DUBAÏ : Emissions toxiques et fuites de carburant: les récentes frappes israéliennes contre un port du Yémen tenu par les rebelles houthis sont venues aggraver la pollution dans une zone déjà touchée par des marées noires et des déversements de produits chimiques, selon des défenseurs de l'environnement.
Le 20 juillet, Israël a mené un raid aérien - le premier revendiqué au Yémen - sur le port stratégique de Hodeida, principal point d'entrée de divers produits et de l'aide humanitaire pour les zones sous contrôle des rebelles. Il a été mené deux jours après une attaque de drone des Houthis sur Tel-Aviv qui a fait un mort.
Depuis novembre, les rebelles soutenus par l'Iran mènent des attaques contre des navires présentés comme liés à Israël au large du Yémen, en "soutien" aux Palestiniens dans la guerre à Gaza, et ont aussi tiré des missiles contre des villes israéliennes, dont la plupart ayant été interceptés.
L'attaque israélienne de samedi, qui a fait neuf morts et des dizaines de blessés, selon un dernier bilan officiel, a provoqué d'énormes incendies qui ont dévoré une bonne partie des stocks de carburant des Houthis.
"L'incendie et les déversements associés ont généré des émissions dangereuses dans l'air et une contamination substantielle du sol", avec un impact "probable" sur le milieu marin, a noté l'ONG britannique Conflict and Environment Observatory (CEOBS) qui étudie les conséquences des conflits sur l'environnement.
Le raid a entraîné "une importante marée noire venant des réservoirs de carburant en feu", a indiqué pour sa part dans un communiqué l'organisation de défense des droits humains Mwatana, une ONG yéménite qui a envoyé une équipe sur place.
Après près d'une décennie de guerre entre les Houthis et le gouvernement soutenu par l'Arabie saoudite, le Yémen, l'un des pays de la région les plus vulnérables au changement climatique, souffre déjà d'une grave pollution de l'air et de l'eau, d'après un rapport publié en mars par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
- Risque pour "des millions" de personnes -
Wim Zwijnenburg, de l'ONG néerlandaise PAX qui oeuvre pour la paix dans le monde, a affirmé que les frappes israéliennes ont entraîné "la combustion d'au moins des dizaines de milliers de litres de pétrole".
Sur la base d'images du satellite européen Sentinel-2, l'expert a indiqué que l'attaque a provoqué des "déversements localisés" de carburant autour du port.
Les communautés de pêcheurs du pays le plus pauvre de la péninsule arabique dépendent largement de la mer pour survivre et la pollution côtière "risque d'affecter des millions de personnes", a alerté Farah Al Hattab, de Greenpeace Moyen-Orient.
Avant ce raid, les attaques des Houthis en mer Rouge et dans le golfe d'Aden avaient déjà provoqué une pollution significative.
Récemment, un pétrolier battant pavillon libérien a laissé échapper du carburant après avoir été touché par une frappe des rebelles à environ 180 kilomètres au nord-ouest de Hodeida.
Une traînée de pétrole de 220 kilomètres a été repérée près du site de la frappe, menaçant le sanctuaire marin de Farasan au large du Yémen et de l'Arabie saoudite, selon le CEOBS.
L'ONG a estimé qu'au moins 500 barils de pétrole se sont déversés en mer, ajoutant que la nappe était visible six jours après l'attaque et qu'elle menaçait des coraux et des écosystèmes marins.
Quelques mois plus tôt un autre navire, le Rubymar, battant pavillon du Belize, touché par les Houthis, a coulé avec sa cargaison de 21.000 tonnes d'engrais à base de sulfate de phosphate d'ammonium après avoir laissé échapper du carburant.
Ces épisodes sapent les efforts internationaux visant à éviter une catastrophe environnementale au Yémen.
L'année dernière, les Nations unies ont réussi à transférer sur un autre navire les 1,14 million de barils de pétrole brut du FSO Safer, un pétrolier de 48 ans abandonné sans entretien alors que les combats faisaient rage au Yémen, évitant ainsi la menace immédiate d'un déversement massif.