Frankly Speaking: Comment Fareed Zakaria voit le changement en Arabie Saoudite

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Publié le Dimanche 06 octobre 2024

Frankly Speaking: Comment Fareed Zakaria voit le changement en Arabie Saoudite

  • Le journaliste et auteur de CNN n'est plus sceptique à l'égard des États arabes du Golfe après avoir assisté à la transformation du Royaume
  • Il estime qu'ils font évoluer la région vers la stabilité, l'intégration économique, une plus grande interdépendance et des liens avec davantage de pays

DUBAÏ: Les changements en cours en Arabie saoudite seront perçus à long terme comme une véritable révolution, mais qui s'est produite de manière "progressive" et "organique", selon le journaliste, auteur et analyste politique de CNN, Fareed Zakaria.

Il a fait ces commentaires lors d'une apparition dans l'émission "Frankly Speaking" de Arab News depuis la capitale saoudienne, qu'il a visitée la semaine dernière et où il a participé à une conférence à la Foire internationale du livre de Riyad autour de son dernier livre, "The Age of Revolutions" (L'âge des révolutions).

Il a déclaré qu'il pensait que les changements dans le Royaume se produisaient à de nombreux niveaux. "Les changements qui me frappent le plus sont, bien sûr, le rôle des femmes, mais aussi celui de tous les Saoudiens. Pour moi, il s'agit d'un changement très intéressant et peu remarqué", a-t-il déclaré à Katie Jensen, animatrice de l'émission "Frankly Speaking".

"Il y a des domaines dans lesquels (l'Arabie saoudite) évolue très rapidement, et d'autres dans lesquels elle est encore un peu retenue. Je suis impressionné par le fait qu'ils essaient de trouver un équilibre, qu'ils essaient de faire avancer certaines choses et de se moderniser dans certains domaines".

Zakaria a développé ce point: "Le rôle des femmes s'est réellement transformé, mais dans certains domaines, par exemple, les Saoudiennes sont toujours tenues de porter des vêtements traditionnels et sont encouragées à le faire. L'Arabie saoudite s'efforce donc de trouver un équilibre qui ne soit pas trop révolutionnaire".

D'une manière générale, il a déclaré, en évoquant le changement, que "si l'on regarde les choses en termes historiques, il est clair que cela sera perçu comme une révolution, mais c'est une révolution qui se déroule de manière progressive, de manière organique... de sorte que les changements ne soient pas si écrasants".

Le journaliste américain d'origine indienne Fareed Zakaria, qui anime l'émission Fareed Zakaria GPS sur CNN et tient une chronique hebdomadaire dans le Washington Post, a participé à l'émission Frankly Speaking. (Photo AN)

Passant à la région du Golfe arabe, Zakaria a avoué avoir été sceptique pendant de nombreuses années, considérant ces pays comme "très passifs".

"Dans les années 1950, 1960 et 1970, le monde arabe se définissait par ses grands États historiquement importants: l'Égypte, la Syrie et l'Irak. Puis, dans les années 70, il y a eu une période de troubles autour de l'Iran et de la révolution islamique", a-t-il déclaré.

"Mais aujourd'hui, ce qui est clair, c'est que (les États arabes du Golfe), à commencer par l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et le Bahreïn, sont aux commandes et qu'ils essaient de faire évoluer la région vers la stabilité, l'intégration économique, une plus grande interdépendance, des liens plus étroits avec davantage de pays.

Zakaria attribue ce changement en partie à ce qui se passe en Arabie saoudite. "Les Émirats arabes unis, pour être juste, ont peut-être même été l'un des premiers à entamer ce processus. Mais maintenant que l'Arabie saoudite est à bord, elle est bien sûr beaucoup plus grande, beaucoup plus puissante et peut avoir une influence beaucoup plus positive", a-t-il déclaré.

Faisant allusion à l'esprit des accords historiques d'Abraham, négociés par l'administration Trump en 2020,  Zakaria a noté que les États arabes du Golfe tendent la main à l'Inde et à la Chine, entre autres puissances économiques. "Tout cela est bénéfique, car plus il y aura d'échanges, de commerce, d'interdépendance et d'intégration, plus la personne moyenne dans le monde arabe en bénéficiera, car son niveau de vie augmentera", a-t-il déclaré.

