Des émissaires occidentaux à Damas, les nouveaux dirigeants syriens veulent rassurer

Alors que Bachar al-Assad se posait en protecteur des minorités dans un pays à majorité sunnite, plusieurs pays et organisations, tout en saluant sa chute, disent attendre de voir comment les nouvelles autorités vont traiter les minorités. (AFP)
Alors que Bachar al-Assad se posait en protecteur des minorités dans un pays à majorité sunnite, plusieurs pays et organisations, tout en saluant sa chute, disent attendre de voir comment les nouvelles autorités vont traiter les minorités. (AFP)
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Publié le Mardi 17 décembre 2024

Des émissaires occidentaux à Damas, les nouveaux dirigeants syriens veulent rassurer

  • Le chef de la coalition qui a pris le pouvoir en Syrie le 8 décembre s'est engagé à dissoudre et à intégrer dans l'armée les factions qui ont contribué à la chute de l'ex-président Bachar al-Assad
  • Les groupes combattants "seront dissous et leurs combattants préparés à rejoindre les rangs du ministère de la Défense, et tous seront sous le coup de la loi"

DAMAS: Plusieurs missions diplomatiques sont arrivées mardi à Damas pour rencontrer les nouvelles autorités syriennes, dominées par des islamistes radicaux, qui s'emploient à rassurer les capitales étrangères sur leur capacité à pacifier la Syrie, dévastée par 13 ans de guerre civile.

Le chef de la coalition qui a pris le pouvoir en Syrie le 8 décembre s'est engagé à dissoudre et à intégrer dans l'armée les factions qui ont contribué à la chute de l'ex-président Bachar al-Assad, et a réclamé la levée des sanctions internationales.

Les groupes combattants "seront dissous et leurs combattants préparés à rejoindre les rangs du ministère de la Défense, et tous seront sous le coup de la loi", a affirmé Abou Mohammad al-Jolani, le chef du groupe sunnite radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), à la tête de la coalition.

Après un demi-siècle de règne sans partage du clan Assad, les nouvelles autorités cherchent à rassurer, au moment où les capitales étrangères prennent contact avec leurs dirigeants, dont Abou Mohammad al-Jolani, qui se fait désormais appeler par son vrai nom, Ahmad al-Chareh.

Une mission diplomatique française, la première depuis 12 ans, est arrivée mardi à Damas où le drapeau français a été hissé sur l'ambassade, fermée depuis 2012.

"La France se prépare à être aux côtés des Syriens" durant la période de transition, a déclaré l'envoyé spécial pour la Syrie, Jean-François Guillaume.

Des diplomates allemands vont également rencontrer mardi des représentants du gouvernement de transition. Une délégation britannique était arrivée lundi, l'Union européenne a annoncé l'envoi d'un représentant et les Etats-Unis ont établi des contacts avec HTS.

Lâché par ses alliés, la Russie et l'Iran, Bachar al-Assad a fui pour Moscou quand les rebelles se sont emparés le 8 décembre de Damas, après une offensive éclair menée depuis le nord de la Syrie. L'ex-président a affirmé lundi qu'il n'avait fui qu'après la chute de Damas et qualifié de "terroristes" les nouveaux dirigeants du pays.

Sa chute a été accueillie par des scènes de liesse, près de 14 ans après le début de la guerre civile déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, qui a fait un demi-million de morts et provoqué la fuite à l'étranger de six millions de personnes.

Mais unifier le pays morcelé par des années de guerre, où sont présentes de nombreuses factions aux allégeances divergentes et de nombreuses minorités religieuses et ethniques, reste un défi pour HTS. Cette ex-branche syrienne d'Al-Qaïda affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classée comme une organisation terroriste par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.

"Espoir prudent" 

Dans les vieux souks de Damas, la grande majorité des commerces ont rouvert.

Mardi, des commerçants peignaient en blanc la façade de leur magasin, effaçant les couleurs de l'ancien drapeau syrien aux deux étoiles.

"Nous travaillons sans arrêt depuis une semaine pour tout peindre en blanc, mais nous n'avons pas assez d'ouvriers pour faire tous les magasins", a affirmé Omar Bachour, 61 ans, artisan dans le bâtiment.

