Musique/Covid-19: scène émergente et combattante

«La nouvelle génération, elle a tellement d'armes pour faire de la musique, il faut juste trouver la bonne idée, confinement ou pas confinement», analyse pour l'AFP Hatik, rappeur salué sur disque avec «Chaise pliante» et sur écran dans la série «Validé». (AFP)
«La nouvelle génération, elle a tellement d'armes pour faire de la musique, il faut juste trouver la bonne idée, confinement ou pas confinement», analyse pour l'AFP Hatik, rappeur salué sur disque avec «Chaise pliante» et sur écran dans la série «Validé». (AFP)
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Publié le Mardi 12 janvier 2021

Musique/Covid-19: scène émergente et combattante

  • «Quand le confinement arrive, le premier ou le deuxième, je le vis très mal, mais ça ne dure qu'un quart d'heure, après c'est ok, faut qu'on fasse un live filmé, si on peut le faire à l'Olympia (sans public), on le fait»,
  • Le jeune chanteur aux cheveux ras et à l'enthousiasme XXL est nominé aux Victoires de la musique, le 12 février, dans la catégorie révélation masculine (aux côtés d'Hatik et Noé Preszow; Clou, Lous and the Yakuza et Yseult sont en lice pour la révélation

PARIS : Pas plus d'un «quart d'heure» d'abattement: l'état d'esprit d'Hervé face à l'arrêt des concerts, en pleine crise sanitaire, se retrouve chez Lous and the Yakuza, Yseult ou Hatik, nouvelles voix déterminées à faire vivre leur musique.

«Quand le confinement arrive, le premier ou le deuxième, je le vis très mal, mais ça ne dure qu'un quart d'heure, après c'est ok, faut qu'on fasse un live filmé, si on peut le faire à l'Olympia (sans public), on le fait», raconte à l'AFP Hervé, remarqué pour son album «Hyper». 

Le jeune chanteur aux cheveux ras et à l'enthousiasme XXL est nominé aux Victoires de la musique, le 12 février, dans la catégorie révélation masculine (aux côtés d'Hatik et Noé Preszow; Clou, Lous and the Yakuza et Yseult sont en lice pour la révélation féminine). 

Pour lui, «impossible de rester à se morfondre, alors on sort le single "Si bien du mal", on sort des clips, on va se démerder, je reprends mes facultés de monteur (pour les vidéos), certains aiment sortir des trucs avec de gros budgets, je peux faire des trucs dans ma chambre avec mon téléphone». 

L'énergie comme parade à la déprime. «Sortir un album et démarrer dans ce métier maintenant, avec ce contexte, c'est extrêmement difficile, on n'a jamais vu l'équivalent de cette situation», admet devant une poignée de journalistes Romain Vivien, président des Victoires. Mais celui qui est aussi directeur général de la structure musicale Believe refuse de parler de génération sacrifiée: «à nous producteurs et écosystème de trouver des solutions pour exposer les artistes».

«Mon bateau»

Quand ce ne sont pas les intéressés qui prennent leur destin en mains. C'est le cas d'Yseult, rencontrée par la presse en marge de la révélation des nominés des Victoires. «Je manage et produis mon projet, j'ai créé mon propre label, je ne suis plus dans les rouages de la grosse industrie, c'est moi qui mène mon bateau, mon attachée de presse, ma cheffe de projet, mon directeur marketing, attendent un mot de ma part, ma stratégie».  

La jeune chanteuse -repérée avec les mini-albums «Noir» et «Brut»- incarne cette nouvelle vague qui n'attend pas le coup de téléphone d'un producteur. «Je n'ai pas eu peur, de toute façon, je n'ai pas de plan B, je me dois de réussir, à moi de créer de nouveaux modèles pour développer mon projet dans le temps». 

«La nouvelle génération, elle a tellement d'armes pour faire de la musique, il faut juste trouver la bonne idée, confinement ou pas confinement», analyse pour l'AFP Hatik, rappeur salué sur disque avec «Chaise pliante» et sur écran dans la série «Validé».

«Autre type de tout»

«Via les réseaux sociaux, la nouvelle génération se construit différemment des générations précédentes, il y a eu énormément d'évènements en digital en confinement, la transition entre tout et rien n'a jamais existé chez moi, je suis passée de tout à un autre type de tout, je travaille énormément tous les jours», prolonge Lous and the Yakuza -dans la lumière avec son album «Gore»- devant quelques journalistes.