Le journaliste américain d'origine indienne est l'animateur de l'émission Fareed Zakaria GPS sur CNN et rédige une chronique hebdomadaire pour le Washington Post. Auteur prolifique,  Zakaria est titulaire d'un doctorat en administration publique de l'université de Harvard, où il a étudié sous la direction d'érudits aussi célèbres que Samuel P. Huntington et Stanley Hoffmann.


Israël en état d'alerte avant l'anniversaire du 7 octobre et prépare une riposte contre l'Iran

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  • L'armée israélienne est en état d'alerte dimanche, par crainte d'attentats, à la veille du premier anniversaire de l'attaque du Hamas, et prépare une réponse à la salve de missiles tirés par l'Iran
  • Le chef d'état-major israélien Herzi Halevi a par ailleurs affirmé sa détermination à frapper "sans répit" le Hezbollah, contre lequel il a récemment intensifié son offensive

JERUSALEM: L'armée israélienne est en état d'alerte dimanche, par crainte d'attentats, à la veille du premier anniversaire de l'attaque du Hamas, et prépare une réponse à la salve de missiles tirés par l'Iran, soutien du mouvement palestinien et du Hezbollah libanais.

Le chef d'état-major israélien Herzi Halevi a par ailleurs affirmé sa détermination à frapper "sans répit" le Hezbollah, contre lequel il a récemment intensifié son offensive.

"Cette semaine, nous commémorerons l'anniversaire de la guerre et du 7 octobre (2023). Nous sommes prêts à augmenter nos forces en prévision de ce jour", par craintes d'attentats, a assuré samedi soir le porte-parole de l'armée israélienne, Daniel Hagari, sans autre précision.

Dans un message à l'occasion de cet anniversaire, le président israélien Isaac Herzog a lui dénoncé "la menace permanente que font peser, sur l'Etat, l'Iran et ses mandataires terroristes, (...) déterminés à détruire notre seul et unique Etat-nation".

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu doit prononcer lundi un discours à la nation pour marquer l'anniversaire de cette attaque, qui a déclenché la guerre à Gaza.

L'assaut sans précédent du Hamas a entraîné la mort de 1.205 personnes, en majorité des civils, tués par balle, brûlés vifs ou mutilés, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres officiels israéliens, incluant les otages morts ou tués en captivité dans la bande de Gaza. Sur les 251 personnes enlevées alors, 97 sont toujours otages à Gaza: 64 présumées vivantes et 33 mortes.

"Droit de se défendre" 

Après la salve de missiles lancée mardi par l'Iran contre Israël, l'armée "prépare une réponse", a assuré à l'AFP un responsable militaire israélien sous le couvert de l'anonymat.

"L'Iran a déjà lancé à deux reprises des centaines de missiles sur notre territoire (...) Israël a le devoir et le droit de se défendre et de répondre à ces attaques et c'est ce que nous ferons", a aussi affirmé M. Netanyahu.

Depuis Damas, le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi a prévenu que "pour chaque action, il y aura une réaction proportionnelle et similaire de l'Iran, et même plus forte".

Selon Téhéran, les quelque 200 missiles tirés mardi vers Israël sont une réponse "légitime" à l'assassinat de Hassan Nasrallah, tué le 27 septembre dans un raid israélien sur la banlieue sud de Beyrouth, et à celui le 31 juillet d'Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, mort dans une explosion à Téhéran imputée à Israël.

L'Iran avait en avril lancé une première attaque aux missiles contre Israël en riposte à une frappe contre son consulat à Damas imputée à Israël.

Le président américain Joe Biden a déconseillé à Israël de s'en prendre aux sites pétroliers iraniens. Son prédécesseur et candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump, a lui suggéré des frappes sur les installations nucléaires de l'Iran.

Contact perdu avec Safieddine 

Après avoir affaibli le Hamas lors de représailles toujours en cours dans la bande de Gaza assiégée, Israël a déplacé mi-septembre l'essentiel de ses opérations vers le front libanais, ouvert par le Hezbollah en soutien au Hamas le 8 octobre 2023.

Le gouvernement Netanyahu veut en finir avec les tirs de roquettes du Hezbollah et permettre le retour des dizaines de milliers de déplacés chez eux dans le nord d'Israël.

Son armée a entrepris une campagne de bombardements aériens violents et meurtriers sur les fiefs du Hezbollah, qu'elle a intensifiée à partir du 23 septembre, avant de lancer une offensive terrestre dans le sud du Liban le 30 septembre.

