Des vidéos macabres ont été diffusées cette semaine. On y voit des combattants rebelles en Afrique entourés de cadavres. Des coups de feu retentissent. Les scènes proviennent d'une bataille dans le nord du Mali, où des mercenaires de Wagner, accompagnant des troupes maliennes, sont tombés dans une embuscade tendue par une coalition de rebelles touaregs et une filiale d'Al-Qaïda connue sous le nom de JNIM (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans). Les vidéos montrent des mercenaires russes capturés et des véhicules incendiés.
Le JNIM affirme que l'embuscade a tué 50 Russes et plusieurs soldats maliens et qu'il a également capturé quelques survivants. Les services de renseignement ukrainiens auraient aidé les rebelles. Les chaînes du groupe Wagner ont fait état de lourdes pertes, dont la mort de leur commandant et d'un éminent blogueur militaire. Bien que le nombre exact de victimes n'ait pas été vérifié, cette attaque constitue l'un des pires échecs pour les paramilitaires russes en Afrique et met en lumière la situation extrêmement instable qui règne sur le continent.
Je m'abstiendrai de tout commentaire sur le fait que l'Ukraine, soutenue par l'Occident, soit du même côté qu'une filiale d'Al-Qaïda en Afrique. Alors que la nouvelle de l'événement a été célébrée dans les capitales occidentales, cette vidéo souligne les principaux problèmes auxquels l'Afrique est confrontée et le déplacement de l'équilibre géopolitique. La France, le Royaume-Uni et, plus récemment, les États-Unis cherchent à stopper la progression de la Chine et de la Russie. Cette concurrence entre grandes puissances est à l'origine d'une grande misère pour les populations africaines et entraîne des résultats désastreux. L'ingérence étrangère et les guerres par procuration, principalement menées pour accéder à des ressources clés et à des voies logistiques, ont gagné en intensité ces dernières années.
Il ne fait cependant aucun doute qu'on assiste à un certain changement. En effet, il existe une nouvelle vision qui œuvre à construire l'Afrique et à faire entendre sa voix. Sur cette nouvelle et troisième trajectoire, les capitales africaines se rendent compte que les pays du Conseil de coopération du Golfe sont des partenaires solides et valables qui peuvent soutenir un développement que la concurrence des grandes puissances n'a jamais permis. Il s'agit d'un alignement d'un corridor de puissances moyennes qui ont souffert des mêmes maux et considèrent le développement de leurs pays comme une priorité.
Les pays du Golfe ont une excellente compréhension des questions complexes liées aux ressources naturelles, ainsi que de la transformation et de la diversification économiques nécessaires pour conduire leurs pays vers la prochaine phase de croissance. Ils ont également démontré leur capacité à rééquilibrer les relations. Ainsi, depuis leur indépendance, ils ont construit des partenariats véritables et respectueux avec les pays étrangers. C'est une leçon dont les pays africains peuvent s'inspirer.
De plus, l'approche des pays du CCG à l'égard de l'Afrique se fait sans cupidité et même avec beaucoup de bienveillance. Ils cherchent à soutenir le développement de ces pays et à établir des relations mutuellement bénéfiques. Il s'agit d'une approche qui s'inscrit dans le long terme, contrairement à celle de certains autres acteurs. Il y a deux clés à cette approche: l'aspect politique et l'aspect économique, qui vont de pair.
La concurrence entre grandes puissances est à l'origine d'une grande misère pour les populations africaines et entraîne des résultats désastreux.
Khaled Abou Zahr
Nous avons constaté un renforcement des relations politiques entre les pays du CCG et les pays africains, résultant d'une compréhension des risques d'instabilité pour les deux régions. Nous avons été témoins d'alliances stratégiques et d'engagements diplomatiques mutuellement bénéfiques. Les pays du CCG, en particulier l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ont renforcé leurs liens politiques avec les pays africains afin d'améliorer la sécurité régionale. Ils ont notamment signé des accords de défense, établi une coopération militaire et joué un rôle de médiateur dans les conflits régionaux. Ces engagements politiques s'inscrivent dans une stratégie plus large visant à instaurer la stabilité dans des régions africaines clés, tout en relevant les défis sécuritaires et politiques qui touchent à la fois le Moyen-Orient et l'Afrique.
L'autre aspect de cet engagement est d'ordre économique. L'Arabie saoudite a considérablement augmenté ses investissements en Afrique, contribuant au développement économique et à la stabilité régionale au moyen de diverses initiatives stratégiques. Le Fonds d'investissement public a injecté des fonds dans des projets agricoles à grande échelle, renforçant ainsi la sécurité alimentaire. Dans le secteur de l'énergie, ACWA Power a développé des centrales solaires au Maroc et en Afrique du Sud, soutenant ainsi des solutions énergétiques durables. Les investissements dans les infrastructures ont porté sur la construction de routes, de ponts et de ports, ainsi que sur l'amélioration du commerce et de la connectivité.
Le Royaume a également investi dans les soins de santé en construisant des hôpitaux et en finançant des initiatives de santé publique, ainsi que dans l'éducation en créant des écoles et des universités et en offrant des bourses d'études. En outre, les investissements saoudiens dans les entreprises minières des pays riches en ressources exploitent les richesses minérales de l'Afrique, encourageant la croissance industrielle et l'emploi. Ces investissements soulignent l'engagement de l'Arabie saoudite en faveur du développement durable et de la prospérité à long terme dans toute l'Afrique.
Les pays africains considèrent donc le CCG comme un partenaire fiable, voire un médiateur. Pour illustrer ces changements historiques, le dernier en date a eu lieu au Gabon. En août 2023, après l'annonce du troisième mandat d'Ali Bongo lors des élections générales, des officiers militaires ont déclaré qu'ils avaient pris le pouvoir par un coup d'État sans effusion de sang. Le général Brice Oligui Nguema a été nommé chef de la transition et a prêté serment en tant que président intérimaire du Gabon le 4 septembre de l'année dernière. Il a assuré les dirigeants du monde entier de son engagement à coopérer, en mettant l'accent sur une approche de partenariat bénéfique en faveur du développement du Gabon.
M. Nguema a exposé sa vision de la restauration de la dignité et de la souveraineté du peuple gabonais, promettant des changements fondamentaux, notamment une administration honnête, une sécurité accrue, la propreté urbaine et des améliorations dans les domaines de l'éducation, des transports et de la santé publique. Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement s'est montré positif quant au soutien et au partenariat du CCG et de l'Arabie saoudite en particulier.
Bien que le chemin à parcourir soit toujours semé d'embûches et les images de destruction très vivaces, il ne fait aucun doute que le corridor Afrique-CCG a le potentiel de créer des occasions historiques pour l'Afrique. Un continent qui pourrait se nourrir lui-même et le Moyen-Orient est malheureusement toujours un importateur net. C'est sur des enjeux et des possibilités clés comme celle-ci que les partenariats public-privé du CCG cherchent à se développer. D'ores et déjà, les capitales africaines savent qu'elles ont un partenaire sans cupidité, mais avec beaucoup d'espoir.
Khaled Abou Zahr est le fondateur de SpaceQuest Ventures, une plate-forme de financement axée sur l’espace. Il est PDG d’EurabiaMedia et rédacteur en chef d’Al-Watan Al-Arabi.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com