Le parcours non-linéaire de ces nouveaux talents (Lous a vécu un temps dans la rue avant de percer, Hatik et Hervé ont cumulé des petits boulots) leur a aussi permis d'encaisser les coups et d'anticiper des jours meilleurs. 

«Quand le premier confinement arrive, j'ai fait deux dates et après une semaine de repos, je dois aller faire des concerts à Nantes et Rennes, se souvient Hatik. Le mini-bus est en bas de chez moi et j'apprends qu'il n'y aura pas de concert». «En septembre, la tournée est encore annulée: le seul truc que je me dis c'est faisons un bel album (prévu pour mars) pour offrir de la musique aux gens en 2021, comme ça on aura encore plus de musique à chanter en concert».

 


Un artiste français crée de riches représentations de l'histoire et de la culture saoudiennes

Dessin de Joel Alessandra. L'artiste est connu pour son utilisation innovante du café et de l'aquarelle dans ses dessins (fournie)
Dessin de Joel Alessandra. L'artiste est connu pour son utilisation innovante du café et de l'aquarelle dans ses dessins (fournie)
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  • Après avoir exploré Riyad, Alkhobar et AlUla, Alessandra a été séduit par le charme d'Al-Balad, la vieille ville de Jeddah
  • Évoquant sa récente visite au Royaume, M. Alessandra a déclaré qu'il était impressionné par la scène culturelle florissante de l'Arabie saoudite et par l'enthousiasme de la jeunesse pour l'expression artistique

JEDDAH : Le célèbre dessinateur français de bandes dessinées, Joël Alessandra, s'est récemment rendu en Arabie saoudite afin d'illustrer la richesse de la culture et du patrimoine du pays.

Célèbre pour son utilisation innovante du café et de l'aquarelle dans ses œuvres, la visite d'Alessandra a été rendue possible grâce à l’ambassade de France et à l'Alliance française en Arabie saoudite.

Après avoir exploré Riyad, Alkhobar et AlUla, Alessandra a été séduit par le charme d'Al-Balad, la vieille ville de Jeddah.

Dessin de Joel Alessandra. L'artiste est connu pour son utilisation innovante du café et de l'aquarelle dans ses dessins (fournie)
La vieille ville de Jeddah, dessin de Joel Alessandra. L'artiste est connu pour son utilisation innovante du café et de l'aquarelle dans ses dessins (fournie)

«Cette partie de la ville de Jeddah est celle qui m'a le plus inspirée. On y ressent l'ambiance de l'époque où les pèlerins faisaient halte, nous percevons cette activité fervente, il y a une atmosphère de tradition séculaire toujours palpable», a déclaré Alessandra à Arab News.

L'architecture ancienne a été une riche source d'inspiration pour ses croquis, notamment les murs recouverts de patine et les portes complexes. Les dessins réalisés par M. Alessandra lors de son séjour à Djeddah visaient à capturer l'essence du passé et du présent vibrant d'Al-Balad.

Il a également organisé une performance en direct à Djeddah, où il a recréé des scènes d'Al-Balad, offrant aux spectateurs un aperçu de son processus artistique.

«Le sujet était une promenade improvisée dans Al-Balad, basée sur mes croquis de l'après-midi, que j'ai reproduits à l'aquarelle sur l'écran. Des scènes de vie dans la rue, des bâtiments des siècles passés, les minarets des mosquées des quartiers traversés», explique-t-il.

Pour Alessandra, les voyages servent de source constante d'inspiration. S'inspirant de ses expériences à travers l’Afrique, il explique que «c'est l'atmosphère et les habitants d'un pays qui façonnent ma façon de dessiner, c'est sur le terrain que je puise mon inspiration réelle».

Évoquant sa récente visite au Royaume, M. Alessandra a déclaré qu'il était impressionné par la scène culturelle florissante de l'Arabie saoudite et par l'enthousiasme de la jeunesse pour l'expression artistique.

La vieille ville de Jeddah, dessin de Joel Alessandra. L'artiste est connu pour son utilisation innovante du café et de l'aquarelle dans ses dessins (fournie)
La vieille ville de Jeddah, dessin de Joel Alessandra. L'artiste est connu pour son utilisation innovante du café et de l'aquarelle dans ses dessins (fournie)

Bien que les croquis d'Alessandra témoignent d'une profonde appréciation du patrimoine culturel de l'Arabie saoudite, il se garde bien de transmettre des messages explicites.

«Mon seul objectif est de communiquer l'émotion ressentie face à ce patrimoine culturel, architectural et historique incroyable et immensément riche. J'ai la chance de savoir dessiner et exprimer ainsi cette émotion à travers mes carnets de croquis et mes livres… J'espère que mes lecteurs y seront également sensibles», a-t-il déclaré.