L'agence officielle de presse libanaise a fait état de "plus de 30 frappes" israéliennes dans la nuit de samedi à dimanche, sur la banlieue sud de Beyrouth et ses environs, peu après des appels israéliens à évacuer plusieurs quartiers de ce fief du Hezbollah.

L'armée israélienne a déclaré sur Telegram qu'elle "frappait actuellement des cibles terroristes" du Hezbollah dans le secteur de Beyrouth.

Des images de l'AFP montrent des panaches de fumée s'élevant des zones ciblées ainsi qu'une grosse boule de feu dans le ciel.

Un correspondant de l'AFP près de Sabra, proche de la banlieue sud de Beyrouth, a vu des dizaines de personnes dans les rues, certaines portant des sacs et fuyant à pied ou à moto tandis que des explosions résonnaient en fond.

Le Hezbollah a de son côté assuré avoir repoussé dans la nuit de samedi à dimanche une "tentative" d'infiltration de l'armée israélienne à Blida, à la frontière.

"Cauchemar sans fin" 

L'armée israélienne a affirmé avoir, depuis le 30 septembre, "éliminé environ 440 terroristes dont 30 commandants" du Hezbollah.

Vendredi, l'armée israélienne a violemment pilonné la banlieue sud de Beyrouth, visant, selon le site d'information israélien Ynet, Hachem Safieddine, potentiel successeur de Nasrallah qui était considéré comme l'homme le plus puissant du Liban. L'armée israélienne n'a pas confirmé cette information.

Mais un responsable du Hezbollah a affirmé sous le couvert de l'anonymat que le contact avec Hachem Safieddine était "perdu" depuis vendredi.

Depuis octobre 2023, plus de 2.000 personnes ont été tuées au Liban, dont plus d'un millier depuis l'intensification des frappes israéliennes le 23 septembre, selon les autorités. Environ 1,2 million de personnes ont été déplacées.

"On est à la rue depuis 13 jours", a déclaré Salma Salmane, 30 ans, qui a fui la banlieue sud vers le centre de Beyrouth. "On vit un cauchemar sans fin."

"Honte" 

Dans la bande de Gaza, affamée et ravagée par 12 mois de guerre, la Défense civile a fait état dimanche de 21 morts dans une frappe israélienne sur une mosquée transformée en abri pour des déplacés à Deir al-Balah (centre).

L'armée israélienne a expliqué avoir "mené une frappe précise sur des terroristes du Hamas qui opéraient dans un centre de commandement (...) dans une structure qui servait auparavant de mosquée".

Depuis un an, 41.825 personnes ont été tuées dans le territoire dévasté, selon des chiffres du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas publiés samedi, et ne prenant donc pas en compte cette dernière frappe. Ces données sont jugées fiables par l'ONU.

Le président français Emmanuel Macron a demandé samedi d'arrêter les livraisons à Israël d'armes servant à Gaza, suscitant la colère du Premier ministre israélien.

Les échanges ont rapidement pris des allures de crise entre les deux pays. A un tel niveau que l'Elysée a publié samedi soir une mise au point assurant que la France "est l'amie indéfectible d'Israël" et déplorant les mots "excessifs" de Benjamin Netanyahu.

"Honte", avait répliqué le dirigeant israélien, à l'adresse du président français et des autres Occidentaux appelant à des embargos d'armes contre son pays.

Le Qatar, un médiateur clé dans les pourparlers sur un cessez-le-feu à Gaza, a estimé que la déclaration de M. Macron était "un pas important et apprécié vers l'arrêt de la guerre ", tandis que la Jordanie a salué l'appel du dirigeant français.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a jugé de son côté "profondément dérangeantes" les informations sur des frappes israéliennes qui auraient touché "des installations sanitaires et du personnel hospitalier" au Liban.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé de son côté à mettre fin aux "violences choquantes" et à "l'effusion de sang" à Gaza et au Liban.


L'armée israélienne dit «  encercler  » Jabaliya dans le nord de la bande de Gaza

 L'armée israélienne a dit dimanche "encercler" la zone de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, où elle estime que le Hamas palestinien reconstruit ses capacités. (AFP)
L'armée israélienne a dit dimanche "encercler" la zone de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, où elle estime que le Hamas palestinien reconstruit ses capacités. (AFP)
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  • L'armée israélienne a dit dimanche "encercler" la zone de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza
  • "Les troupes de la 401e et de la 460e brigades ont réussi à encercler la zone et poursuivent actuellement leurs opérations dans le secteur"

JERUSALEM: L'armée israélienne a dit dimanche "encercler" la zone de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, où elle estime que le Hamas palestinien reconstruit ses capacités malgré des mois de combats et de frappes aériennes.

