PARIS: Masques et télétravail ont porté un rude coup au secteur de la beauté et surtout aux commerçants spécialisés, contraints pour certains de réduire la voilure comme le propriétaire de Nocibé, Douglas, malgré le développement de la vente et du conseil en ligne.
« La Covid a accéléré la digitalisation, comme partout, mais c'est un choc » : la fermeture prévue de 62 magasins Nocibé en France, 12% du Parc, la secrétaire (CFTC) du comité social et économique Véronique Moreau ne l'avait pas « vu venir ».
Le groupe allemand de parfumerie Douglas, propriétaire de l'enseigne, prévoit de fermer 20% de son parc en Europe, menaçant au total 2 500 postes, dont « environ 350 » en France.
Il invoque le « changement des habitudes de consommation » de ses clients en faveur des achats en ligne et au détriment des ventes physiques, largement accéléré par l'épidémie de Covid-19.
« Moins de superflu »
« Plus de naturel, moins de superflu, les vêtements, le look et le maquillage sont devenus moins essentiels » aux yeux des consommateurs français, relève également le cabinet Kantar. Contrairement à l'aménagement d'intérieur ou au sport, pour ne citer que des achats non alimentaires.
La généralisation du masque n'encourage pas à arborer son plus beau rouge à lèvres ou à soigner son rasage.
Aussi, le télétravail « a réduit les interactions sociales », observe le cabinet d'études NPD Group dans un rapport publié lundi.
Selon lui, le maquillage a perdu 35% de ses ventes en 2020 en France par rapport à l'année précédente. D'autres catégories se sont montrées plus résilientes, comme le parfum qui « demeure un cadeau de Noël apprécié » et a baissé de « seulement » 15%. Ou les soins de visage, comme « les produits contre l'acné et les imperfections » qui, dopés eux par la généralisation du masque, ont gagné 32% en valeur.
« Il va y avoir nécessité de repenser ce marché à l'aune d'une nouvelle réalité », observe Laurent Thoumine, directeur exécutif d'Accenture France et Benelux, et spécialiste de la distribution. Il se demande notamment « comment rendre l'acte d'essai, qui nécessite beaucoup de contacts, suffisamment sécurisé » du point de vue sanitaire.
La réponse passe beaucoup par le développement de « la virtualisation de l'assistance et du conseil », estime-t-il, et par la commande en ligne. La pratique a déjà connu une accélération fulgurante en 2020 : la part de ventes de beauté prestige en ligne a bondit de 52% pour peser désormais 16% des ventes totales, selon le NPD Group.
D'autres fermetures à venir ?
C'est même beaucoup plus pour L'Oréal, pour qui l'e-commerce a été en 2020 une « arme secrète », expliquait son PDG Jean-Paul Agon en octobre. « Nous étions très en avance sur nos concurrents, et cela représente presque un quart de notre chiffre d'affaires désormais. »
Pour les distributeurs toutefois, c'est très insuffisant : les ventes en lignes n'ont compensé « que 18% des pertes totales des magasins physiques », toujours selon NPD Group.
Lors de la présentation de ses résultats annuels mardi, le géant du luxe LVMH a précisé que sa division Distribution sélective (Sephora, DFS), deuxième pôle d'activité du groupe, a perdu 30% de ses ventes, sans détailler par enseignes.
Et les commerçants spécialisés dans la beauté/santé recensés dans le panel de la fédération du commerce spécialisé Procos ont vu leurs ventes chuter de 18% en 2020, autant que ceux de l'équipement de la personne. A titre de comparaison, les spécialistes du sport n'ont perdu en 2020 « que » 3% de leurs ventes annuelles, et les spécialistes de l'équipement de la maison, 3,5%.
Les incertitudes sanitaires persistantes en 2021 et la baisse généralisée de la fréquentation en magasins --même partiellement compensée par des paniers plus chers-- font craindre à Laurent Thoumine « une reconfiguration, avec des fermetures de points de vente importantes dans les mois à venir ».
Selon la Fédération Française de la Parfumerie Sélective, qui représente les principaux acteurs de la distribution de parfums et produits de beauté, ce secteur d'activité compte près de 18 000 salariés, dont une écrasante majorité de femmes (94%), pour un chiffre d'affaires « de plus de 3 milliards d'euros » en France.