Il a déclaré qu'AlUla l'avait laissé bouche bée.

«Il serait difficile d'oublier la fascination qu'AlUla a suscitée sur moi. Les tombes nabatéennes, le simple fait d'imaginer une vie animée là-bas, au milieu du désert, à une époque aussi lointaine, est tout simplement incroyable.

Imaginer que l'Empire romain ait poussé ses armées jusqu’à ces contrées lointaines est tout aussi fascinant.

Sans oublier la vieille ville avec ses rues ombragées et couvertes. C'est un véritable paradis qui inspire les créateurs», a-t-il ajouté.

Joel Alessandra (fournie)
Joel Alessandra (fournie)

L'année dernière, il s'est aventuré à faire des croquis dans les rues d'AlUla avec des étudiantes de l'école d'art locale.

«Ce moment reste gravé dans ma mémoire car ces étudiantes étaient attentives et désireuses de produire et apprendre à dessiner leur environnement. Je ne suis pas sûr d'avoir déjà rencontré une telle appétence chez les jeunes dans d'autres pays».

Son utilisation du café comme médium ajoute de la profondeur et de la richesse à ses œuvres, capturant les nuances des tons de peau et des paysages désertiques.

Pendant son séjour à Djeddah, il a animé des ateliers axés sur la francophonie, rassemblant des élèves de différentes écoles pour collaborer sur une œuvre de fiction à travers du texte et des dessins.

Dessin de Joel Alessandra (fournie)
Dessin de Joel Alessandra (fournie)

En impliquant des élèves de l'école française à un projet de livre de contes collaboratif, Alessandra a exploré le voyage fictif du voyageur musulman Ibn Battuta dans l'Arabie moderne. À travers l'écriture et le dessin, les élèves ont réimaginé les aventures d'Ibn Battuta en mêlant des éléments historiques et fantastiques.

«La quête d'une clé pour accéder à la porte du temps et permettre à Ibn Battuta de retourner à son siècle était très fascinante. C’était très amusant de voir comment les jeunes traduisaient cela graphiquement», a déclaré Alessandra.

En ce qui concerne son évolution en tant qu'artiste, M. Alessandra a souligné l’importance de la pratique constante, et a encouragé les artistes en herbe en disant : «Dessinez, dessinez et dessinez encore».

«Ayez toujours un carnet à dessin dans votre poche et entraînez votre main et votre esprit à chaque occasion. Que ce soit en attendant le bus, au café, ou pendant les publicités télévisées, profitez de chaque moment libre pour gribouiller dans ce carnet. Il n'y a pas d'enjeu, juste quelques lignes pour s'entraîner», a ajouté Alessandra.

Dessin de Joel Alessandra (fournie)
Dessin de Joel Alessandra (fournie)

135 ans après, «La nuit étoilée» de Van Gogh brille de nouveau à Arles

Des personnes regardent la peinture "La nuit étoilée" de Vincent Van Gogh lors de la visite de presse de l'exposition "Van Gogh et les étoiles" à la Fondation Vincent Van Gogh à Arles, dans le sud de la France, le 31 mai 2024. L'exposition sera ouverte du 1er juin au 8 septembre 2024. (Photo par Sylvain Thomas AFP)
Des personnes regardent la peinture "La nuit étoilée" de Vincent Van Gogh lors de la visite de presse de l'exposition "Van Gogh et les étoiles" à la Fondation Vincent Van Gogh à Arles, dans le sud de la France, le 31 mai 2024. L'exposition sera ouverte du 1er juin au 8 septembre 2024. (Photo par Sylvain Thomas AFP)
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  • Cette oeuvre revient donc pour la première fois, grâce à un prêt exceptionnel du musée d'Orsay, «à quelques mètres de l'endroit où elle a été fabriquée, inventée, par Vincent» van Gogh il y a près de 135 ans
  • Dans cette «nuit étoilée» peinte en une nuit de septembre 1888, Vincent «renverse la constellation de la Grande Ourse afin que les étoiles répondent à chaque réverbère, qui se reflètent eux-mêmes dans l'eau» bleutée du fleuve, en écho au ciel

ARLES, France : «Le tableau retrouve un peu sa maison, si on veut», sourit Bice Curiger, co-commissaire de l'exposition «Van Gogh et les étoiles», qui ouvre samedi jusqu'au 8 septembre à la Fondation van Gogh Arles.