Si quelques matériaux ont vu leur prix augmenter, la plupart des prix des produits alimentaires et de première nécessité ont baissé avec la levée temporaire de taxes.

"Tout est arrivé d'un seul coup: la chute du régime, la baisse des prix, l'amélioration de la vie. On espère que ce ne soit pas temporaire", affirme Abou Imad, qui a transformé sa voiture en petite épicerie où il vend des légumes sur une place de la capitale.

L'ONU pense pouvoir fournir une aide "ambitieuse" à la Syrie, a déclaré mardi le chef des affaires humanitaires des Nations unies après une rencontre avec Abou Mohammad al-Jolani.

"Moment d'espoir prudent en Syrie. Mes rencontres à Damas, y compris les discussions constructives avec le commandant de la nouvelle administration, M. Ahmad al-Chareh, sont encourageantes. Nous disposons d'une base pour un renforcement ambitieux de l'aide humanitaire vitale", a indiqué Tom Fletcher sur X.

"Réconciliation" 

Alors que Bachar al-Assad se posait en protecteur des minorités dans un pays à majorité sunnite, plusieurs pays et organisations, tout en saluant sa chute, disent attendre de voir comment les nouvelles autorités vont traiter les minorités.

"La Syrie doit rester unie, et il faut qu'il y ait un contrat social entre l'Etat et l'ensemble des confessions pour garantir une justice sociale", a assuré Ahmad al-Chareh en rencontrant lundi des membres de la communauté druze, branche de l'islam chiite, estimée à environ 3% de la population d'avant-guerre.

Devant une délégation de diplomates britanniques, le nouvel homme fort de la Syrie a "évoqué l'importance de rétablir les relations" avec Londres et "souligné la nécessité de lever toutes les sanctions imposées à la Syrie afin de permettre le retour des réfugiés".

Dans un entretien avec l'AFP, Riad Assaad, un chef rebelle, a défendu l'idée d'une Syrie qui aurait de "bonnes relations avec tous les pays du monde".

Ancien colonel fondateur de l'Armée syrienne libre (ASL), composée de militaires dissidents, il a réclamé que les membres du gouvernement évincé répondent devant la justice des crimes commis: "Notre objectif c'est le pardon et la réconciliation, mais il doit y avoir une justice transitoire pour qu'il n'y ait pas d'actes de vengeance."

 


Syrie : l'ONU appelle à des élections « justes et libres » après la période de transition

L'envoyé spécial des Nations unies, Geir Pedersen, s'adresse aux médias à l'extérieur d'un hôtel à Damas, le 18 décembre 2024. (Photo AFP)
L'envoyé spécial des Nations unies, Geir Pedersen, s'adresse aux médias à l'extérieur d'un hôtel à Damas, le 18 décembre 2024. (Photo AFP)
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  • « Je pense qu'il est important de dire qu'il y a beaucoup d'espoir et que nous assistons aujourd'hui aux débuts de la nouvelle Syrie », a affirmé le représentant onusien dans une déclaration aux journalistes.
  • Mohammad al-Bachir, Premier ministre chargé de la transition jusqu'au 1^(er) mars, a promis de « garantir les droits de tous ».

DAMAS : Depuis Damas, l'envoyé spécial de l'ONU en Syrie, Geir Pedersen, a appelé mercredi à des « élections libres et justes » après la période de transition, insistant sur le besoin d'une « aide humanitaire immédiate » dans ce pays exsangue après des années de guerre.

Le 8 décembre, une coalition de groupes armés menée par les islamistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a pris le pouvoir en Syrie, renversant le président Bachar al-Assad qui dirigeait sans partage le pays depuis plus de 20 ans.

« Je pense qu'il est important de dire qu'il y a beaucoup d'espoir et que nous assistons aujourd'hui aux débuts de la nouvelle Syrie », a affirmé le représentant onusien dans une déclaration aux journalistes.

« Une nouvelle Syrie (...) qui adoptera une nouvelle constitution garantissant un nouveau contrat social à tous les Syriens et qui organisera des élections justes et libres » après la période de transition.

