !». «C'est un acte de désobéissance total» pour ce propriétaire d'un commerce dit «non-essentiel», venu avec un patron de restaurant-discothèque lui aussi très remonté depuis la fermeture administrative de son établissement.

Mais d'autres reculent: «Puisque les sanctions sont lourdes nous appliquerons le plan B», a annoncé le restaurant O’Marignano à Marignane (Bouches-du-Rhône), sur sa page Facebook. «Amenez une chaise et mangez ensemble par petits groupes sur la place de la mairie aux pieds de la fontaine, juste en face de nous!»

«Malheureusement, je ne vais pas ouvrir à l'intérieur car j'ai des responsabilités par rapport à ma famille, à ma banque», s'est aussi justifié Philippe Vieira, gérant de l’Espace Zola 229 à Villeurbanne. 

A Paris, José Preto, 55 ans, patron du bistrot le Tir-Bouchon, a dressé symboliquement deux couverts sur une table en terrasse: «pas question d'être hors la loi», mais «si la situation traîne, rien -sauf hécatombe de morts- ne pourra nous empêcher d'ouvrir».

A Wirwignes (Pas-de-Calais), Claude Quétu, propriétaire du Red Bus, voulait «montrer qu'on est encore vivant et qu'on a le droit de travailler». Mais lui aussi a renoncé et regrette un manque «d'union» entre professionnels.

 


Jordan Bardella, le nouvel atout de l'extrême droite française

M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire  (Photo, AFP).
M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire (Photo, AFP).
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  • Adhérent au parti d'extrême droite depuis ses 17 ans, il en a gravi les échelons jusqu'à en prendre la tête en 2021
  • M. Bardella, qui s'enorgueillit d'avoir dépassé le million d'abonnés sur TikTok, est accusé de soigner son image médiatique plus que sa connaissance des dossiers

Il est le nouvel atout du Rassemblement national, celui qui espère faire du parti d'extrême droite la première formation de France aux prochaines européennes. Jordan Bardella, 28 ans, séduit de plus en plus d'électeurs, en dépit de critiques récurrentes sur son manque de fond et sa "duplicité".

Formules ciselées pour cogner et sourire à toute épreuve pour les selfies: la tête de liste du RN donne un coup de jeune au parti historique de l'extrême droite française fondé au début des années 1970 par Jean-Marie Le Pen, 95 ans.

La stratégie de dédiabolisation entamée il y a une dizaine d'années par sa fille Marine Le Pen, qui a lissé l'image du parti et rompu avec les déclarations antisémites et racistes de son fondateur, trouve son aboutissement avec Bardella. Il s'est imposé en moins de cinq ans dans un paysage politique en plein renouvellement.

Crédité de 32% des intentions de vote à moins de cinq semaines du scrutin, loin devant la liste de la majorité présidentielle d'Emmanuel Macron à 17%, le jeune homme au physique de gendre idéal "séduit dans toutes les catégories", résume le sondeur Frédéric Dabi dans La Croix.

"Le Rassemblement national devient un parti attrape-tout, présent dans toutes les catégories et géographies", abonde Gilles Finchelstein, de la fondation Jean Jaurès, pour qui "le RN sans le moindre doute finira en tête, comme en 2014 et 2019."

M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire, pour apparaître proche des préoccupations des Français: pouvoir d'achat, immigration, insécurité...

Adhérent au parti d'extrême droite depuis ses 17 ans, il en a gravi les échelons jusqu'à en prendre la tête en 2021, tandis que Marine Le Pen, arrivée deux fois au deuxième tour de l'élection présidentielle derrière Emmanuel Macron, prépare l'échéance de 2027.

Il a été son porte-parole lors de la dernière campagne de 2022. Il a également conduit la liste RN aux dernières européennes de 2019, arrivée en tête juste devant celle de la majorité présidentielle.

Le scrutin européen du 9 juin pourrait parachever cette ascension à une double condition: "arriver en tête et avec un score supérieur à celui de 2019", résume l'un de ses proches.

M. Bardella, à qui Marine Le Pen a promis le poste de Premier ministre si elle est élue en 2027, a fait monter les enchères en indiquant qu'il demanderait une dissolution de l'Assemblée nationale si son parti arrive en tête, posant ainsi les enjeux en termes français plus qu'européens.

Esquive 

La tête de liste de l'extrême droite a d'ailleurs davantage fait campagne sur des thèmes nationaux, alimentant ainsi les critiques de ses opposants sur sa méconnaissance et son désintérêt pour l'Europe.

M. Bardella, qui s'enorgueillit d'avoir dépassé le million d'abonnés sur TikTok, est accusé de soigner son image médiatique plus que sa connaissance des dossiers, et est critiqué pour son "absentéisme" au Parlement européen. L'eurodéputée de la gauche radicale Manon Aubry le qualifie de "député fantôme".

Il n'est "pas très à l'aise" sur les dossiers européens, dit une ministre macroniste, "il se tait et se cache", abonde une autre.

Lors d'un meeting à Perpignan le 1er mai, il a prononcé un plaidoyer fourre-tout pour une "Europe des nations", "des réalités", "des gens", "du concret", "des identités", "des frontières", "du juste échange, du patriotisme économique, de la priorité nationale, de la préférence européenne".

Mais lors d'une conférence le 25 avril pour présenter son programme, organisée après le discours sur l'Europe du président Macron, il a esquivé les questions des journalistes.

Jeudi soir, le candidat d'extrême droite a tenu un premier débat télévisé avec la tête de liste macroniste, Valérie Hayer, qui a accusé le RN de "duplicité" sur l'Europe et d'être la "courroie de transmission" de la Russie.

M. Bardella a répliqué coup pour coup et éludé les critiques sur certains membres de sa liste comme Thierry Mariani, connu pour ses positions pro-Kremlin.