«Le» tableau, c'est «La nuit étoilée» sur le Rhône. «Un des tableaux les plus populaires du monde», comme le décrit Jean de Loisy, l'autre co-commissaire.

Et cette oeuvre revient donc pour la première fois, grâce à un prêt exceptionnel du musée d'Orsay, «à quelques mètres de l'endroit où il a été fabriqué, inventé, par Vincent» van Gogh il y a près de 135 ans, poursuit-il.

Pièce centrale de l'exposition, cette «invention» vient marquer le dixième anniversaire de la Fondation, fondée et dirigée par des héritiers du géant pharmaceutique suisse Roche. Et autour d'elle, 160 œuvres de plus de 75 artistes, du XIXe à aujourd'hui, dont des pièces créées spécialement, s'attachent à en explorer les origines et les conséquences.

L'expo progresse par étapes, des Ténèbres aux Chemins de l'âme, car les étoiles ont toujours eu pour l'Homme une valeur métaphysique, en passant par le Cosmos, le Firmament, l'Astronomie ou les Spirales du ciel.

Avec comme fil conducteur le fait qu'au commencement était la science, en ce XIXe siècle où l'astronomie se conjugue à l'art pour entrer dans la culture populaire. Avec Jules Verne ou Victor Hugo bien sûr, mais aussi Camille Flammarion, fondateur de la «société astronomique de France» et «passager clandestin de l'exposition», explique Jean de Loisy.

- Grande Ourse renversée -

Et la science apporte le progrès, comme ces éclairages au gaz installés dans la ville d'Arles quelques années avant l'arrivée de van Gogh. Des éclairages que l'on retrouve dans cette «nuit étoilée» peinte en une nuit de septembre 1888, où Vincent «renverse la constellation de la Grande Ourse afin que les étoiles répondent à chaque réverbère, qui se reflètent eux-mêmes dans l'eau» bleutée du fleuve, en écho au ciel.

Autour du joyau de l'exposition (qui reprendra le chemin d'Orsay dès le 26 août) viennent cohabiter des constellations sur toile ou dessinées du Tchèque Frantisek Kupka, du Français Yves Klein ou de l'Argentin Lucio Fontana, ou encore un mobile-suspension de pierres, «Cieux extrêmement lourds», de la Polonaise Alicjia Kwade.

Et partout des planètes  --ou des ronds-- dans tous leurs états, chez Kandinsky, Malevitch, Klee, le futuriste italien Giacomo Balla ou encore Odilon Redon. Des étoiles, comme chez la photographe française Juliette Agnel, aux grands formats nocturnes dans le désert soudanais. Ou des réminiscences directes du tableau de van Gogh, chez le Belge Léon Spillaert ou l'Américaine Georgia O'Keeffe.

En conclusion, un «observateur de nébuleuse» créé spécialement par le sculpteur français Jean-Marie Appriou. Un corps qui se met en marche, surmonté d'une tête de Vincent prise dans une bulle de verre qui cache des éclats: scaphandre, planète, constellation...

Un Van Gogh qui tisse «le lien irrévocable entre les étoiles et la métaphysique», pour Jean de Loisy. Une métaphysique qui lui fait vouloir «quitter pour l'espace un monde corrompu par la violence», comme la dureté de la révolution industrielle, qu'il avait notamment observée à Londres.

Pendant son séjour à Arles, Vincent, sujet à des crises, sera hospitalisé à plusieurs reprises et se coupera un bout d'oreille. Il quittera d'ailleurs la ville pour être interné pendant un peu plus d'un an.

«Si je veux aller à Tarascon (à 20 kms d'Arles), je prends le train. Si je veux aller dans les étoiles, je prends la mort», disait le peintre. Moins de deux ans après avoir peint «la Nuit étoilée» d'Arles, il se suicide, le 29 juillet 1890.

 


En Iran, une grotte livre des traces de peuplement humain vieilles de 450 000 ans

Le massif calcaire de la grotte Qaleh Kurd (vue en haut à gauche), dans la vallée de Qaleh. (AFP)
Le massif calcaire de la grotte Qaleh Kurd (vue en haut à gauche), dans la vallée de Qaleh. (AFP)
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  • Cette découverte repousse de près de 300 000 ans les premières preuves datées de peuplement de la région
  • Les nouvelles fouilles, menées jusqu'à 2,50 mètres de profondeur sur une surface de seulement 11 mètres carrés, ont livré «des dizaines de milliers d'objets», décrit un expert

PARIS: Des milliers d'outils en pierre taillée, d'os de chevaux, et une dent de lait humaine: une grotte du plateau central iranien a livré des traces d'occupation humaine vieilles de 452.000 à 165.000 ans, les plus anciennes jamais trouvées dans cet immense territoire à la croisée du Levant et de l'Asie.

