Le président de l'Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a annoncé la semaine dernière la tenue d'élections le 22 mai pour le Conseil législatif palestinien (CLP). Elles seront suivies d'un scrutin présidentiel le 31 juillet. Après la mort de Yasser Arafat, en 2004, M. Abbas a été désigné président de l'Organisation de libération de la Palestine avant d'être élu président de l'Autorité palestinienne en 2005. Toutefois, Abbas était loin d'être Arafat. Il a rapidement dû faire face à la menace politique d'un Hamas musclé dans la bande de Gaza. C'est l'effondrement du processus de paix et la montée des groupes de droite opposés à la paix en Israël, dirigés par Ariel Sharon et Benjamin Netanyahou, qui ont favorisé la poussée du Hamas.
Le Fatah, le parti d'Abbas, a été battu lors des élections du CLP en 2006, alors que le Hamas a remporté 74 des 132 sièges législatifs, contre 45 pour le Fatah. Quinze ans plus tard, Abbas espère que les nouvelles élections renforceront la position des Palestiniens au moment où Joe Biden – qui était vice-président sous l'administration de Barack Obama – prend sa place à la Maison Blanche.
Il est impossible de reprocher aux Palestiniens d'être cyniques ou de percevoir ces élections comme un nouvel exercice inutile. On leur avait promis la paix quand ils ont reconnu le «droit d’Israël à exister» en 1993. Pourtant, ils n'ont vécu qu'une oppression brutale de la part d'un État de plus en plus intransigeant et rigide. Cependant, ces élections pourraient transmettre un message ferme à Biden: lui montrer que les Palestiniens sont engagés en faveur de la paix et lui permettre de faire pression sur Israël, ce que Donald Trump a refusé de faire. En effet, Jared Kushner, le gendre de Trump, a placé les Palestiniens à l'écart: il a promis, de façon floue, d'instaurer la paix, et il a dressé une carte divisant l'État palestinien en plusieurs bantoustans, avec peu voire aucune concession réelle de la part d'Israël.
Le seul véritable espoir de soutien pour la Palestine provient de l'Arabie saoudite, qui a subordonné tout accord avec Israël à la condition que Tel-Aviv fasse la paix avec les Palestiniens. Le soutien du Royaume à la Palestine a permis de conserver en vie Abbas, l'AP et les espoirs de paix, ainsi que de neutraliser le Hamas, au moins jusqu’à maintenant.
Les élections ne doivent pas être perçues par les Palestiniens comme une solution définitive à leurs problèmes. Elles doivent plutôt leur donner la possibilité de se regrouper, d'ouvrir une nouvelle porte et de mieux affronter les politiques israéliennes hostiles à la paix. Il reste à savoir si les factions palestiniennes opposées sont capables de s'unifier. Le seul moyen d'y parvenir est de passer par des élections.
Mais que feront donc les électeurs palestiniens? Se pencheront-ils sur une négociation de paix telle que celle qui a été représentée par l'Autorité palestinienne, ou appuieront-ils le rejet que continue à manifester le Hamas? Ces deux stratégies ont été vouées à l'échec, notamment en raison de la division au sein de la population palestinienne. Soumis à la violence et à l'agression incessantes d'Israël, les Palestiniens ont eu du mal à entrevoir une paix véritable avec Israël. Leur seule alternative est de revenir à une paix négociée et d'espérer, éventuellement, que M. Biden, qui a manifesté un intérêt particulier pour les Américains arabes et musulmans, fera ce dont ses prédécesseurs se sont abstenus: faire pression sur Israël pour qu'il concède des terrains aux Palestiniens, condition indispensable à la conclusion d'un accord de paix viable.
Cependant, même si M. Biden se montre courtois envers les Arabes et les musulmans américains et même s’il promet de lever le décret de Trump connu sous le nom de «muslim ban», il porte pourtant sur ses épaules le fardeau qu'Obama lui a légué: en dépit de son «discours positif», Obama n’a pas apporté la moindre contribution significative, que ce soit en faveur des Palestiniens, de la paix ou même du monde arabe. Les huit années de son mandat ont été marquées par trois guerres israéliennes contre Gaza.
La solution est très simple pour les Palestiniens: souhaitent-ils accepter leur sort et vivre sous un apartheid israélien, être réprimés par la violence militaire? En votant pour le Hamas, tel serait leur sort… Ou bien veulent-ils saisir une autre chance et voter pour le parti d'Abbas?
La paix n'est pas chose sûre. Il est pourtant évident que les Palestiniens ont peut-être une opportunité avec Biden, qui se disait auparavant sioniste et qui a été un fervent partisan d'Israël. Par le passé, on prétendait que seul un Premier ministre israélien très dur, comme l'ancien Premier ministre terroriste Menahem Begin, parviendrait à faire la paix avec l'Égypte en 1979.
Les Palestiniens se pencheront-ils sur une négociation de paix telle que celle qui a été représentée par l'Autorité palestinienne, ou appuieront-ils le rejet que continue à manifester le Hamas?
Ray Hanania
Ainsi, les élections offriront tout au moins aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie la possibilité de faire ce choix.
M. Abbas demande en outre de permettre aux Palestiniens de Jérusalem-Est d'exercer leur droit de vote. C'est là que les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan, pays qui ont signé les accords de normalisation avec Israël, peuvent désormais réclamer un quid pro quo [«une chose contre une autre»]. Même si Jérusalem a été intégralement rattachée à Israël, les autorités considèrent les Palestiniens qui y résident comme des étrangers qui ne possèdent aucun droit.
À mon avis, les Palestiniens de la diaspora devraient eux aussi pouvoir voter. On pense que ces derniers, qui sont encore plus indignés par la violence continue d'Israël, soutiendraient le Hamas. Je ne partage pas cet avis. Aussi fortes que puissent paraître les voix des militants palestiniens extrémistes, la majorité des Palestiniens de la diaspora ont gardé le silence. Ils préfèrent ne rien dire pour éviter l'intimidation que subit tout Palestinien qui défend ouvertement les négociations contre la violence, les lois discriminatoires et l'expansion continue des colonies illégales et racistes par Israël. Je crois que la majorité des Palestiniens de la diaspora, s'ils avaient la possibilité de voter, opteraient pour la paix plutôt que pour la poursuite du conflit, accordant ainsi à Abbas un mandat sans équivoque.
Il reste à savoir si le Hamas se conformera ou non aux résultats des élections au cas où Abbas parviendrait à remporter la victoire. Dans ce cas, le Hamas continuera-t-il à agir comme un second gouvernement indépendant de Gaza, à diviser les Palestiniens, à affaiblir leur voix et à les rendre, une fois de plus, plus faciles à ignorer?
Ray Hanania est un éditorialiste et ancien journaliste politique primé auprès de l’hôtel de ville de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l'adresse www.Hanania.com. Twitter :@RayHanania
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com