Joe Biden a prêté serment. Les tourmentes de l’élection présidentielle, qui ont culminé en un horrible attentat contre le Capitole, sont désormais chose du passé.
L’entrée du 46e président des États-Unis à la Maison Blanche marque le début d'une nouvelle ère pour les Américains, comme pour le monde, et le pays peut enfin tourner la page des querelles qui assombrissent le discours politique depuis des mois.
Le Moyen-Orient est traditionnellement tributaire du résultat des élections américaines, et en tant qu’alliés de Washington, nous avons certainement hâte de collaborer avec la nouvelle administration et nous attaquer aux enjeux qui accablent la région. Il faut cependant faire preuve de réalisme. Le président Biden a une liste considérable de défis internes qui réclament son attention immédiate, une liste bien plus longue que celle de ses prédécesseurs. Le coronavirus a infecté près de 25 millions d'Américains, et a fauché plus de 400 000, et à l'économie qui perd son souffle s’ajoutent un taux de chômage effarant ainsi qu’une division politique et sociale inégalée.
Mais Joe Biden, ce fils chevronné de l’establishment, fort d’une longue expérience administrative, n’a nul besoin qu’on le lui rappelle : si l’Amérique ne se rend pas au Moyen-Orient, c’est le Moyen-Orient qui viendra en Amérique, pour citer le chroniqueur du Washington Post, aujourd’hui retraité, Jim Hoagland.
Les nouvelles administrations américaines, républicaines et démocrates font toujours couler beaucoup d’encre. Acclamé tel un rédempteur à son arrivé, Barack Obama a fini par être emporté par une vague d'impopularité vers la fin de son mandat en raison de sa politique peu éclairée au Moyen-Orient.
Dans notre enquête Arab News/YouGov, qui a sondé le monde arabe au sujet de leurs attentes prioritaires vis-à-vis de Biden, 53% des personnes interrogées estiment qu'Obama a aggravé la situation dans la région, et 58% voudraient voir le nouveau président se dissocier de plus d’une politique du dernier chef d’État démocrate en date.
De telles politiques de l’administration Obama ont non seulement nui à la région mais elles lui sont également revenues en pleine face. En effet, malgré la politique d'apaisement avec l'Iran suivie par l'équipe Obama, les milices houthies soutenues par Téhéran au Yémen (dont le slogan officiel est «Mort à l'Amérique») ont fini par attaquer la marine américaine à trois reprises à la fin de 2016. Les conseillers de Biden, qui pourraient avoir des opinions moins éclairées avant de prendre leurs fonctions, seraient bien avisés de se souvenir de ces faits avant d'envisager d'annuler la décision de Trump désignant les Houthis comme un groupe terroriste.
Quant au rôle des États-Unis au Moyen-Orient, la rue arabe, pleine de sagesse, compte sur les actions plutôt que les beaux discours. Espérons donc une nouvelle ère de cohésion qui nous place sur la voie de la paix et la prospérité dans la région.
Faisal J. Abbas
Trump a pris le chemin inverse. Ses déclarations controversées au sujet de la région lui ont valu un accueil réservé. Il a cependant effectué un sans-faute dans la majorité des situations, particulièrement dans sa relation avec l'Iran… à une exception près, celle de l'ambassade des États-Unis en Israël déplacée à Jérusalem. Cette décision n’a favorablement résonné que chez 11% des répondants, une infime proportion.
Un bon nombre de particularités révélées par l’enquête pourraient être utiles à la nouvelle administration, si elle fait le choix de comprendre les opinions qui circulent dans les rues du monde arabe. Un choix potentiellement judicieux, à en croire les soi-disant experts du Moyen-Orient aux États-Unis, qui répètent depuis près de dix-huit mois que le nouvel occupant du Bureau ovale devrait écouter ses alliés proches, et ce qui se dit dans les salons de la région. C'est notamment la raison pour laquelle les résultats de notre étude YouGov ont été compilés et publiés dans leur intégralité par l’Unité de recherche et d'études à Arab News, et peuvent être téléchargés gratuitement à partir de notre site Web.
En attendant ce déclic décisionnel, l'administration Biden montre des débuts prometteurs. Antony Blinken, pressenti pour le poste de secrétaire d’État, a déclaré qu’il consulterait les États du Golfe et Israël avant de réintégrer l’accord avec l’Iran. «Nous accordons une importance capitale aux modalités de décollage plutôt qu’aux logistiques d’atterrissage, avec nos alliés et nos partenaires dans la région, pour inclure Israël, et pour inclure les pays du Golfe» a-t-il déclaré. Ces propos suggèrent qu’un éventuel accord pourrait très bien aborder les « activités perturbatrices » de l'Iran dans la région, tout comme ses missiles.
L’un des premiers actes de l’administration Biden a été d’annuler la décision qui interdit aux citoyens de certains pays à majorité musulmane d’entrer aux États-Unis. De nombreux habitants du Moyen-Orient, cités dans notre enquête, affirment qu'il s'agit d'une priorité absolue pour eux (75%), suivie par l’autonomisation des jeunes de la région (44%), la résolution du conflit israélo-arabe (44%), endiguer la Covid-19 ( 37%), écraser le terrorisme islamiste (24%) et maîtriser l'Iran (24%).
Quant au rôle des États-Unis au Moyen-Orient, la rue arabe, pleine de sagesse, compte sur les actions plutôt que les beaux discours. Espérons donc une nouvelle ère de cohésion qui nous place sur la voie de la paix et la prospérité dans la région.
En attendant, nous souhaitons la bienvenue au président Biden.
Faisal J. Abbas est rédacteur en chef d'Arab News
Twitter: @FaisalJAbbas
NDLR : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com