"Les troupes de la 401e et de la 460e brigades ont réussi à encercler la zone et poursuivent actuellement leurs opérations dans le secteur", a indiqué l'armée.

 


Frankly Speaking : Fareed Zakaria sur Israël, Gaza et la région post 7 octobre

Le journaliste américain d'origine indienne est l'animateur de l'émission Fareed Zakaria GPS sur CNN et tient une chronique hebdomadaire dans le Washington Post. (Photo fournie)
Le journaliste américain d'origine indienne est l'animateur de l'émission Fareed Zakaria GPS sur CNN et tient une chronique hebdomadaire dans le Washington Post. (Photo fournie)
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  • Quel que soit le candidat à la présidence qui l'emportera, sa capacité à influencer Israël sera limitée, affirme un journaliste et auteur de renom
  • Le monde a peut-être surestimé la capacité de combat du Hezbollah et la capacité de l'Iran à organiser une riposte significative

RIYADH : Quel que soit le prochain président américain, il n'aura que très peu de moyens pour freiner les excès israéliens à Gaza, au Liban et dans l'ensemble du Moyen-Orient, a déclaré le journaliste, auteur et analyste politique de CNN, Fareed Zakaria.
Bien que la candidate du Parti démocrate, Kamala Harris, puisse être disposée à ajuster la position de l'administration Biden sur Gaza si elle est élue, M. Zakaria pense que la nature de la politique américaine lui laissera les mains liées.
"Je doute que le président américain soit en mesure de faire beaucoup de concessions", a déclaré M. Zakaria lors d'une apparition dans l'émission d'actualité d'Arab News "Frankly Speaking", à l'occasion d'une visite en Arabie saoudite pour la Foire internationale du livre de Riyad, où il faisait la promotion de son dernier livre, "Age of Revolutions".
Le journaliste américain d'origine indienne est l'animateur de l'émission Fareed Zakaria GPS sur CNN et tient une chronique hebdomadaire dans le Washington Post. Auteur prolifique, M. Zakaria est titulaire d'un doctorat en administration publique de l'université de Harvard, où il a étudié sous la direction d'érudits aussi célèbres que Samuel P. Huntington et Stanley Hoffmann.
S'adressant à Katie Jensen, animatrice de "Frankly Speaking", M. Zakaria a déclaré que le modèle politique américain rendait difficile l'adoption par Washington d'une position plus ferme à l'égard d'Israël. "Il y aura un peu de marge", a-t-il déclaré. "Je pense qu'une administration démocrate serait en mesure de les freiner un peu plus.
Et d'ajouter : "Même si le Congrès peut adopter des lois, Israël bénéficie probablement d'un soutien suffisamment fort pour pouvoir passer outre un veto présidentiel dans certaines circonstances".
En revanche, Zakaria pense que la seule personne qui pourrait freiner Israël est le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, car Israël est désireux de normaliser les liens avec l'Arabie saoudite.
L'Arabie saoudite a conditionné la normalisation à l'offre par Israël de progrès tangibles sur la question de la création d'un État palestinien et sur l'initiative de paix arabe proposée pour la première fois par Riyad en 2002.
"Israël souhaite une normalisation des relations avec l'Arabie saoudite", a déclaré M. Zakaria. "Si vous regardez le monde arabe, même si vous regardez les États-Unis, la personne qui a le plus de poids dans ce sens est Mohammed bin Salman, le prince héritier d'Arabie saoudite".
"En échange de la normalisation, il a la possibilité de demander quelque chose, mais il faut que ce soit quelque chose que l'on puisse imaginer qu'un gouvernement israélien accepte. Cela va donc être une danse très compliquée."
Selon M. Zakaria, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, contraint par sa coalition de droite d'adopter une position dure, n'est pas en mesure de poursuivre la normalisation en échange de la mise en œuvre du plan de paix.
"À l'heure actuelle, j'ai l'impression que Bibi Netanyahou est moins préoccupé par la normalisation saoudienne, parce qu'il se rend compte que tout ce qu'il dira qui le mettra sur la voie de l'octroi aux Palestiniens de droits politiques, d'un statut d'État, ou autre, sera trop difficile à accepter pour ses partenaires de coalition qui comprennent quelques nationalistes israéliens très, très extrémistes qui croient essentiellement en l'absence d'un État palestinien, jamais", a-t-il déclaré.
