TUNIS: Président de la république, chef du gouvernement et ministre de la Défense se sont enfin prononcés sur les événements en cours dans le pays depuis le 17 janvier. Mais ils ne sont pas sur la même longueur d’onde.
«Pourquoi le policier est-il seul face aux protestations de nuit? Où est le gouverneur, où est le délégué, où est le représentant du peuple et où est celui du ministère public? La responsabilité n’incombe pas seulement aux agents de l’ordre». Ce cri de colère, lancé par le Syndicat national des forces de sécurité intérieure, un des plus anciens et plus importants syndicat de policiers, a contraint la classe politique, notamment dirigeante, et la société civile à sortir de leur silence face aux émeutes de nuit qui ont éclaté le week-end dernier dans différentes villes du pays.
«Pourquoi le policier est-il seul face aux protestations de nuit? Où est le gouverneur, où est le délégué, où est le représentant du peuple et où est celui du ministère public? La responsabilité n’incombe pas seulement aux agents de l’ordre»
Le premier des trois dirigeants du pays à réagir est Kaïs Saïed. Le président s’est en effet rendu le 18 janvier en fin de matinée à Mhila, une proche banlieue de Tunis où il habitait avant d’être élu, pour y rencontrer les habitants. Évitant de condamner les violences commises par les émeutiers, il a appelé à «ne laisser personne faire commerce de la misère et de la pauvreté» et à «ne s’en prendre à personne, ni dans son honneur, ni dans son argent ou ses propriétés».
Allocution télévisée
Hichem Mechichi, chef du gouvernement – et aussi ministre de l’Intérieur depuis le limogeage du titulaire du poste, Taoufik Charfeddine, le 5 janvier – a attendu plus de quarante-huit heures avant de prendre position. Dans une allocution télévisée, il a, le 19 janvier en début de soirée, déclaré que le gouvernement «comprend la colère et la démoralisation des jeunes manifestants dans les différentes régions», «gère les manifestations pacifiques avec professionnalisme et une doctrine républicaine» et «“doit appliquer la loi” à ceux qui se rendent coupables d’agressions et de pillages de magasins».
La surprise est venue de Brahim Bartagi, ministre de la Défense. Lors d’un débat avec les députés sur la situation dans le pays, il a pris la défense des forces de police en critiquant lui aussi l’absence de soutien de la société civile, des politiques et des députés.
Jusqu’à jeudi, Rached Ghannouchi, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), n’a pas réagi aux événements. Son parti, le mouvement Ennahdha, l’a fait à sa place mardi en fin de matinée. Dans un communiqué, il a «dénoncé vigoureusement les agressions contre les biens privés et publics, les pillages et le sabotage d’institutions administratives» et appelé les manifestants à ne pas se laisser manipuler par «certaines parties qui veulent détruire le pays».
La surprise est venue de Brahim Bartagi, ministre de la Défense. Lors d’un débat avec les députés sur la situation dans le pays, il a pris la défense des forces de police en critiquant lui aussi l’absence de soutien de la société civile, des politiques et des députés et leur «absence sur le terrain pour jouer leur rôle dans le retour au calme». Tout en affirmant qu’il «n’est pas possible de qualifier les jeunes manifestants de criminels ou de voleurs», il a estimé qu’on «ne peut pas justifier leurs actes».