L'histoire nous apprend que les résultats de l'élection présidentielle américaine ne signifient pas grand-chose quant à la manière dont le pays traite avec deux publics clés: le Moyen-Orient, y compris ses conflits actuels et futurs, et le rôle des Arabes aux États-Unis. Quelle que soit l'issue de scrutins comme celui de cette semaine, la politique américaine continuera à suivre la même voie, même si elle peut être plus nuancée et avoir une teneur et un ton différents.
Alors que les conflits à Gaza, au Liban et en Iran sont alimentés par des milliards de dollars américains, les politiques réelles sont menées par le gouvernement israélien. Et dans la politique américaine, Israël jouit d'une protection type téflon contre les changements majeurs.
La victoire du républicain Donald Trump à l'élection présidentielle de mardi ne sera guère plus qu'un fait divers et un sujet de discussion pour les experts. Pendant ce temps, le génocide israélien à Gaza ne s'arrêtera pas tant qu'Israël ne voudra pas qu'il s'arrête. Et Israël décidera également jusqu'où il ira dans ses guerres contre le Liban et l'Iran.
Quant aux Arabes des États-Unis, ils prendront beaucoup de photos et souriront au candidat vainqueur. Beaucoup d'accolades chaleureuses. Et peut-être quelques emplois et nominations pour certains Arabes et musulmans. Mais cela ne signifie pas qu'il y aura un changement dans la politique étrangère américaine ou une amélioration de leur engagement auprès du gouvernement.
L'ambassadeur des États-Unis aux Nations unies continuera d'opposer son veto à toute résolution visant à modifier de manière significative la trajectoire d'Israël
Ray Hanania
Fondamentalement, la politique américaine au Moyen-Orient n'a pas changé la dernière fois que Trump a été président, entre 2017 et 2021. Il n'y a pas eu de reconnaissance d'un État palestinien ni d'assouplissement du soutien à Israël. Des accords ont été signés avec plusieurs pays arabes qui sollicitaient l'aide financière ou diplomatique américaine.
Le soutien des États-Unis à Israël au sein du Conseil de sécurité des Nations unies est très solide et l'ambassadeur américain auprès de l'organisation, quel que soit le titulaire du siège, continuera d'opposer son veto à toute résolution qui tenterait de modifier de manière significative la voie empruntée par Israël à l'heure actuelle.
Depuis la création de l'organisation mondiale en 1945, les ambassadeurs américains auprès des Nations unies ont opposé 91 vetos au Conseil, dont près de la moitié protègent Israël et plus de 30 bloquent directement les droits des Palestiniens. Ces votes ont été constants sous les administrations républicaines et démocrates de la Maison Blanche.
Les présidents américains ne se vantent pas de ce bilan en matière de veto, mais il s'agit d'un fait fondamental qui ne changera pas simplement parce qu'un parti ou un autre a pris le contrôle de la Maison Blanche.
Cela n'a pas changé non plus sous le président démocrate Joe Biden. Malgré les communiqués de presse annonçant un «partenariat» avec les Américains d'origine arabe, cette relation est restée lettre morte. Tous les Arabes et les musulmans nommés à des postes clés de la Maison Blanche et du département d'État ont été muselés. Ils n'ont pas été autorisés à accorder des entretiens aux médias, à moins qu'ils ne soient étroitement chorégraphiés et contrôlés.
Une présidence de Kamala Harris n'aurait pas été différente.
Il n'y a qu'un seul domaine de la politique américaine qui peut changer. Ce n'est pas au niveau national, comme la présidence ou même la représentation au Congrès américain. C'est au niveau local.
En dépit de la perception, des titres et des reportages, la politique américaine part de la base et non du sommet.
Ce n'est que lorsque les Américains d'origine arabe auront une incidence sur les attitudes et la compréhension de leurs voisins dans leurs villes et leurs comtés que la politique étrangère américaine commencera à connaître un changement sismique.
C'est ainsi qu'Israël a procédé. Il a financé de vastes campagnes de relations publiques, impliquant les médias, les films et même les divertissements, afin de modifier la perception qu'ont les Américains du conflit israélo-arabe. Il a présenté les Israéliens comme des victimes du monde arabe «terroriste» et a «éduqué» (opéré un lavage de cerveau) les Américains pour qu'ils sympathisent avec les besoins d'Israël et se méfient des exigences arabes.
Les Israéliens ont été accueillis comme s'ils étaient américains, tandis que les Arabes ont été diabolisés, en grande partie à cause de leur foi – vestiges historiques des croisades, le christianisme continuant d'être opposé à l'islam.
Le changement ne découlera pas de l'élection d'un nouveau président, mais de la nomination d'Arabes et de musulmans à des postes dans les administrations locales.
Ray Hanania
Mais les faits n'ont aucune importance lorsqu'il s'agit de défendre Israël. Les Palestiniens tuent 1 200 Israéliens, une version miniature des attaques terroristes du 11 septembre 2001. Israël tue alors plus de 44 000 Arabes et musulmans en riposte et c'est une simple conséquence de la défense d'Israël.
Le changement ne découlera pas de l'élection d'un nouveau président, mais de la nomination d'Arabes et de musulmans à des postes dans les administrations locales.
Les niveaux les plus bas du gouvernement ont le plus grand pouvoir et le contact le plus direct et le plus personnel avec le peuple américain. Par ailleurs, les bureaux des plus hauts niveaux de gouvernement reflètent des politiques plus larges qui sont le résultat de perceptions sociétales.
On ne peut pas changer la politique étrangère des États-Unis en élisant un nouveau président. En revanche, on peut la changer en modifiant la façon dont la société américaine perçoit le Moyen-Orient et toutes ses questions, en faisant entrer des Arabes et des musulmans dans les administrations locales.
Le changement aux États-Unis se produit graduellement. Mais cela signifie que davantage d'Arabes et de musulmans doivent se présenter à des fonctions politiques locales, en poursuivant un objectif moins grandiose.
Certes, être membre du Congrès ou sénateur confère beaucoup de prestige et un semblant d'autorité et de pouvoir. Mais un poste d'administrateur ou de conseiller municipal dans un village ou une ville des États-Unis, ou même un poste de maire ou de législateur d'État, a beaucoup plus de poids pour avoir une influence considérable sur la perception du public.
Ce n'est que lorsque nos pairs au niveau local apprendront à nous faire confiance et à comprendre notre histoire que la politique américaine changera au niveau international.
Il s'agit d'une dynamique simple dans laquelle les egos et l'arrogance doivent laisser place au pragmatisme et à des attitudes personnelles moins grandioses et moins égoïstes.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l’adresse suivante: www.Hanania.com.
X: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com