La question de savoir si la France va changer de politique étrangère parce que Michel Barnier vient de succéder à Gabriel Attal après une longue attente et d’âpres négociations ne se pose qu’à l’étranger, notamment dans les pays directement concernés par le devenir de la parole et de l’influence française.
En France, cette question est quasi inexistante pour le moment. La raison étant que les choix de politique étrangère relèvent exclusivement du président de la République et que, quel que soit le ministre qui va succéder à Stéphane Séjourné au Quai d’Orsay, il aura comme feuille de route diplomatique la vision concoctée à l’Élysée.
En plein cœur de la campagne des législatives, cette affirmation n’était pas une évidence. Alors que les sondages annonçaient un triomphe de l’extrême droite et l’installation inévitable de Jordan Bardella à Matignon, un débat inédit avait eu lieu entre les deux tours des législatives entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron pour savoir qui conduirait la politique étrangère de la France en matière de défense. Marine Le Pen avait choqué le cénacle français en affirmant que le futur Premier ministre – et donc Jordan Bardella – aura son mot à dire pour dessiner la politique étrangère de la France et que le président de la République n’était que le chef honorifique des armées. Cela avait provoqué une immense polémique en France.
Avec Michel Barnier, et quel que soit le nouveau ministre des Affaires étrangères, il y a très peu de chance que la politique étrangère de la France puisse connaître la moindre inflexion.
- Mustapha Tossa
La politique étrangère de la France aurait connu des frictions certaines si l’extrême droite était arrivée au pouvoir. Elle aurait été l’objet d’un grand changement si Emmanuel Macron avait choisi un personnalité adoubée par la gauche. Et pour cause. À titre d’exemple, parmi les idées diplomatiques phares de la gauche, celle d’une reconnaissance immédiate de l’État de Palestine. Ce qu’Emmanuel Macron avait hésité à faire, prétextant que cette décision serait dépourvue d’efficacité dans un contexte de guerre israélienne à Gaza.
La politique de la France dans la gestion de la guerre Russie-Ukraine aurait été aussi différente si la gauche ou l’extrême droite étaient au pouvoir. Ces deux pôles politiques se sont distingués par des prises de positions qui aspirent à stopper cette guerre au prix de devoir réduire l’aide fournie à l’Ukraine et consacrer les acquis militaires de la Russie dans l’est de l’Ukraine.
Avec Michel Barnier, et quel que soit le nouveau ministre des Affaires étrangères, il y a très peu de chance que la politique étrangère de la France puisse connaître la moindre inflexion. Si le pedigree européen de Michel Barnier va l’aider à accorder davantage d’importance à la construction européenne dans la politique française, il sera en totale harmonie avec le président Macron, lui-même passionné de construction européenne.
Le profil de Michel Barnier est de ceux qui rassurent au niveau interne. C’est d’ailleurs une des principales qualités que la presse avait mises en avant dès sa nomination.
- Mustapha Tossa
Même si aucun changement notoire de la France à l’international n’est attendu avec l’arrivée de Michel Barnier à Matignon, cette nomination peut être l’occasion pour Emmanuel Macron de réactualiser la relation de la France avec ses partenaires politiques au Maghreb et au Moyen-Orient à l’ombre des nouvelles données politiques qui s’annoncent avec le résultat imprévisible des élections américaines. Sur la crise iranienne, aussi bien que sur la question de la guerre israélo-palestinienne, l’impasse libanaise et les menaces d’explosion régionale, le nouveau ministre des Affaires étrangères de Michel Barnier aura l’impérieuse tâche de mettre à niveau la vision diplomatique française qui a souffert d’une forme de paralysie et de distanciation que l’épreuve électorale après la dissolution de l’assemblée lui avait imposée.
Pour Emmanuel Macron, cette séquence est aussi l’occasion de préciser les contours de sa relation avec les pays du Maghreb. Une visite d’État au Maroc doit être programmée avec la même urgence que l’indispensable clarification des relations de la France avec l’Algérie, pays avec lequel Paris entretient aujourd’hui des relations en dents de scie.
Le profil de Michel Barnier est de ceux qui rassurent au niveau interne. C’est d’ailleurs une des principales qualités que la presse avait mises en avant dès sa nomination. Il produit le même effet au niveau international. Les partenaires de la France, notamment économiques, doivent s’attendre à une forme de continuité dans leurs relations avec l’hexagone. Si pour se distinguer de l’ère de Gabriel Attal, Barnier avait promis des changements et des ruptures dans la politique nationale, justement pour donner cette impression que le message que les Français ont envoyé à travers ces législatives avait été entendu, il n’est pas attendu qu’il en fasse de même en politique internationale qui devrait suivre un rythme de continuité et de permanence.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
X: @tossamus
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.