Un autre débat avec le Premier ministre Gabriel Attal pourrait avoir lieu prochainement.


Affaire Ghosn: Rachida Dati demande mardi à la justice l'abandon des poursuites

La ministre française de la Culture, Rachida Dati (Photo, AFP).
La ministre française de la Culture, Rachida Dati (Photo, AFP).
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  • La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est saisie de deux requêtes de Mme Dati, a indiqué une source judiciaire
  • L'une pour constater la prescription des faits reprochés, la seconde pour accorder à Rachida Dati le statut plus favorable de témoin assisté

PARIS: La ministre de la Culture Rachida Dati demande une nouvelle fois mardi à la cour d'appel de Paris d'abandonner les poursuites qui la visent depuis 2021 dans l'affaire sur les contrats noués avec une filiale de Renault-Nissan, quand Carlos Ghosn en était le PDG.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est saisie de deux requêtes de Mme Dati, a indiqué une source judiciaire.

L'une pour constater la prescription des faits reprochés, la seconde pour accorder à Rachida Dati le statut plus favorable de témoin assisté, selon cette source.

Les avocats de la ministre, Mes Olivier Baratelli et Olivier Pardi, ont précisé à l'AFP que seule la prescription des faits serait examinée.

"Tout est prescrit, archi prescrit, depuis des années", estiment-ils.

Les deux conseils font valoir "la découverte d'éléments nouveaux, fondamentaux attestant que plus d'une quarantaine de dirigeants de Renault, de Nissan et de l'alliance Renault-Nissan (incarnée par la filiale néerlandaise RNBV, NDLR), étaient clairement informés de la mission d'avocat de Rachida Dati, de sa réalité, de ses prestations et du montant des honoraires".

Jamais sollicités

Le délai de prescription - trois ans à l'époque - débuterait donc au moment de la signature de la convention entre RNBV et Mme Dati en 2009 et non en 2019 avec la plainte d'une actionnaire de Renault.

"Par ailleurs, les responsables du Parlement européen affirment, de manière concordante, n'avoir jamais été sollicités pour une quelconque intervention au profit de l'alliance et encore moins de Renault", ajoutent Mes Pardo et Baratelli.

Les avocats avaient déjà saisi la chambre de l'instruction pour faire constater en vain la prescription des faits.

L'ancienne garde des Sceaux et ancienne maire LR du VIIe arrondissement de Paris est mise en examen depuis juillet 2021 pour "corruption et trafic d'influence passif par personne investie d'un mandat électif public".

Les soupçons portent sur les 900.000 euros que lui a versés entre 2010 et 2012 RNBV, alors qu'elle était avocate et députée européenne (2009-2019).

Les investigations ont cherché à déterminer si la convention d'honoraires aurait pu servir à masquer une activité de lobbying au Parlement européen interdite à tout élu.

Carlos Ghosn, lui, fait l'objet d'un mandat d'arrêt international dans cette affaire depuis avril 2023: l'ancien grand patron ne s'était pas présenté à une convocation en vue d'une éventuelle mise en examen pour corruption en mai 2022.

Mme Dati comme M. Ghosn contestent toute irrégularité.

Les investigations, débutées en juillet 2019, sont terminées depuis septembre 2023.

Le parquet national financier (PNF) doit prochainement prendre ses réquisitions, puis la juge d'instruction ordonnera ou non un procès devant le tribunal correctionnel de Paris.


Le gouvernement confie un rapport à deux hauts fonctionnaires sur les Frères musulmans

Le Premier ministre français Gabriel Attal, la ministre déléguée à l'Enfance, à la Jeunesse et à la Famille Sarah El Hairy et la ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse Nicole Belloubet écoutent le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) Olivier Klein (à gauche) prononcer un discours lors de la cérémonie de remise du prix Ilan Halimi pour la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, à l'hôtel Matignon à Paris, le 14 février 2024. (Photo Yoan Valat Pool AFP)
Le Premier ministre français Gabriel Attal, la ministre déléguée à l'Enfance, à la Jeunesse et à la Famille Sarah El Hairy et la ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse Nicole Belloubet écoutent le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) Olivier Klein (à gauche) prononcer un discours lors de la cérémonie de remise du prix Ilan Halimi pour la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, à l'hôtel Matignon à Paris, le 14 février 2024. (Photo Yoan Valat Pool AFP)
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  • Cette mission menée par le diplomate François Gouyette, qui a été en poste dans de nombreux pays arabes, et le préfet Pascal Courtade doit dresser un «état des lieux de l'influence de l'islam politique en France»
  • Ces travaux sont présentés comme étant dans la droite ligne du discours des Mureaux (Yvelines) sur le séparatisme prononcé par Emmanuel Macron en 2020

PARIS : Le gouvernement a décidé de confier une mission à deux hauts fonctionnaires sur «l'islamisme politique et la mouvance des Frères musulmans» chargée de rendre un rapport à l'automne, selon un communiqué du ministère de l'Intérieur.

Cette mission menée par le diplomate François Gouyette, qui a été en poste dans de nombreux pays arabes, et le préfet Pascal Courtade doit dresser un «état des lieux de l'influence de l'islam politique en France».

Ces travaux sont présentés comme étant dans la droite ligne du discours des Mureaux (Yvelines) sur le séparatisme prononcé par Emmanuel Macron en 2020 et qui a débouché sur la loi sur les principes et valeurs de la République de 2021.

«Le séparatisme islamiste est un projet politico-religieux théorisé, caractérisé par des écarts répétés avec les principes de la République visant à construire une contre-société», est-il écrit dans le communiqué diffusé dimanche soir.

«La mouvance des Frères musulmans tient un rôle majeur dans la diffusion d'un tel système de pensée», complète le communiqué.