Mohammad al-Bachir, Premier ministre chargé de la transition jusqu'au 1^(er) mars, a promis de « garantir les droits de tous ».

« Il y a de la stabilité à Damas, mais des défis persistent dans d'autres zones », a souligné M. Pedersen.

Il a notamment dit espérer une « solution politique » dans le nord-est de la Syrie concernant les zones autonomes kurdes, qui constituent l'un des « plus grands défis » du nouveau pouvoir en place.

Enfin, l'envoyé spécial de l'ONU a réaffirmé la nécessité d'une « aide humanitaire immédiate », espérant une « reprise économique » du pays sous sanctions internationales.

La Syrie a été le théâtre d'une guerre dévastatrice déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratiques. Le conflit a fait plus d'un demi-million de morts, des millions de déplacés et de réfugié. 


Au Soudan, le système de santé est à l'agonie et les médecins sont pris pour cible

Le 17 août 2024, dans un centre d'isolement rural à Wad Al-Hilu, dans l'État de Kassala, dans l'est du Soudan, un médecin soigne un enfant atteint de choléra. (Photo de l'AFP).
Le 17 août 2024, dans un centre d'isolement rural à Wad Al-Hilu, dans l'État de Kassala, dans l'est du Soudan, un médecin soigne un enfant atteint de choléra. (Photo de l'AFP).
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  • Sous les bombardements incessants, Mohamed Moussa, un médecin soudanais, dit continuer de travailler, comme d'autres, au milieu d'un système de santé en ruines.
  • En octobre, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait recensé 119 attaques contre des établissements de santé, dont des bombardements, des tirs d'artillerie, des fusillades, des pillages et des intrusions.

LE CAIRE : Sous les bombardements incessants, Mohamed Moussa, un médecin soudanais, dit continuer de travailler, comme d'autres, au milieu d'un système de santé en ruines, dans le contexte d'une guerre qui dure depuis plus d'un an et demi, d'une crise humanitaire sans précédent et de la famine.

« Les bombardements nous ont insensibilisés », déclare au téléphone à l'AFP ce généraliste de 30 ans qui travaille à l'hôpital Al-Nao, l'un des derniers établissements en activité à Omdourman, ville jumelle de Khartoum.

« Le personnel de santé n'a pas d'autre choix que de continuer », confie-t-il, même si les coups de feu crépitent au loin, les avions rugissent au-dessus de sa tête et le sol tremble sous ses pieds.

Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts et déplacé 12 millions de personnes, provoquant ainsi ce que le Comité international de secours (IRC) qualifie de « plus grande crise humanitaire » mondiale.

À l'hôpital Al-Nao, qui a été la cible de bombardements selon Médecins sans frontières (MSF), le personnel soignant dit prendre en charge des blessures par balle à la tête, à la poitrine et à l'abdomen, ainsi que des brûlures graves, des os brisés et des amputations, y compris sur des enfants de quatre mois.

- « En ruines » -

Sur les 87 hôpitaux de l'État de Khartoum, près de la moitié ont subi des dommages visibles entre la mi-avril 2023 et le 26 août 2024, d'après les images satellite fournies par l'université de Yale et l'Association des médecins soudano-américains (SAPA).

En octobre, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait recensé 119 attaques contre des établissements de santé, dont des bombardements, des tirs d'artillerie, des fusillades, des pillages et des intrusions.

« Il y a un mépris total pour la protection des civils », a déclaré à l'AFP Kyle McNally, conseiller aux affaires humanitaires chez MSF, faisant état de « destructions généralisées » mettant « à bas les services de santé ».

Selon le syndicat des médecins soudanais, jusqu'à 90 % des établissements médicaux ont été contraints de fermer dans les zones de conflit, privant de soins des millions de personnes.

Quelque 78 professionnels de santé ont été tués depuis le début de la guerre sur leur lieu de travail ou à leur domicile, affirme le syndicat.

« Les deux camps pensent que le personnel médical coopère avec la faction adverse, ce qui conduit à les prendre pour cible », a déclaré à l'AFP son porte-parole, Sayed Mohamed Abdullah.