"Il sait que s'il fait ne serait-ce qu'un demi-pas dans cette direction, il perdra son gouvernement. C'est peut-être pour cette raison qu'il a décidé d'aller de l'avant et de traiter avec le Hezbollah de manière beaucoup plus agressive, car je ne peux de toute façon pas conclure l'accord de normalisation avec l'Arabie saoudite.
L'opinion publique israélienne s'opposant à la solution des deux États pour résoudre le conflit israélo-palestinien qui dure depuis des décennies - en particulier depuis l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre - les chances de faire avancer un plan de paix semblent plus minces que jamais.
Cependant, comme le souligne M. Zakaria, quelle alternative existe-t-il à la "situation intolérable" dans laquelle se trouve Israël ?
"Soyons honnêtes, Israël a changé", a-t-il déclaré. "Il est beaucoup plus à droite aujourd'hui. La Knesset a voté sur la solution à deux États. Je pense que seuls huit membres du Parlement israélien ont voté en faveur d'une solution à deux États. Je pense que 68 d'entre eux ont voté contre. La situation est donc très difficile en Israël si l'on souhaite une solution à deux États.
"Mais j'en reviens à la question suivante : quelle est la solution que les Israéliens proposent pour résoudre le problème du peuple palestinien ? Ehud Olmert, ancien premier ministre du Likoud, donc un premier ministre de droite, a déclaré avec beaucoup d'éloquence lors de mon émission télévisée : "Regardez, il y a 6 millions de Palestiniens en Israël qui n'ont aucun droit politique. Comment Israël, en tant que démocratie, peut-il continuer ainsi ?
"À un moment donné, il faut trouver une solution à ce problème. Et la seule résolution, selon lui, qui ait un sens, qui soit compatible avec l'idée d'Israël en tant que démocratie, serait de donner un État aux Palestiniens.
"Lorsque l'on parle aux opposants à la solution des deux États, ils s'embrouillent, s'obscurcissent et s'égarent. En fait, ils ne répondent jamais à cette question de manière centrale parce que ce qu'ils acceptent, c'est une situation totalement intolérable, à savoir deux classes de citoyens, les Palestiniens n'étant même pas des citoyens à proprement parler.
"Ils ne sont citoyens de nulle part. Ils n'ont pas de droits politiques. Et cela ne peut certainement pas durer indéfiniment, mais c'est le cas. Nous sommes dans la 56e année de cette situation, de cette occupation.
M. Zakaria déclare qu'il sympathise avec le peuple palestinien, mais qu'il pense qu'il a été déçu à la fois par le Hamas à Gaza et par l'Autorité palestinienne dirigée par le Fatah en Cisjordanie.
"Je pense qu'ils ont été dirigés par une série de leaders qui, dans le cas du Hamas, ont vraiment adopté une sorte de mentalité terroriste selon laquelle il est acceptable de tuer des femmes, des enfants et des civils", a-t-il déclaré.
"De l'autre côté, l'Autorité palestinienne est tellement corrompue et inefficace qu'Abou Mazen, Mahmoud Abbas, ne peut pas organiser d'élections de peur d'être démis de ses fonctions par une population palestinienne en colère.
"En outre, ils ont manqué de nombreuses occasions de négocier en cours de route. Je pense qu'ils ont été mal servis".
À la suite de l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre, Israël a lancé une opération de représailles à Gaza. Toutefois, par solidarité avec ses alliés du Hamas, le Hezbollah libanais, soutenu par l'Iran, a commencé à lancer des roquettes sur Israël depuis le nord, ouvrant ainsi un second front.
Ce qui a commencé comme un échange de tirs relativement limité le long de la frontière israélo-libanaise s'est soudainement intensifié en septembre, Israël attaquant les réseaux de communication, les caches d'armes et les dirigeants du Hezbollah, ce qui a abouti à l'assassinat de son chef, Hassan Nasrallah, le 27 septembre.
L'Iran a riposté à l'assassinat de Nasrallah en lançant un barrage massif de missiles sur des cibles militaires en Israël le 1er octobre. L'attaque iranienne n'a toutefois causé que des dommages minimes et semble avoir été conçue pour envoyer un message de dissuasion plutôt que pour déclencher une guerre interétatique.
