Israël et les boucliers humains, une nouvelle atteinte aux droits de l'homme

Des personnes brandissent des portraits de Palestiniens détenus par Israël lors d'une manifestation à Ramallah le 30 juillet 2024. (AFP)
Des personnes brandissent des portraits de Palestiniens détenus par Israël lors d'une manifestation à Ramallah le 30 juillet 2024. (AFP)
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Publié le Mardi 20 août 2024

Israël et les boucliers humains, une nouvelle atteinte aux droits de l'homme

Israël et les boucliers humains, une nouvelle atteinte aux droits de l'homme
  • Les forces armées israéliennes ont utilisé des civils palestiniens comme boucliers humains pour fouiller les bâtiments et les tunnels à la recherche de pièges et de combattants avant que les soldats israéliens n'y pénètrent
  • «Nos vies sont plus importantes que les leurs», dit-on aux soldats israéliens

Au cours des dix derniers mois, Israël a pratiquement porté atteinte à tous les droits de l'homme à Gaza. La vie des Palestiniens ne vaut rien. Même les droits des morts ont été bafoués. Le viol des prisonniers est apparemment acceptable.

Cependant, un aspect rarement évoqué est l'utilisation par Israël de Palestiniens comme boucliers humains. Le Hamas est régulièrement accusé d'utiliser des boucliers humains. Le fait qu'il prenne des otages et les garde à proximité de ses combattants et de ses dirigeants constitue une violation flagrante du droit international. L'argument israélien est que les membres du Hamas se cachent dans des zones civiles, y compris des écoles et des hôpitaux. Cela est indéniablement vrai, mais on ignore l'étendue de cette pratique.

Pourtant, Israël a bombardé 17 écoles au cours du seul mois de juillet. Tel-Aviv estime qu'il était acceptable de bombarder une école bondée qui sert d'abri civil sous prétexte que quelques combattants du Hamas pourraient s'y trouver. Les porte-paroles israéliens ne prétendent pas que ces membres participent à des combats actifs. Cela est incompatible avec le devoir d'Israël de faire, en toutes circonstances, la distinction entre civils et militaires et remet en question la question de la proportionnalité.

L'utilisation de boucliers humains ne date pas d'hier. Ces boucliers peuvent être volontaires, involontaires ou de proximité. Les boucliers humains volontaires ont été encouragés par le Mahatma Gandhi en Inde, par exemple.

Les boucliers humains involontaires sont interdits par le droit international en vertu des conventions de Genève et, depuis 2005, ils sont théoriquement proscrits en Israël. C'est le cas lorsqu'une partie belligérante force des personnes à servir de protection contre leur gré.

Dans les années 1930, les forces italiennes accusaient leurs adversaires éthiopiens de cacher des armes et des combattants dans les hôpitaux, tout comme Israël accuse le Hamas de le faire aujourd'hui. De nombreuses accusations d'Israël concernant l'utilisation abusive des hôpitaux de Gaza n'ont pas été étayées par des preuves ou se sont révélées fausses par la suite. Souvenez-vous de la maquette de l'énorme bunker que les responsables israéliens ont produite, affirmant que c'était ce qu'ils trouveraient sous l'hôpital Al-Chifa. Cette installation n'a jamais été localisée. Mais elle a permis aux propagandistes israéliens de détourner les critiques concernant le bombardement des hôpitaux, au point où l'on condamne à peine le bombardement d'un hôpital aujourd'hui.

L'expression « boucliers de proximité » a été inventée pour qualifier les civils qui sont proches des belligérants. Il s'agit du type de bouclier le plus courant dans les guerres modernes. La population d'une ville entière peut devenir un bouclier, ce qui signifie qu'elle subit une violence extraordinaire, souvent pendant des jours, des semaines et des mois. Les civils, comme dans le cas de Gaza, sont souvent pris au piège sans possibilité de s'en sortir. Israël a abusé de cette situation pour justifier des niveaux de bombardement horribles.

Tel-Aviv estime qu'il est acceptable de bombarder une école bondée qui sert d'abri aux civils.

                                                       Chris Doyle

Mais Israël a recours, depuis bien longtemps déjà, à des boucliers humains involontaires et le fait à nouveau à Gaza. Les forces armées israéliennes ont utilisé des civils palestiniens pour fouiller les bâtiments et les tunnels à la recherche de pièges et de combattants avant que les soldats israéliens n'y pénètrent. Ils sont même vêtus d'uniformes israéliens mais peuvent être repérés car ils portent des baskets et non des bottes de l'armée et sont menottés dans le dos. Des vidéos ont été divulguées montrant des Palestiniens descendant dans des tunnels, attachés à des cordes, à la recherche d'explosifs.

Selon l'organisation non gouvernementale israélienne Breaking the Silence, qui recueille les témoignages de soldats en service, cette pratique est tellement répandue à Gaza qu'elle pourrait être considérée comme un «protocole». On a dit aux soldats israéliens: «Nos vies sont plus importantes que les leurs.» Des éléments indiquent également que des Palestiniens ont été utilisés plutôt que des chiens dressés, ces derniers étant considérés comme plus précieux.

Il s'agit là d'une autre politique approuvée par l'État. Les rapports israéliens indiquent clairement que le chef d'état-major est parfaitement au courant de ces pratiques. Les responsables savent également que des enfants palestiniens ont été utilisés, ainsi que des personnes âgées.

L'utilisation de boucliers humains ne se limite pas à Gaza. Les preuves de l'utilisation de boucliers humains par des soldats israéliens en Cisjordanie abondent. Des groupes de défense des droits de l'homme ont signalé que trois garçons avaient été utilisés comme boucliers humains à Tulkarem en mai. Le même mois, un Palestinien blessé a été attaché à l'avant d'une jeep militaire à Jénine.

Israël utilise depuis longtemps les Palestiniens comme boucliers humains. Nombre d'entre eux ont certainement été utilisés en Cisjordanie lors de l'opération «Bouclier défensif» en 2002. À Gaza, des témoignages de soldats révèlent que des boucliers ont également été utilisés lors de l'opération  «Plomb durci» en 2009. «Parfois, une force entrait en plaçant les canons de fusil sur l'épaule d'un civil, avançait dans une maison et l'utilisait comme bouclier humain», selon un soldat.

Mais qui exige des comptes à Israël à ce sujet? La réponse est, comme toujours, personne. Comme pour d'innombrables autres atteintes aux droits de l'homme et violations chroniques du droit international, l'omerta règne parmi les hommes d'État internationaux. L'hypocrisie est flagrante, puisque le Hamas est souvent accusé du même crime, alors que les actions d'Israël ne sont pratiquement jamais contestées.

 

Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding basé à Londres. 

X : @Doylech

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com