- « Aucune distinction » -

Le 11 novembre, MSF a suspendu la plupart de ses activités à l'hôpital Bachaïr, l'un des seuls établissements de santé encore en activité dans le sud de Khartoum, après que des combattants ont pris d'assaut l'hôpital.

« Rien ne justifie de cibler les hôpitaux ou le personnel médical, car les médecins ne font aucune distinction entre les patients », assure M. Abdullah.

Les médecins doivent également faire face à la famine : selon l'ONU, près de 26 millions de personnes sont confrontées à une faim aiguë au Soudan.

Entre mi-août et fin octobre, le personnel de l'hôpital pédiatrique d'Omdourman, qui accueille des enfants souffrant de malnutrition, s'occupait jusqu'à 40 enfants par jour, dont beaucoup étaient dans un état critique, selon le docteur Nora Idris, dont le nom a été modifié pour des raisons de sécurité.

« Chaque jour, trois à quatre d'entre eux meurent, car leur cas était désespéré ou à cause d'une pénurie de médicaments », a-t-elle précisé.

Adnan Hezam, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour le Soudan, a affirmé à l'AFP que « sans une aide immédiate aux structures de santé, nous craignons une détérioration rapide » des services.

Il souligne que le droit international humanitaire protège le personnel médical, les hôpitaux et les ambulances, mais ces principes ont peu de poids au Soudan.

Pour les professionnels de santé, soigner coûte que coûte « semble insupportable certains jours, mais nous ne pouvons pas nous arrêter », assure le docteur Moussa.


Un premier avion décolle de Damas depuis la chute de Bachar al-Assad

Lundi, des employés de l'aéroport peignaient sur des avions de la compagnie privée Cham Wings le drapeau aux trois étoiles de l'indépendance de la Syrie en 1946, symbole du soulèvement populaire de 2011 contre Bachar al-Assad et adopté par le nouveau pouvoir. (AFP)
Lundi, des employés de l'aéroport peignaient sur des avions de la compagnie privée Cham Wings le drapeau aux trois étoiles de l'indépendance de la Syrie en 1946, symbole du soulèvement populaire de 2011 contre Bachar al-Assad et adopté par le nouveau pouvoir. (AFP)
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  • Quarante-trois personnes, dont des journalistes et du personnel administratif, étaient présents à bord de cet Airbus de la compagnie Syrian Air, ont constaté des journalistes de l'AFP
  • Quelques heures avant la chute de la capitale syrienne, Bachar al-Assad avait pris un avion de l'aéroport de Damas pour la base russe de Hmeimim, dans l'ouest syrien. Il s'était ensuite envolé pour la Russie

DAMAS: Un premier avion, depuis la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, a décollé mercredi de l'aéroport de Damas, en direction d'Alep, dans le nord de la Syrie, d'où est partie l'offensive de la coalition qui a pris les rênes du pays.

Quarante-trois personnes, dont des journalistes et du personnel administratif, étaient présents à bord de cet Airbus de la compagnie Syrian Air, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Quelques heures avant la chute de la capitale syrienne, Bachar al-Assad avait pris un avion de l'aéroport de Damas pour la base russe de Hmeimim, dans l'ouest syrien. Il s'était ensuite envolé pour la Russie.

L'armée syrienne et les forces de sécurité de son gouvernement avaient ensuite déserté l'aéroport de Damas, d'où aucun vol n'avait décollé depuis.

Lundi, des employés de l'aéroport peignaient sur des avions de la compagnie privée Cham Wings le drapeau aux trois étoiles de l'indépendance de la Syrie en 1946, symbole du soulèvement populaire de 2011 contre Bachar al-Assad et adopté par le nouveau pouvoir.

Ce drapeau a également remplacé l'ancien dans les halls de l'aéroport.

Les vols internationaux devraient reprendre à partir du 24 décembre après des opérations de maintenance et la mise au point des tours de contrôle, a indiqué à l'AFP un responsable de l'aéroport qui a requis l'anonymat.

La flotte de la compagnie syrienne d'aviation comprend 12 avions, mais seuls deux Airbus 320 sont en état de voler, selon Samer Radi, le responsable de la maintenance.

Il explique cela par le manque de pièces de rechange, dû aux sanctions internationales sur la Syrie.