Conflit israélo-palestinien : Il est temps que les États-Unis mettent fin à l'ambiguïté

Le discours de Kamala Harris à la convention nationale du parti démocrate comprenait les habituelles ambiguïtés soigneusement construites. (FAFP)
Le discours de Kamala Harris à la convention nationale du parti démocrate comprenait les habituelles ambiguïtés soigneusement construites. (FAFP)
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Publié le Mardi 27 août 2024

Conflit israélo-palestinien : Il est temps que les États-Unis mettent fin à l'ambiguïté

Conflit israélo-palestinien : Il est temps que les États-Unis mettent fin à l'ambiguïté
  • Les États-Unis commercialisent un accord de cessez-le-feu sans cessez-le-feu
  • Au lieu d'une cessation des hostilités par toutes les parties, ils proposent simplement un échange d'otages et de prisonniers pendant une pause dans les bombardements israéliens

Alors que la convention nationale du parti démocrate a pris fin la semaine dernière, l'on se demande si les positions de l'administration Biden ou, éventuellement, de Kamala Harris sur la question israélo-palestinienne, étaient devenues plus claires.

Cet enjeu continue de diviser le parti. La question palestinienne a été étroitement contrôlée lors de la convention. Aucun Américain d'origine palestinienne n'a été autorisé à prendre la parole. Cela a été mal perçu, notamment par les électeurs arabo-américains dans des États clés comme le Michigan. Même le discours de Mme Harris comprenait les habituelles ambiguïtés soigneusement construites. Elle a évoqué les atrocités commises contre les Israéliens en octobre dernier, mais n'a pas pu nommer une seule atrocité – et encore moins son auteur – contre les Palestiniens.

Donald Trump, en revanche, ne subit pratiquement aucune pression pour être autre chose qu'un partisan inconditionnel du gouvernement israélien d'extrême droite et hostile à l'Iran. Sur cette question, il est dans sa zone de confort.

Mais pour le président Joe Biden et Kamala Harris, la question israélo-palestinienne est un véritable casse-tête. Se tirer d'affaire pourrait être la façon la plus appropriée de décrire les démocrates.

L'ambiguïté constructive n'est pas une stratégie. Il s'agit d'un mécanisme permettant de contourner des points de friction intérieurs sensibles, tels que la convention du parti et les élections de novembre. Ce genre de stratégie fonctionne sur la scène intérieure américaine, mais échoue de manière spectaculaire au Moyen-Orient et sur le terrain. Cela pourrait se retourner contre Harris dans les semaines à venir.

« L'ambiguïté constructive n'est pas une stratégie. Il s'agit d'un mécanisme permettant de contourner des points de friction intérieurs sensibles. »

- Chris Doyle

Cette ambiguïté caractérisait la diplomatie hyperactive de ces dernières semaines. Les hauts responsables américains et les ministres des Affaires étrangères des pays alliés ont tous pris l'avion pour mener consciencieusement leur tournée dans la région. Le message est tristement familier : nous soutenons le droit d'Israël à se défendre, nous exhortons toutes les parties à se retirer et à désamorcer l'escalade et nous admettons que la population de Gaza a trop souffert. Mais on ne précise jamais la cause de ces souffrances.

Les États-Unis commercialisent un accord de cessez-le-feu sans cessez-le-feu. Au lieu d'une cessation des hostilités par toutes les parties, ils proposent simplement un échange d'otages et de prisonniers pendant une pause dans les bombardements israéliens.

Les acteurs du Moyen-Orient ne sont pas dupes. Si les États-Unis souhaitent réellement un cessez-le-feu, ils disposent de tous les outils nécessaires pour contraindre Israël à s'y conformer. Pourvu que les principaux acteurs de Washington le veuillent.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou sait que l'administration Biden ne coupera pas le cordon ombilical militaire avec Israël, comme en témoignent les 20 milliards de dollars (1 dollar = 0,90 euro) de ventes d'armes approuvées ce mois-ci. Il tolère la tournée diplomatique des États-Unis, mais ne s'engage jamais sur le fond. M. Biden a présenté un plan à la fin du mois de mai en prétendant qu'il s'agissait de celui d'Israël, ce que M. Netanyahou n'a jamais admis.

Le secrétaire d'État Antony Blinken, qui a toujours échoué au Moyen-Orient, s'est mis dans l'embarras en déclarant la semaine dernière qu'Israël avait accepté une « proposition de rapprochement » américaine. Netanyahou a répété la même chose, son silence en disant long sur son opposition. Notons que nous n'avons que de vagues indications sur le contenu de cette proposition de rapprochement, qui apparaît plus comme un pont entre les États-Unis et Israël que comme un pont entre belligérants.

Chaque fois qu'un accord voit le jour, Netanyahou met des bâtons dans les roues ou exacerbe la tension régionale avec un assassinat provocateur à Beyrouth, Damas ou Téhéran. Le dernier obstacle en date est l'insistance d'Israël à conserver le contrôle militaire du corridor Philadelphie, ce qui constitue en soi une violation du traité de paix entre l'Égypte et Israël. Il ne faut pas se faire d'illusion. Netanyahou dispose de nombreuses autres mines et pièges à déployer en cas de besoin.

« Ce qui devrait définir la politique américaine, c'est de mettre fin à la décimation israélienne de Gaza, que beaucoup considèrent comme un génocide. »

- Chris Doyle

Ce qui est encore mieux pour le dirigeant israélien, c'est qu'à chaque fois qu'il aggrave la situation dans la région, déclenchant des menaces de représailles de la part de l'Iran, les États-Unis et leurs États loyaux font cercle autour d'Israël, faisant fi de leurs préoccupations au sujet de Gaza.

Les Palestiniens voient clair dans la politique américaine. Ils ne peuvent pas prendre Biden et Blinken au sérieux tant qu'ils refusent de faire pression sur Israël et continuent de fournir les bombes qui déciment les écoles et les hôpitaux palestiniens à Gaza. Les discours chaleureux et l'empathie sont perçus pour ce qu'ils sont : des paroles creuses. La déclaration de Mme Harris selon laquelle elle « défendra toujours le droit d'Israël à se défendre », comme si le fait de détruire des écoles servant d'abris constituait un moyen de défense, est perçue comme un acte malsain.

Ce qui devrait définir la politique américaine, c'est de mettre fin à la décimation israélienne de Gaza, que beaucoup considèrent comme un génocide. Jouer la montre et se réjouir des dernières prises de position de Netanyahou n'est pas une solution.

Il est temps que les États-Unis mettent fin à l'ambiguïté, au jeu et à la complicité avec les atrocités israéliennes. La clarté doit être à l'ordre du jour. Les États-Unis doivent faire la morale à leur allié embarrassant.

Premièrement, plus aucun avion ni bombe américains ne doivent être utilisés pour anéantir les Palestiniens affamés de Gaza. Deuxièmement, il faut rechercher un accord de cessez-le-feu adéquat et viable. Il doit y avoir une cessation immédiate et totale des hostilités, avec un échange d'otages et de prisonniers dans le cadre de l'accord, ainsi qu'un accès humanitaire total. Troisièmement, la présence militaire israélienne continue dans la bande de Gaza doit cesser, sans condition ni exception. Une présence internationale à Gaza doit être à l'ordre du jour.

Enfin, les États-Unis devraient également indiquer clairement qu'ils soutiendraient l'obligation de rendre des comptes pour toutes les parties au conflit. Cette seule décision changerait la donne pour toutes les parties et notamment pour Israël. L'absence d'ambiguïté procurerait un nouveau souffle.

Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding basé à Londres. 

X : @Doylech

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com