Mais ce qui ressort de cette escalade au cours du mois dernier, c'est la facilité surprenante avec laquelle Israël a pu mettre le Hezbollah hors d'état de nuire et l'incapacité apparente de l'Iran à mettre en place une défense ou une riposte digne de ce nom.
"Il est vraiment extraordinaire, tout d'abord, de constater à quel point les services de renseignement israéliens ont pu pénétrer le Hezbollah", a déclaré M. Zakaria. "Les bipeurs, l'emplacement des caches d'armes et, bien sûr, l'emplacement des dirigeants, y compris Nasrallah.
"Ce que cela me dit, c'est que le Hezbollah, qui était souvent considéré comme une force de combat redoutable, était aussi devenu une organisation obèse, corrompue, qui vivait de toutes sortes de corruption, de contrats d'armement et du patronage de l'Iran, et qu'il était donc plus facile à pénétrer qu'on ne l'aurait imaginé. Israël en a vraiment détruit une très grande partie".
Faisant part de ses impressions à la suite de sa récente interview du président iranien Masoud Pezeshkian sur CNN, M. Zakaria a laissé entendre que de nombreux Occidentaux avaient peut-être aussi surestimé les capacités de Téhéran.
"Le président iranien n'a pas seulement dit que c'était au Hezbollah de décider - et d'ailleurs, je ne vois pas comment le Hezbollah pourrait vraiment se défendre ; Israël est tellement plus puissant, ses armes sont tellement plus puissantes, et il est soutenu par les États-Unis - il a également laissé entendre que l'Iran n'en avait pas la capacité", a déclaré M. Zakaria.
"Il a dit, en substance, que nous devrions convoquer une réunion des pays islamiques pour condamner ce que fait Israël. Ce n'est pas une réponse particulièrement meurtrière, comme on pourrait l'imaginer, et elle est très différente de celle de ses prédécesseurs.
"J'avais interviewé son prédécesseur, le président Ebrahim Raisi, il y a seulement un an, je crois. Il avait un point de vue très différent, beaucoup plus militant, beaucoup plus dur, et n'aurait jamais exprimé ouvertement l'idée que le Hezbollah ne disposait pas d'un arsenal aussi meurtrier. Il y a donc un changement intéressant en Iran.
"On ne sait jamais quel est le pouvoir du président, mais je pense que ce que nous voyons avec le Hezbollah et l'Iran, c'est que nous les avons peut-être dépeints comme étant hauts de 10 pieds alors qu'ils étaient en réalité, vous savez, plutôt hauts de 5 pieds.
Tout au long de la crise à Gaza, et maintenant au Liban et entre Israël et l'Iran, l'administration Biden s'est efforcée d'empêcher un glissement vers une guerre régionale totale, tout en soutenant fermement le droit d'Israël à exister et à se défendre.
Alors que les Américains se rendront aux urnes en novembre pour décider qui du vice-président Harris ou de l'ancien président Trump formera la prochaine administration, le Moyen-Orient peut-il s'attendre à un changement de cap significatif en matière de soutien à Israël ? Zakaria n'en est pas si sûr.
"Il sera très difficile pour l'un ou l'autre de le faire parce que Bibi Netanyahou connaît un pays presque aussi bien qu'il connaît Israël, et ce sont les États-Unis", a-t-il déclaré. "Et il sait comment jouer du système politique américain à son avantage.
Alors, qui, selon M. Zakaria, devrait remporter les élections ? Et a-t-il un candidat préféré ?
"Ecoutez, quiconque vous dit qu'il sait qui va gagner, je pense qu'il exagère largement son pouvoir de sagesse. Il s'agit essentiellement d'une égalité statistique... il serait donc téméraire de ma part de faire une prédiction sur le vainqueur. J'essaie de ne pas aborder cette question en pensant que je soutiens une équipe, mais je vous dirai ce qui me préoccupe le plus en tant que spécialiste des affaires internationales".
Il a ajouté : "Je ne suis pas aussi partisan. Si Trump arrivait et faisait de bonnes choses, je l'encouragerais. Quand il l'a fait, je l'ai encouragé. J'essaie donc d'aborder cette question du point de vue de quelqu'un qui s'intéresse aux problèmes et non à la course de chevaux et à qui je dois parier."