Lorsqu'un élu américain doit se préoccuper de sa réélection, il se retient souvent et évite de mener des politiques controversées. Mais lorsque l'option de la réélection n'est plus possible et qu'il se trouve dans ce que l'on appelle une période de canard boiteux, l'élu peut faire tout ce qu'il veut dans le cadre de ses pouvoirs sans se soucier de ses détracteurs ou des conséquences pour les électeurs.
C'est la situation dans laquelle se trouve actuellement Joe Biden, qui s'apprête à abandonner la puissante fonction de président des États-Unis. Il est effectivement plus puissant aujourd'hui qu'il ne l'était au premier jour de sa présidence.
En tant que président, Biden peut prendre des mesures qui ne nécessitent pas l'approbation du Congrès, y compris des mesures importantes de politique étrangère. Il peut notamment négocier des accords et reconnaître des gouvernements étrangers. En tant que commandant en chef des forces armées, il peut également prendre de nombreuses mesures militaires, comme ordonner des opérations militaires ou des déploiements d'unités, bien que les actions à long terme nécessitent l'approbation du Congrès en vertu de la Loi américaine sur les pouvoirs de guerre (War Powers Act).
Nous avons déjà vu Biden exercer ces pouvoirs dans le cadre de la guerre entre l'Ukraine et la Russie. Ce mois-ci, il a levé les restrictions qui pesaient sur l'utilisation par l'Ukraine de missiles à longue portée fournis par les États-Unis, ce qui a permis de les tirer sur la Russie et de ne pas se contenter de les utiliser contre les troupes qui avaient pénétré sur le territoire ukrainien.
Il y a assez de raisons pour que Biden fasse maintenant ce que son administration n'a pas fait lorsqu'Israël a commencé sa guerre contre Gaza.
Ray Hanania
Cette décision change la dynamique de la guerre, en donnant aux forces armées ukrainiennes la capacité de lancer des assauts offensifs pour contrer les bombardements russes sur ses villes et d'autres cibles. Les autres grands fournisseurs d'armes de l'Ukraine au sein de l'Otan, dont le Royaume-Uni et la France, semblent maintenant avoir suivi le mouvement et supprimé les restrictions sur les armes qu'ils fournissent ou envisagent au moins de le faire.
Pourquoi Biden ne peut-il pas faire la même chose avec Israël et mettre un terme au flux d'armes et de fonds américains qui alimentent le génocide perpétré par Tel-Aviv contre les Palestiniens de Gaza?
Au cours de l'année écoulée, la majorité des personnes blessées ou tuées à Gaza étaient des civils. On estime que plus de 44 000 Palestiniens ont été tués, mais il est impossible d'en connaître le nombre exact car Israël interdit aux journalistes étrangers d'entrer dans la bande de Gaza.
Il y a assez de raisons pour que Biden fasse maintenant ce que son administration n'a pas fait lorsqu'Israël a commencé sa guerre contre Gaza en octobre dernier. Il lui suffit d'appliquer les lois américaines qui interdisent la fourniture d'armes aux nations étrangères qui se livrent au massacre de civils et au génocide.
Il existe cinq lois qui limitent la manière dont les pays étrangers peuvent utiliser l'argent et les armes des États-Unis. Or, jusqu'à présent, l'administration sortante a refusé de les appliquer.
La loi Leahy interdit au gouvernement américain d'utiliser des fonds pour aider des unités de forces de sécurité étrangères lorsqu'il existe des informations crédibles impliquant cette unité dans la commission de violations flagrantes des droits de l'homme.
La loi sur l'aide étrangère (Foreign Assistance Act) interdit l'octroi d'une aide financière à tout gouvernement étranger qui «se livre à des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme internationalement reconnus».
La loi sur le contrôle des exportations d'armes stipule que les nations étrangères qui reçoivent une aide militaire américaine ne peuvent utiliser les armes qu'à des fins d'autodéfense légitime et de sécurité intérieure.
La loi sur les crimes de guerre interdit les violations des conventions de Genève, qui définissent les règles de la guerre et interdisent les mauvais traitements infligés aux non-combattants et aux civils, tels que les homicides volontaires, la torture ou les traitements inhumains, le fait de causer délibérément de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l'intégrité physique ou à la santé, et les déportations ou transferts illégaux. Il s'agit là de méthodes couramment utilisées par Israël pour imposer son occupation illégale de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Lorsque les détails des atrocités commises par Israël seront rendus publics – et ils le seront un jour – les États-Unis seront sévèrement jugés pour leur inaction.
Ray Hanania
La loi de mise en œuvre de la convention sur le génocide a été promulguée en 1987 et fait du génocide un crime spécifique. Elle prévoit des sanctions pénales pour les personnes qui commettent ou incitent d'autres personnes à commettre un génocide.
Chacune de ces cinq lois donne à Biden le pouvoir de prendre des mesures contre Israël et de mettre fin à la férocité de ses attaques militaires contre Gaza et le Liban.
Qu'est-ce que Biden a à perdre? L'élection est terminée. Son parti a perdu. L'administration sortante dispose de huit semaines pour rattraper son grave échec des 13 derniers mois et tenter de mettre un terme au massacre de civils.
Même si cette action ne met pas fin à la guerre ou si Israël poursuit le carnage, elle pourrait au moins contribuer à redonner un fondement moral à l'héritage de l'administration. Veut-elle vraiment être connue comme l'administration qui n'a pas levé le petit doigt alors qu'Israël tuait plus de 44 000 civils palestiniens et des milliers de civils libanais?
Mais la Maison Blanche est l'otage de Netanyahou, qui a besoin que le génocide se poursuive pour faire dérailler les trois affaires de corruption dont il fait l'objet. Ce sont ces accusations qui ont poussé Netanyahou à former une coalition avec les éléments les plus extrémistes de la société israélienne et à prolonger son séjour au pouvoir.
Par conséquent, Netanyahou n'a aucune raison impérieuse de mettre fin au génocide et il est fort probable qu'il poursuivra les violences. Il pourrait même les étendre à l'Iran et à toute autre nation régionale qui refuserait de se soumettre à l'hégémonie d'Israël.
Lorsque les détails des atrocités commises par Israël seront rendus publics – et ils le seront un jour – les États-Unis seront sévèrement jugés pour leur inaction. À moins qu'ils n'agissent maintenant.
C'est la meilleure chose à faire.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l’adresse suivante: www.Hanania.com.
X: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com