Cette découverte repousse de près de 300.000 ans les premières preuves datées de peuplement de la région, selon une étude publiée fin mai dans Journal of Paleolithic Archaeology.

C'est une zone "grande comme deux fois et demie la France" où le matériel archéologique aussi ancien est rare, explique à l'AFP Gilles Berillon, chercheur du CNRS au Musée de l'Homme et co-auteur de l'étude.

Les préhistoriens savaient que le plateau central iranien était peuplé depuis des centaines de milliers d'années, à en juger par la multitude de sites dans les régions alentours: le Levant, le Caucase à l'Ouest, l'Asie centrale à l'Est, où vécurent des humains de plusieurs espèces du genre Homo (Erectus, Néandertal, Denisova, Sapiens...).

Mais aussi par plusieurs découvertes en Iran de pierres taillées, à la surface du sol, et quelques rares fouilles ponctuelles.

Aucune fouille n'avait cependant encore permis de définir une chronologie aussi précise et étendue. "On est parti d’une raquette pleine de trous pour ces périodes anciennes de la Préhistoire", raconte le scientifique français.

Traces de boucherie 

En 2018, l'équipe du projet paléoanthropologique franco-iranien, menée par Gilles Berillon et Hamed Vahdati Nasab, de l'Université Tarbiat Modares à Téhéran, a ré-investigué la grotte de Qaleh Kurd (Nord de l'Iran), à la limite ouest du plateau central iranien, dominé par les monts du Zagros.

Située à 2.137 mètres d'altitude, la grotte avait fait l'objet de fouilles illégales plusieurs dizaines d'années auparavant, qui avaient mis au jour des outils en pierre taillée, laissés en surface près de l'entrée de la cavité.

Les nouvelles fouilles, menées jusqu'à 2,50 mètres de profondeur sur une surface de seulement 11 mètres carrés, ont livré "des dizaines de milliers d'objets", décrit Gilles Berillon.

Une multitude d'ossements de chevaux et d'hydrontins (l'âne sauvage européen) portant des traces de boucherie, et d'outils en pierre taillée ayant servi à la préparation de ces aliments. Un matériel très riche et surtout possible à situer dans le temps puisqu'il est resté bien en place sur plusieurs niveaux: le plus profond remonte à 452.000 ans, le plus récent à 165.000 ans.

Cerise sur le gâteau: une dent de lait humaine, impossible à dater directement mais trouvée dans une couche dont l'âge s'étend entre -165.000 et -175.000 ans. Soit la dent la plus ancienne jamais identifiée dans une région où aucune trace humaine clairement datée n'était jusqu'à présent connue au-delà de -80.000 ans, relève le Musée de l'Homme dans un communiqué.

Qui vivait là? 

La molaire d'enfant portait des traces d'abcès et de caries et sa racine était presque totalement résorbée. Elle était donc probablement tombée naturellement, à l'endroit où le groupe s’était installé.

"Il faut imaginer des groupes humains qui s’installaient dans la grotte, pour y vivre, manger… sans l'occuper de manière continue", suggère le chercheur. Car à plus de 2.000 mètres d'altitude, à cette époque géologique du Pléistocène moyen marquée par des périodes glaciaires, le site n'était certainement pas accessible toute l'année.

Qui étaient ses visiteurs ? Des Néandertaliens, comme leurs voisins qui vivaient à quelques centaines de kilomètres plus à l'ouest ? Des Dénisoviens d'Asie ? Des espèces plus anciennes encore, contemporaines de l'Homme de Tautavel des Pyrénées d'Europe, qui a le même âge que la plus ancienne strate de la grotte iranienne Qaleh Kurd ?

Faute de vestiges humains, il n'est pas possible de déterminer la ou les espèces de ses habitants.

"On se trouve dans une fourchette de temps qui couvre 300.000 ans d'histoire de l'évolution humaine, à une période de grande diversité culturelle où potentiellement toutes ces espèces ont pu exister, se succéder voire pour certaines coexister", y compris la nôtre, Homo sapiens, analyse Gilles Berillon.

"Les fouilles se poursuivent à Qaleh Kurd et espérons que d’autres sites de ces périodes puissent être également fouillés dans cette immense région pour mieux comprendre la complexité du peuplement humain", conclut-il.