Le Premier ministre intérimaire Najib Mikati a exprimé, cette semaine, lors d'une réunion avec les ambassadeurs et les représentants intérimaires des États membres du Conseil de sécurité des Nations unies, la volonté du Liban de s'engager dans des négociations indirectes avec Israël afin de parvenir à un cessez-le-feu et de mettre fin à la guerre en cours dans le sud du pays entre le Hezbollah et l'armée israélienne, à la lumière de l'escalade des échanges de tirs et de menaces israéliennes d'étendre le conflit.
En outre, à l'issue de la réunion, le ministre des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib, affilié au Courant patriotique libre de Gebran Bassil et allié du Hezbollah, a confirmé ce souhait de cessez-le-feu. Le gouvernement intérimaire a souligné que le Hezbollah pourrait rejeter de telles négociations et que le Liban essaierait de convaincre le groupe si l'État acceptait un accord de cessez-le-feu.
La déclaration du ministre des Affaires étrangères a suscité la controverse au Liban, mais pour toutes les mauvaises raisons. En effet, personne ne s'est demandé comment un État souverain pouvait servir d'intermédiaire à une milice armée. Le fait que le Liban doive demander l'approbation ou l'autorisation d'une milice armée pour des décisions nationales est un véritable manque de sérieux. La controverse n'a pas lieu d'être et la seule clarté est que chaque mesure prise par le gouvernement vise soit à détourner la pression internationale sur le Hezbollah, soit à faire partie de sa tactique, avec son approbation et sa planification.
Nous devons nous rappeler qu'une semaine avant ces déclarations libanaises, il a également été révélé que de hauts fonctionnaires américains et israéliens avaient tenu une réunion virtuelle à la demande de l'administration Biden pour discuter de la désescalade des tensions avec le Liban et de la prévention d'un conflit à grande échelle entre Israël et le Hezbollah. Dans toutes ces discussions, la seule mention du Liban était liée au mouvement géographique des réfugiés résultant de la confrontation militaire en cours. Il ne s'agissait que de négocier avec le Hezbollah comme si un pays entier avait été effacé. La communauté internationale a continué à légitimer cette milice armée.
Le fait que le Liban doive demander l'approbation ou la permission d'une milice armée est une véritable aberration.
Khaled Abou Zahr
L'essentiel est que toutes les parties comprennent que ces efforts de désescalade, qui sont principalement encouragés par l'actuelle administration américaine alors que la guerre à Gaza se poursuit, visent à rétablir ou à confirmer les règles d'engagement entre Israël et le Hezbollah et à éviter l'ouverture d'un nouveau front. Ils comprennent que l'on n'obtiendra rien de plus. Il s'agit donc d'une situation honteuse où l'État libanais sert de simple intermédiaire à une milice armée. Soit l'État souverain exécute volontairement les ordres du Hezbollah, soit il fait partie de ses plans de tromperie. Dans les deux cas, il s'agit d'une situation scandaleuse.
Pourtant, je dois poser la question suivante: quelqu'un croit-il encore en une séparation entre l'État libanais et le Hezbollah? Évoque-t-on cette absurdité de la même manière qu'on mentionne une branche armée et une branche politique au sein de cette milice soutenue par l'Iran? Y croit-on toujours? Ou fait-on semblant? Exclure le Liban du dialogue international est une situation dangereuse. Et personne ne semble y prêter la moindre attention.
Nous devons également nous rappeler que l'État libanais a dû demander la permission au Hezbollah de poursuivre les négociations avec Israël sur la délimitation des frontières maritimes communes afin de permettre aux deux pays d'exploiter les réserves de gaz de la mer Méditerranée. C'est en octobre 2022 que les États-Unis ont joué le rôle de médiateur dans la conclusion de cet accord. En vertu de cet accord, Israël conserve l'intégralité des droits sur le champ gazier de Karish, tandis que le Liban obtient des droits sur le champ gazier de Cana. Toutefois, comme le champ de Cana s'étend dans les eaux israéliennes, Israël a le droit de percevoir des redevances sur le gaz qui y est extrait. C'est ainsi que le Hezbollah, qui n'a jamais cessé de se battre, a accepté de payer des redevances à la partie israélienne. Allez savoir pourquoi. Le Liban n'a pas encore vu sa situation économique ou ses infrastructures s'améliorer grâce à cet accord. La corruption inhérente au pouvoir d'une milice garantit qu'il n'en verra jamais les bénéfices.
Le sud du pays, au sens géographique, n'appartient plus au Liban mais au Hezbollah.
Khaled Abou Zahr
Il est intéressant de noter que, dans ses déclarations, Bou Habib a mentionné qu'une future décision de cessez-le-feu nécessiterait une nouvelle résolution et non un amendement de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Malgré les interrogations apparentes du Hezbollah sur ces déclarations, cette solution répond aux souhaits du groupe de n'appliquer qu'une partie de la résolution de 2006 – et non celle qui l'oblige à rendre ses armes. En tout état de cause, le Hezbollah sait que, comme tout autre accord, tout nouvel accord serait une obligation pour le reste du Liban alors qu'il en est exempté.
Par ailleurs, la principale exigence d'Israël pour tout accord diplomatique avec le Liban est que les forces du Hezbollah se retirent à au moins 10 km de la frontière. Une condition essentielle est l'établissement d'une méthode fiable pour vérifier que les militants du Hezbollah ont quitté la région et n'y sont pas retournés. Il n'y a aucune chance qu'une institution internationale soit capable de le garantir aujourd'hui. Alors que l'État libanais est sous le contrôle du Hezbollah, le sud du pays, au sens géographique, n'appartient plus au Liban mais au Hezbollah.
Alors que nous cherchons tous à mettre fin au conflit, nous ne pouvons pas permettre au Hezbollah d'usurper une fois de plus la décision de faire la guerre ou la paix. Nous ne pouvons pas permettre au Hezbollah de décider quand le Liban doit négocier et quand il doit rester silencieux. L'État libanais ne devrait pas servir à détourner la pression internationale des actions du Hezbollah. Nous ne pouvons pas permettre à l'État libanais souverain d'être une marionnette entre les mains de cette milice armée soutenue par l'Iran.
Les États-Unis ont fait allusion à la possibilité d'une véritable désescalade entre Israël et le Hezbollah après un cessez-le-feu à Gaza, mais la réalité est que, tant que le Hezbollah agira comme la voix souveraine du Liban, il y a peu d'espoir de stabilité. Le Liban continuera d'être effacé dans un jeu de dissuasion et de cycles de guerre entre Israël et le Hezbollah.
Khaled Abou Zahr est le fondateur de SpaceQuest Ventures, une plate-forme de financement axée sur l’espace. Il est PDG d’EurabiaMedia et rédacteur en chef d’Al-Watan Al-Arabi.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com